dimanche 31 août 2014

Curiosité : Marcus Sergius, Main De Fer Dans Un Gant De Fer.


                                      L'information va peut-être vous surprendre, mais figurez-vous que le glaive est un objet dangereux, et que la carrière de légionnaire romain nuit parfois gravement à la santé. Le général Marcus Sergius, héros de la deuxième guerre punique (218 - 201 avant J.C.) en sait quelque chose...

                                      Il faut dire qu'en seulement deux campagnes, le malheureux a sacrément morflé : blessé 23 fois, Pline l'Ancien nous rapporte qu'à cause des coups reçus, "il ne se servait bien ni de ses pieds ni de son autre main."

                                      Pourquoi "son autre main" ? Et bien parce que sa main droite a purement et simplement été coupée net, probablement entre le poignet et le coude lors de la seconde campagne de notre héros ! A votre avis, comment réagit Sergius ?! Loin de pleurnicher sur son moignon, il retourne rapidement se jeter dans la mêlée, et son infirmité ne l'empêche pas, au cours des semaines qui suivent, de s'illustrer au combat.  Mais deux bras valant mieux qu'un, l'estropié a finalement l'idée de se la jouer Terminator :  il se fabrique une prothèse métallique, afin de remplacer son bras. L'objet est suffisamment élaboré pour lui permettre d'y fixer un bouclier - et sans doute accessoirement de fendre avec entrain le crâne des Carthaginois... Il ne peut toutefois pas tenir d'épée ou de glaive - ce qui aurait nécessité un système plus compliqué.
"Il combattit quatre fois avec la seule main gauche, et eut deux chevaux tués sous lui. Il se fit une main droite en fer, et, étant entré en campagne avec cette main attachée au bras, il fit lever le siège de Crémone, protégea Plaisance, et força douze camps dans la Gaule." (Pline l'Ancien, "Histoire Naturelle", VII - 29.)

Prothèse du chevalier Götz von Berlich (XVIème s.) : sûrement plus sophistiquée que celle de Sergius...


                                      Ainsi paré, Sergius multiplie donc les faits d'armes - probablement aidé par la stupeur et la terreur des ennemis, face à ce survivant affublé d'une main de fer ! Et ce n'est pas tout : capturé à deux reprises par le général carthaginois Hannibal (qui n'est pas la moitié d'un dur à cuire), Sergius parvient à s'échapper à chaque fois, après 20 mois passés enchaîné et les pieds entravés. Surhomme, on vous dit...



Jambe artificielle retrouvée à Capoue. (300 avant J.C.)


                                      Certes, le bras métallique de Marcus Sergius n'est pas la première prothèse de l'Histoire. L'invention remonterait à l’Égypte antique, des doigts de pied artificiels ayant par exemple été découverts sur une momie. Mais les lignes que Pline consacre à Sergius constituent la première référence documentée. A Rome, toutefois, la plupart des prothèses étaient fabriquées en bois.

                                      Arrière-grand-père du tristement célèbre Catilina, Marcus Sergius devient prêteur en 197 avant J.C., mais il est écarté des fonctions sacerdotales précisément à cause de son infirmité - l'intégrité physique étant indispensable. Toutefois, Pline conclut en rendant hommage au courage et à la force de caractère exceptionnelle du valeureux héros : 
"Que de couronnes n'eût-il pas amassées s'il avait eu affaire à un autre ennemi ? Car, pour juger le courage d'un homme, il importe beaucoup de prendre en considération les circonstances. Quelles couronnes civiques ont été gagnées dans les batailles de la Trébie, du Tésin ou du Trasimène ? Quelle couronne fut méritée à la bataille de Cannes, où le suprême effort du courage fut d'avoir échappé à ce désastre ? Certes, les autres ont été vainqueurs des hommes ; Sergius l'a été de la fortune même." (Pline l'Ancien, Ibid.)
                                      Malheureusement, on ne se souvient de Marcus Sergius que grâce à ce fameux "bras de fer", et l'innovation médicale qu'elle représente à nos yeux éclipse la gloire de ce combattant intrépide et son incroyable destinée, dont ne subsiste d'ailleurs que deux petits paragraphes dans l’œuvre de Pline. Qu'un tel personnage ne soit pas davantage passé à la postérité ne cesse de m'étonner : si j'osais, je dirais que les bras m'en tombent...


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