Buste de patricien, supposé être Caton l'Ancien. (©Niplos via wikipedia.) |
Un sacré personnage, que ce Caton, aussi connu comme Caton le censeur ! Cet orateur et politicien de la République (234 - 149 avant J.C.) est l'archétype du romain traditionaliste, un parangon de rigueur morale, et on le présente le plus souvent comme un rabat-joie de première. Défenseur d'une Rome agricole et conquérante comme aux plus beaux temps de Romulus, il prône le strict respect des valeurs morales des origines : adepte d'une vie simple et austère, il s'élève contre ce qui lui apparaît comme un facteur de décadence. C'est-à-dire : tout, ou peu s 'en faut. La corruption, la luxure, la paresse, mais aussi le luxe des étoffes, la profusion de bijoux, l'art grec (bien connu pour amollir la jeunesse romaine), les plaisirs de la table... A ses yeux, ce sont autant de manifestations de la débauche qui gangrène peu à peu la société. D'une certaine manière, Caton l'Ancien est à son époque le dernier rempart d'une république romaine sur le point de disparaître, à cause de l'expansion territoriale et du pouvoir grandissant des généraux.
Vous ne serez pas surpris d'apprendre que Caton est bien connu pour son style de vie frugal : il se contente d'eau et de mets simples et regarde comme méprisables ceux qui se soumettent à leurs sens. A un homme qui souhaite se rapprocher de lui, il rétorque par exemple : "Je ne saurais vivre avec un homme qui a le palais plus sensible que le cœur." Plus violent encore, il raille ainsi un homme obèse : "A quoi peut servir à la patrie un corps où, du gosier à l'aine, tout l'espace est occupé par le ventre ?"
Un jour, raconte Plutarque, le peuple romain affamé réclame vigoureusement une distribution de blé supplémentaire. Mais Caton s'oppose à cette mesure démagogique et s'adresse à la Plèbe :
"Un jour le peuple romain demandait instamment et hors de propos qu'on lui fît une distribution de blé. Caton, qui voulait l'en détourner, commença ainsi son discours : 'Citoyens il est difficile de parler à un ventre qui n'a point d'oreilles.' " (Plutarque, "Vie de Caton", XI.)
Carte publicitaire illustrant le proverbe. |
Cette phrase sera reprise ensuite par Rabelais dans son "Tiers-Livre" qui la prête au personnage de Panurge (Tiers-Livre, XV), et surtout par Jean de la Fontaine qui la remanie légèrement dans sa fable "Le Milan et Le Rossignol" - du reste empruntée à Ésope... Capturé par le rapace, le rossignol pris dans ses serres tente de l'amadouer en lui chantant sa plus jolie chanson. En vain puisque le milan lui rétorque : "Nous voici bien : lorsque je suis à jeun, tu viens me parler de musique !" Et de conclure : "Ventre affamé n'a point d'oreilles".
Encore, encore ... et prenons garde de nous lever du pied gauche
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