Rome a dominé durant des siècles un vaste territoire, sur lequel elle a durablement laissé son empreinte : du Moyen-Orient au Nord de l'Angleterre, d'Afrique du Nord jusqu'en Allemagne, les vestiges de la puissance impériale sont... légions. Dans ce domaine, le Languedoc-Roussillon n'a pas à rougir. Passage obligé entre Rome et l'Espagne, cette zone fut très tôt occupée par les Romains, et la richesse de son patrimoine se traduit autant par le nombre des découvertes que par leur variété. Des pans d'Empire romain enfouis, progressivement mis au jour en même temps que se révèlent ces Gallo-romains au travers d'une société dans son ensemble ou des petits détails de la vie quotidienne.
C'est par ce biais que Georges Mattia a tenté d'appréhender ces Romains du Languedoc. Journaliste au quotidien "Midi-Libre", il a rédigé durant l'été 2011 une série de chroniques qui, enrichies et actualisées, ont été réunies dans un livre. Se basant sur les chantiers récents et les dernières recherches en archéologie romaine dans la région, l'auteur s'invite dans le quotidien de ses antiques habitants.
Georges Mattia. (©Actes Sud) |
Pour se faire, il s'est rapproché des historiens, archéologues, etc. En un mot, des meilleurs spécialistes régionaux. A leurs côtés, il s'est penché sur les grands et petits sites locaux, au plus près des dernières avancées. Armé d'une passion et d'un savoir que l'on devine immenses, Georges Mattia en a tiré de courtes chroniques, tenant sur deux pages, afin de rendre accessible l'essentiel de ces recherches et leurs implications quant à la compréhension du mode de vie des Romains installés dans le province de la Narbonnaise. Le but est largement atteint : par son écriture légère et agréable, et grâce à ses articles percutants, rédigés dans un style simple et rigoureux mais mâtiné d'une bonne dose d'humour et de références populaires, le journaliste conduit son lecteur sur les zones de fouilles ou dans les vestiges, avant de l'entraîner au cœur de l'antiquité, dans les pas des hommes et des femmes qui peuplaient les lieux. Et il conclut bien souvent par un trait d'humour bien senti qui, derrière la galéjade, interroge les liens qui nous unissent encore à eux.
A cette écriture à la fois sérieuse sur le fond et malicieuse dans la forme, il convient d'ajouter l'incroyable richesse des illustrations, qui mêlent habilement les reconstitutions en images de synthèse, les formidables aquarelles de Jean-Claude Golvin, les photographies des chantiers de fouilles, des mosaïques ou des objets sortis des musées.
En textes et en images, on arpente ainsi l'ensemble de la région, de la frontière espagnole à Arles en passant par Javols, Nîmes, Narbonne, la Villa Loupian ou des endroits moins connus comme Sommières ou Murviel-lès-Montpellier. A la diversité des lieux répond celle des thèmes évoqués qui, rassemblés, offrent une vision étonnante et très complète de la civilisation gallo-romaine. Certains articles sont attendus : le Pont du Gard, la Maison Carrée de Nîmes et son amphithéâtre, Arles Antique ou les superbes mosaïques de la Villa Loupian. D'autres, en revanche, sont plus surprenants, mais toujours pertinents. La reconstitution d'une bataille sur le site de Lattes permet par exemple de mettre en lumière la participation de combattants gaulois dans les rangs de l'armée romaine ; l'archéoconchyliologie (étude archéologique des coquilles) met en lumière le goût des Romains pour les huîtres ; l'antique relais routier de Villetelle présente une approche originale des transports et des communications de l'époque. Économie (commerce, monnaie), société (religion, droit romain), urbanisme (forum, thermes, infrastructures, etc.), artisanat (mosaïques, poterie et surtout viniculture) grands hommes (Auguste, César, Pompée), loisirs (jeux, gladiature, théâtre, piscines) et vie quotidienne (gastronomie, villae, cosmétiques... et latrines !) : Georges Mattia multiplie les thématiques et offre au lecteur un panorama complet du Languedoc romain.
Je n'émettrai que deux petites critiques, toutes relatives. Tout d'abord et bien qu'il soit très intéressant, l'ouvrage m'a parfois donné l'impression d'un joyeux fouillis : on passe d'un sujet à l'autre, d'un lieu à l'autre avant de rebrousser chemin ou de revenir sur un thème déjà évoqué quelques pages plus tôt. Mais je suppose que l'ordre choisi n'a rien d'aléatoire et qu'il suit la chronologie de la parution des textes dans le quotidien régional. Dans le même ordre d'idée, je regrette que certains articles n'aient pas été approfondis. Là encore, je comprends toutefois qu'un développement plus important sorte du cadre de cet ouvrage.
Et, finalement, c'est peut-être là le principal mérite de ce livre : certains curieux se contenteront de cet aperçu de romanité languedocienne, quand il donnera à d'autres l'envie de s'immerger davantage dans tel ou tel sujet. Sans compter qu'il remplit une autre fonction : celle de guide touristique pour passionné d'antiquité ! Un joli livre, sympathique et accessible qui souligne ce que le Languedoc doit à Rome à travers la romanisation du territoire et de la société, mais aussi ce que Rome doit au Languedoc, notamment grâce au commerce et à l'agriculture. Tous les chemins mènent peut-être à Rome, mais un détour par la Narbonnaise est fortement recommandé.
IL ÉTAIT UNE FOIS... LES ROMAINS EN LANGUEDOC.
de Georges MATTIA.
Éditions Actes Sud / Errance - 192 pages - 27€.
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