dimanche 30 septembre 2012

Palmier et crocodile : le blason de Nîmes.

                                        Étant donné que j'habite à Nîmes, j'ai eu l'occasion de vous présenter sur ce blog quelques-uns des nombreux vestiges romains que compte la ville. Il m'en reste encore quelques-uns sous le coude et, lorsque j'aurais épuisé les monuments nîmois, je compte bien élargir le périmètre à la région - et au-delà si nécessaire. Mais avant d'écumer d'autres territoires d'un pas allègre (et nonobstant déterminé), il m'a semblé important de consacrer quelques lignes au blason de ma ville d'adoption.

                                        C'est tout simplement en me baladant dans Nîmes, et plus précisément autour des arènes, que j'ai été frappée par l'incongruité de la chose : alors que je vous soûle avec les monuments Romains de la cité, je n'ai même pas pris le temps de vous parler de son emblème ! Et Jupiter sait qu'il a pourtant toute sa place dans ces pages...

Nîmes, place du Marché.

                                       L'emblème de Nîmes, donc, c'est un crocodile attaché à un palmier. Ce qui soulève une double énigme : 1) quel rapport entre Nîmes, le palmier et le crocodile d'une part ? et 2) quel rapport entre l'Empire romain, le palmier et le crocodile d'autre part ? Reconnaissez qu'au premier abord, ça n'a rien d'évident. A priori, un palmier et un crocodile, ça évoquerait plutôt l’Égypte, le Nil, Cléopâtre, etc.

                                        Et précisément, voilà qui tombe très bien puisque c'est vers l’Égypte et vers Cléopâtre que nous allons devoir nous tourner ! Pour être exacte, nous allons remonter à la bataille d'Actium où, en 31 avant J.C., la reine égyptienne s'allie à son amant, Marc Antoine, pour affronter Octave-qui-n'est-pas-encore-Auguste. Celui-ci remporte la victoire, signant la fin des ambitions du couple terrible et instaurant sa domination sur l'ensemble du futur Empire.


La bataille d'Actium. (Toile de Lorenzo Castro.)

                                        Or, Nemausus obtint le droit de frapper une monnaie célébrant l'évènement : l'as de Nîmes (aussi désigné comme dupondius au crocodile) , pièce de bronze qui se répandit dans tout l'Empire, et très courante dans la région - au point qu'autrefois, les habitants ne pouvaient pas faire un pas dans un champ sans tomber sur un exemplaire! Il y en eut trois tirages successifs - la fabrication s'étalant sur 40 ans tandis qu'elle fut largement imitée, y compris après la fin de la frappe. Sur l'avers, on y voit l'Empereur Auguste et son gendre Agrippa (commandant de la flotte à Actium et principal artisan de la victoire) et, au revers, le fameux crocodile enchaîné à un palmier couronné de lauriers, surmontés de l'inscription "Col. Nem.”.



Soit d'un côté, les deux chefs de guerre victorieux et de l'autre, la représentation symbolique de l’Égypte (crocodile et palmier) soumise à Rome (la couronne de lauriers). Quant à COL NEM, il s'agit de l’abréviation de COLonia NEMausensis - colonie nîmoise.




                                       Vous me rétorquerez que ça ne nous avance guère, et qu'une question reste toujours en suspens : pourquoi Nîmes a-t-elle été associée à la victoire d'Actium ? Pendant longtemps, l’inscription "COL. NEM." laissa penser que les vétérans d'Actium avaient reçu des terres nîmoises, l'Empereur Auguste les récompensant ainsi de leur bravoure et de leur fidélité. Ainsi, les anciens militaires se seraient implantés dans la région, favorisant son essor. La richesse des infrastructures, l'opulence des villas et des monuments publics, ainsi que les nombreuses inscriptions évoquant des soldats ayant combattu en Orient accréditaient cette thèse.  Mais aujourd'hui, les archéologues pensent que Nîmes n'était finalement qu'une fabrique de monnaie, et que sa population n'avait aucun lien particulier avec la fameuse bataille. Les armes de la ville ne seraient donc qu'une référence à l'as de Nîmes - ce qui n'est pas rien, quand même !


Blason de Nîmes au moyen-âge.

                                        Au moyen-âge pourtant, les armoiries de Nîmes représentaient un "simple champ de gueules" (soit un fond rouge uni), après avoir figuré pendant longtemps les trois consuls, maîtres de la ville.


Armoiries de Nîmes, accordées en 1516.

                                        Puis, en 1516, on ajouta un taureau d'or au blason préexistant. Pour autant, les Nîmois restaient attachés à cette pièce de bronze, que l'on continuait à déterrer un peu partout. 20 ans plus tard, lorsque François Ier visita la ville, les consuls (à l'origine, les délégués du Comte de Toulouse) eurent alors l'idée de lui demander la permission de prendre pour emblème de la commune la fameuse pièce de monnaie romaine, ce qui leur fut accordé en 1536, leur permettant d'adopter un blason " de gueules, à un palmier de sinople, au tronc duquel est attaché, avec une chaîne d'or, un crocodile passant, aussi de sinople, et une couronne d'or liée d'un ruban de même, posée au premier canton du chef de l'écu." Et comme un beau dessin vaut parfois mieux qu'un long discours (surtout s'il est héraldique !) :






Blason du Nîmes Olympique.
 En 1985, Philippe Starck revisita le symbole, en le modernisant tout en en conservant la symbolique romaine : c'est ce logo que l'on peut voir aujourd'hui, disséminé un peu partout dans la ville, et notamment sur les clous présents aux abords du quartier de l’Écusson. Personnellement, je me suis attachée à ce symbole, qui témoigne encore une fois des liens privilégiés tissés entre Nîmes et l'empereur Auguste. Et je pense que c'est également le cas de la plupart des Nîmois : après tout, ce n'est pas pour rien que les joueurs de football du Nîmes Olympique sont surnommés les crocos !







Logo revu par P. Starck, sur l'un des clous de l'esplanade.


Blasons reproduits avec l'aimable autorisation du site www.nemausensis.com  , qui m'a d'ailleurs été fort utile dans la rédaction de ce billet. Allez jeter un coup d’œil : c'est une mine d'informations sur l'Histoire, les traditions, etc. de Nîmes et de la région.

7 commentaires:

  1. Pour la bataille d'Actium elle daterais de -31 avant JC et non pas -40
    Minvtio, Leg X gemina Lorica Romana

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  2. Oups ! Merci de la rectification ! Étourderie de ma part, immédiatement corrigée. C'est très gentil d'avoir pris la peine de me signaler ma bourde, merci encore.

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  3. C'est la place du marché avec le croco et pas la place de la fontaine ! ;)

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  4. Exact ! Erreur stupide de ma part, merci de l'avoir corrigée :-) J'étais bourrée quand j'ai écrit cet article, ou quoi ?!!!

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  5. Bonjour et merci pour tes superbes photos je vis à cet endroit et merci pour tes infos aussi
    bonne journée

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  6. De rien ! Si je peux faire plaisir à une concitoyenne de Nemausus :-) ...

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  7. J'ai effacé par erreur le commentaire de Philippe, de Sumène, qui disait ne pas comprendre pourquoi le crocodile était attaché à un palmier. Désolée pour la mauvaise manip', je n'ai pas voulu vous censurer ! Quant à la réponse, elle me semble claire : le crocodile et le palmier sont des symboles de l’Égypte, et le crocodile est enchaîné car le pays a été soumis par Rome.

    Cela dit, j'ai également lu dans un livre qu'on pouvait y voir Antoine dans le figure du crocodile, enchaîné à l'égyptienne Cléopâtre, représentée par le palmier... En faveur de cette hypothèse, j'ajoute que si vous regardez attentivement l'as de Nîmes, vous verrez que le crocodile semble en fait attaché aux serpents qui y figurent - qui, eux, sont clairement des attributs des pharaons.

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