dimanche 12 août 2012

L'Imperium.

                                        Il y a un mot qui revient fréquemment dans certains de mes billets : je n'ai pas compté, mais je pense que j'ai dû l'écrire au moins une dizaine de fois depuis que je tiens ce blog. Ce mot, c'est : imperium. Alors, c'est bien gentil de vous balancer comme ça que "Untel est détenteur de l'Imperium", mais si je ne précise pas en quoi consiste, justement, l'Imperium, je pourrais tout aussi bien vous affirmer que le dénommé Untel est détenteur du Scrountch : vous ne seriez pas plus avancé. Donc, histoire de clarifier tout ça, voyons donc ce qu'est l'imperium.

                                        L'imperium, c'est la puissance publique. Vous me direz qu'on n'en sait pas plus... Concrètement, "imperium" signifie "commandement militaire" ou "autorité suprême". Cette notion est vraisemblablement d'origine étrusque (encore eux !) et, dans l'Antiquité romaine, elle s'est d'abord appliquée aux Rois, et plus particulièrement à leur pouvoir militaire. Ensuite, sous le République, l'imperium était conféré aux magistrats supérieurs, à savoir les dictateurs, les consuls et les prêteurs - ainsi que les proconsuls, détenteurs dans leur province d'un imperium proconsulare leur conférant pouvoirs civil et militaire. Il était détenu pour une année et se transmettait, à la fin de chaque magistrature, de consul à consul, de prêteur à prêteur, etc. Il n'y avait donc jamais de vacance. et, en cas de conflit ou problème, tout était clair : celui qui possédait l'imperium faisait autorité.

                                        On distinguait deux types d'imperium :

  • l'imperium urbi, qui s'exerçait jusqu'à un mille autour de Rome,
  • et l'imperium militiae, qui s'exerçait hors des limites de la ville.

Dans les deux cas, il englobait des actes civils et militaires. Ainsi, le magistrat porteur de l'imperium avait le pouvoir de contraindre tout citoyen à exécuter ses ordres, et pouvait infliger les peines prévues en cas d'infraction. Cette capacité à punir était symbolisée par les faisceaux de verges liées autour d'une hache, portées par les licteurs, en nombre variable (24 pour le dictateur, 12 pour le consul, par exemple) précédant tout détenteur de l'imperium lors de ses déplacements publics.

Licteurs aux Grands Jeux Romains de Nîmes 2012.


Faisceaux, en façade du Théâtre de Marcellus. (Photo antmoose.)

 La plupart du temps, l'imperium se rapportait surtout aux actes militaires, le pouvoir de commandement d'une armée étant généralement confié à un consul. L'imperium était octroyé pour une durée limitée, et à divers degrés selon le rang et l'expérience du récipiendaire.


Consul précédé des licteurs.



                                        Sous la République, il était possible de le prolonger dans des cas exceptionnels. Pompée et César, par exemple, se firent renouveler l'imperium pendant plusieurs années consécutives. D'où, d'ailleurs, l'une des origines de la guerre civile : les deux hommes étaient à la tête d'une armée, puisqu'ils disposaient tous deux d'un imperium, et aucun des deux n'était prêt à le déposer... Lorsque Auguste réforma les institutions, transformant la République en un principat, il se fit octroyer en 23 avant J.C. l'imperium proconsulare, étendu à tout l'Empire, avec la possibilité de le transmettre à ses représentants ou légats. Ceci lui conférait un pouvoir quasi absolu sur toute l'organisation militaire, judiciaire et administrative, sur l'ensemble du territoire. Afin de lui accorder une distinction supplémentaire, le Sénat qualifia même le titre d' "imperium majus", grand imperium. Après Auguste, tous les empereurs recevront ce même imperium à vie, et il deviendra un titre sous Vespasien. L’attribution de l'imperium conférant de fait l'autorité absolue, le sens du terme "Imperator" évoluera petit à petit, jusqu'à ce qu'il recouvre l'acception du mot Empereur. Et de même, l'Empire romain correspond à l' "Imperium romanum" - le territoire soumis à l'autorité de Rome.


Enfin, je signale également que "Imperium" est un formidable roman de Robert Harris, dans lequel Tiron, esclave de Cicéron, raconte l’ascension politique de son maître, en pleine conjuration de Catilina : véritable thriller politico-judiciaire, doublé d'une réflexion sur le pouvoir, parfaitement documenté et admirablement écrit. Lecture fortement recommandée !

"Imperium" de Robert Harris - Éditions Pocket - 7.60 € - Lien ici.


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