Il y a quelques temps, j'avais rédigé un article sur la Maison Carrée de Nîmes, l'un des monuments romains les plus célèbres au monde. Pourquoi ne pas poursuivre notre visite de la ville, afin d'en découvrir les autres vestiges ? Pour notre seconde étape, je vous invite à vous arrêter sur le boulevard Amiral Courbet, face à l'église Saint-Baudile, afin d'en apprendre davantage sur la Porte Auguste.
A l'époque romaine, Nemausus possédait une vaste enceinte, faisant de la ville l'une des plus grandes cités fortifiées de l'Empire : elle englobait un périmètre de 7 km, pour une superficie de 220 hectares. Elle était entourée de remparts, hauts de 9 mètres et larges de 2 mètres, comptant 80 tours (dont la Tour Magne) et percés de dizaines de portes, dont ne subsistent aujourd'hui que la Porte de France et, donc, la Porte Auguste.
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La Porte Auguste. |
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La Via Domitia, toujours indiquée à Nîmes ! |
Autrefois appelée Porte d'Arles
(Porta Arelatensis), la Porte Auguste était située à l'Est de l'enceinte. Elle faisait face à la Via Domitia, que recouvre aujourd'hui la rue Pierre-Sémard, vers Arles et Beaucaire : elle était donc l'entrée principale de la ville pour qui souhaitait la traverser, avant de repartir vers l'Espagne par la Porte de France. C'est par là que passaient les légions se rendant à Narbonne. Il est à noter que, les Romains ayant coutume d'enterrer leurs morts à l'extérieur de la cité, les abords de la Porte Auguste ont révélé de très nombreuses tombes, véritable aubaine pour les archéologues de la région. Citons notamment les travaux d'Auguste Pelet qui, en 1849, organisa des fouilles et entreprit de dégager complètement le monument, partiellement enseveli. Ces travaux conduisirent à la mise au jour de la voie antique, ainsi qu'à la découverte de pièces de monnaie, pour la plupart antérieures au règne d'Antonin.
Pelet en déduisit que l'enceinte avait été remaniée à cette période.
Pour en revenir à notre porte, elle date de 15 ou 16 avant J.C., ainsi qu'en atteste l'inscription qui la coiffe :
IMP. CAESAR DIVI F. AVGVSTVS COS XI TRIB POTEST VIII PORTAS MVROS COL DAT - "César Auguste, Imperator, fils du divin Jules César, consul pour la 11ème fois, revêtu de la puissance tribunicienne pour la 8ème fois, donne ses portes et ses murs à la colonie."
Toutefois, selon l'historien Jules Teissier, on ne peut pas en déduire qu'Auguste ait fait bâtir à ses frais les portes et les murs d'enceinte afin de les offrir à la cité : en style administratif, cela signifierait simplement qu'Auguste, ayant jugé utile à ses intérêts que Nîmes soit entourée de remparts, lui ordonna de les construire. Cependant, il est généralement admis que l'ensemble de l'enceinte de protection était bien un don de l'Empereur.
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Détail de l'inscription, au frontispice du monument. |
Voyons à quoi ressemble le monument. Il s'agit d'un édifice entièrement construit en pierre de taille des carrières de Baruthel, formé par quatre arches au total :
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L'une des grandes arches. |
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Tête de taureau ornant les arches. |
- 2 grandes arches centrales (3.93 m de large sur 6,30m de haut), destinées aux chars et aux chevaux, permettant le passage des nombreux véhicules marchands qui animaient la vie économique de la cité. Elles sont surmontées de têtes de taureaux en relief, aujourd'hui passablement dégradées. Ces passages étaient les seuls à être munis de portes à vantail doublées de herses, preuve de la faible dimension défensive de l'ensemble.
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L'une des petites arches. |
- 2 arches latérales, plus petites (1.93 m de large pour 4.51 m de haut), réservées aux piétons, au-dessus desquelles se trouvent des niches, destinées à recevoir les statues de divinités protectrices, ou peut-être celles des deux fils adoptifs d'Auguste, Caius et Lucius, princes de la jeunesse romaine et patrons de la colonie.
Sur le façade de l'édifice, l'entablement est supporté par des pilastres richement décorés, respectivement toscans et corinthiens. Les pilastres du milieu sont séparés par une petite colonne ionique appuyée sur une console, mais dépourvue de piédestal : elle marquait, selon Auguste Pelet (voir ci-dessous) le
milliare passum primum de Nîmes, soit la pierre à partir de laquelle on mesurait les distances - un kilomètre zéro, si vous préférez. L'hypothèse est discutée : si elle remporte l'adhésion de certains archéologues, d'autres pensent en revanche que la borne milliaire se situait en réalité à quelques 100 m à l'intérieur de l'enceinte augustéenne, à la jonction des rues Nationale et Xavier-Sigalon.
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Colonne séparant les pilastres. |
L'édifice, large au total de 39,60 m, formait une saillie de 5,23 m sur les remparts. Flanqué de tours de gardes (on aperçoit encore la voûte d'entrée de l'une d'elles, côté jardin), il s'ouvrait sur une vaste cour (10 m sur 13 m), bordée de galeries couvertes dans le prolongement des arcades. Aujourd'hui, on peut voir une statue de l'empereur Auguste dans ce jardinet : elle n'est pas d'origine. Il s'agit d'une réplique, achetée avant la seconde guerre mondiale par la municipalité.
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Statue de l'Empereur Auguste. |
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Ce monument, l'un de ceux que je préfère à Nîmes, revient vraiment de loin : je vous laisse en juger par vous-mêmes ! En 1391, Charles VI ordonna la construction d'un château royal englobant la porte auguste, afin de protéger les habitants. Partiellement abimé lors des guerres de religions, il fut alors donné aux frères prêcheurs dominicains au XVIème siècle, et ceux-ci l'incorporèrent à leur couvent.
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Emplacement de l'ancienne tour. |
Lors de la révolution française, les remparts furent abattus - et notamment les deux tours romaines, dont il ne reste plus aujourd'hui que les bases, matérialisées par des dalles. Fort heureusement, alors que la démolition était déjà bien avancée, on aperçut dans les décombres le vestige romain, et plus particulièrement l'inscription augustéenne : la destruction fut immédiatement stoppée, et des passants vinrent spontanément aider à reconstituer la dédicace romaine. Mais personne ne saisit l'importance de la mise au jour, et il s'en fallut de peu que le monument ne soit démantelé. C'est à A. Vincent, membre de l'académie de Nîmes (1771-1830) que l'on doit sa conservation : il fit notamment remettre en place l'inscription, partiellement renversée. Malheureusement, ainsi que le rapporte P. Malosse, commissaire à la recherche des monuments d'arts et sciences du Gard, il était trop tard pour préserver l'édifice du plus gros des dégâts :
« Les dégradations cessèrent ; mais le mal étoit déjà opéré. La partie supérieure de l'édifice n'existoit plus les pierres qui formoient la frise et l'architrave avoient été brisées et précipitées par terre avec le reste des démolitions du rempart ; et l'inscription que l'on auroit pu y lire en entier avoit conséquemment disparu."
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Vue sur les arcades, sous les arches. |
Reconnaissez que la Porte Auguste doit donc une fière chandelle à Vincent et Pellet - entre autres - qui ont su reconnaître, dégager et préserver ce superbe édifice, qui s'inscrit aujourd'hui, comme jadis à l'époque romaine, dans l'architecture de la ville. Îlot de romanité au cœur de la cité moderne, je lui trouve quelque chose d'émouvant, comme la manifestation d'un lien entre le passé et le présent...
Une dernière petite remarque, si jamais vous avez l'occasion de venir admirer de vos yeux la Porte Auguste : ne manquez pas de faire une halte un peu plus loin, dans le hall d'accueil de la Banque Populaire, au n° 5 boulevard Amiral Courbet, située dans l'alignement du monument. Là, vous pourrez apercevoir un petit vestige des remparts de Nemausus, conservé et valorisé in situ...
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Dans le hall d'accueil de la Banque Populaire. |
Mes remerciements à
M. Jean Pey du Musée Archéologique de Nîmes, qui a gentiment accepté de me renseigner quant à cette fichue borne milliaire...
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