dimanche 4 mars 2012

Who's bad : les "mauvais" empereurs.

                                        L'histoire romaine regorge de héros, de grands hommes qui, même s'ils ne sont pas des saints, forcent le respect et l'admiration - pour des raisons diverses et variées. J'ai moi-même mon panthéon personnel, que je vous livrerai un jour ou l'autre. Mais avant ça, je vous propose un petit palmarès des pires empereurs de Rome. D'accord, ce sont des brutes, des assassins ou des fous - voire les trois à la fois. Mais c'est justement pour ça qu'ils sont intéressants ! Et, avouons-le, nettement plus drôles qu'un Trajan, un Marc Aurèle ou un Jules César (qui n'était pas empereur, d'ailleurs) : s'ils sont dignes d'éloges, on se fend nettement moins la pêche avec eux. Encore que, je ne suis pas certaine que les mouches partagent mon opinion... (Cf. Domitien)
Racoleur ? J'assume ! Et me considérant moi-même comme pas tout à fait saine d'esprit, je trouve assez rassurant de constater qu'il y a des cas bien pires que le mien.
                                        J'ai donc établi mon top 5 des pires tarés de Rome (qui ont tous finis assassinés, comme par hasard...), en toute subjectivité et en me rapportant aux écrits de Tacite, Suetone et consorts. Et veuillez noter que, si leurs témoignages ne sont pas toujours fiables car souvent partiaux, j'ai décidé de les prendre au pied de la lettre et de me fier à leurs allégations - simplement pour cet article. En toute subjectivité : je vous avais prévenus.  

5) COMMODE : Hercule réincarné.

Commode succède à son père Marc-Aurèle et règne de 180 à 192. L'Empereur du film "Gladiator" de Ridley Scott, c'est lui.


Commode en Hercule (source : Marie-lay Nguyen.)

Pourquoi est-il complètement cintré ?  Parce que, fana de combats de gladiateurs, il se désintéresse complètement de l'Empire, qu'il laisse aux mains de son préfet du Prétoire. Il se consacre aux courses de char, aux combats et aux beuveries. Persuadé d'être le descendant d'Hercule, il revêt une peau de lion et se balade avec une massue à la main. Il descend lui-même dans l'arène et exerce la gladiature, obligeant les sénateurs à assister au spectacle et puisant dans les caisses de l'état pour se rémunérer. Paranoïaque, il voit des complots partout - et il n'a pas tout à fait tort. Du coup, il projette de faire assassiner les deux consuls, pour les remplacer par des gladiateurs. C'en est trop pour son secrétaire et son préfet, qui le font empoisonner. Mais Commode, complètement bourré, régurgite le poison, et il faut l'étrangler pour l'achever.




4) ELAGABAL : le Roi-Soleil.

Elagabal (ou Héliogabale) règne de 218 à 222, sous le nom de Marcus Aurelius Antoninus. Il est le petit-neveu par alliance de l'Empereur Septime Sévère et le neveu de Caracalla.

Elagabal. (Source : G. Dallorto.)

Pourquoi est-il complètement cintré ? Parce que, né en Syrie et accédant à la pourpre à l'âge de 14 ans, il est obsédé par le Dieu solaire Héliogabale, adoré à Emese. Au point de décréter qu'il prendra désormais le pas sur tous les autres Dieux romains, Jupiter inclus. Ramenant de sa région natale la pierre noire liée au Dieu, il la transporte à Rome dans un char en or attelé à des chevaux blancs, conduits à reculons jusqu'au Palatin dans un temple spécialement édifié pour l'occasion. Il tente d'imposer au peuple une sorte de religion unique (d'où son surnom), épargnant une seule divinité romaine, la Bonna Dea. Laissant sa mère et sa grand-mère gérer les affaires politiques (ce qui choque peut-être encore plus ces misogynes de vieux Romains), il s'occupe en organisant des jeux du cirque et des combats d'animaux. Bisexuel, il épouse une vestale (sensée rester vierge) mais doit la répudier devant le scandale, et nomme à de hautes fonctions ses amants les mieux membrés, parmi lesquels son barbier. Il aime aussi, à l'occasion, se travestir en Vénus et, dit-on, demande à des médecins s'il serait possible de le castrer pour le doter d'organes féminins...  Il est assassiné lorsque les soldats apprennent qu'il envisage de faire exécuter son cousin, Sévère Alexandre, très populaire parmi les légions : Sévère Alexandre accède au pouvoir, et la pierre noire retourne d'où elle est venue. (en marche avant, cette fois.)


3) DOMITIEN : paranoïaque et insecticide.

Fils de Vespasien et frère de Titus, auquel il succède en 81. Il règne jusqu'en 96.


Domitien.

Pourquoi est-il complètement cintré ? Ce charmant monsieur, qui a passé une grande partie de sa vie à tenter de tuer son frère (par exemple en donnant l'ordre qu'on le laisse mourir, alors qu'il était malade), est un paranoïaque doublé... d'un tueur de mouches ! Son grand passe-temps, c'est de les transpercer avec une aiguille - quand il ne fait pas exiler ou exécuter de putatifs conspirateurs. En bloc : des gouverneurs, des philosophes (tous les Stoïciens y passent) et évidemment les membres de sa famille. On raconte qu'un sénateur a la mauvaise idée de faire le mariole, en répondant à quelqu'un qui lui demandait si l'Empereur était seul : "Oui : il n'y a personne avec lui, pas même une mouche." Couic ! Il y passe aussitôt ! Quand même sacrément atteint, Domitien se fait appeler "Maître Des Dieux", et fait recouvrir de miroirs les murs de son palais, afin de pouvoir surveiller ceux qui viendraient dans son dos afin de l'assassiner.
Et pourtant, Domitien est un Empereur compétent et un excellent gestionnaire. Mais, véritable despote, il est détesté par les sénateurs et par sa femme, qu'il trompe allègrement avec une foule de prostituées et, accessoirement, avec sa propre nièce Julia. Il est assassiné en 96 et le Sénat vote même la damnatio memoriae, ce qui signifie qu'on abat ses statues et qu'on détruit toute mention de son nom - comme s'il n'avait jamais existé.


2) NERON : Un artiste qui met le feu.

De son vrai nom Lucius Domitius Ahenobarbus. Fils adoptif de l'Empereur Claude, Néron règne de 54 à 68. Mon petit préféré dans cette liste de détraqués...

Néron.

Pourquoi est-il complètement cintré ?  D'abord, il faut lui reconnaître une hérédité chargée : il est le neveu de Caligula et son père biologique, Cnaeus Domitius Ahenobarbus, est déjà bien secoué. Ou plus exactement, c'est une brute épaisse - le genre à foncer avec son char sur les gamins qui jouent sur la voie, ou à arracher un œil à un type lors d'une bagarre. Sa mère, Agrippine, n'est pas un cadeau non plus : retorse et manipulatrice, elle a zigouillé son oncle Claude, dont elle s'était faite épouser et qu'elle avait convaincu d'adopter Néron. Sympa, la famille...
Ceci étant, bon sang ne saurait mentir : Néron empoisonne son frère adoptif Britannicus, répudie sa première épouse puis la fait décapiter et offre sa tête à sa femme, Poppée (laquelle s'amuse à planter des épingles à cheveux dans la langue de sa rivale défunte. Comme quoi, ces deux-là s'étaient bien trouvés !). C'est cette même Poppée qu'il tue plus tard, au cours d'une dispute conjugale : il lui tombe dessus à bras raccourcis alors qu'elle est enceinte et tue le fœtus à coups de pied. Cependant, il devait sincèrement l'aimer puisque, avisant un jeune garçon qui lui ressemble, il le fait castrer, le force à se travestir et l'épouse. Sans oublier, bien sûr, qu'il fait tuer sa mère Agrippine, son précepteur Sénèque, et force au suicide une flopée de sénateurs et de généraux, accusés de conspirer contre lui.
Quoi d'autre encore ? Ah, oui : il aurait mis le feu à Rome, faisant des milliers des victimes et détruisant une bonne partie de la ville. (Version largement contestée depuis.) En tous cas, ce qui est certain, c'est que pour faire taire les rumeurs qui l'accusent du désastre, il en fait porter la responsabilité aux Chrétiens, qui sont massacrés en foule dans l'arène ou ailleurs (certains sont brûlés vifs la nuit, dans les jardins de Néron, comme pour servir d'éclairage !) A côté de ça, le fait qu'il chante la ruine de Troie depuis ses jardins en contemplant le sinistre paraît presque anodin ! Car Néron n'est pas seulement un matricide, un paranoïaque et un incendiaire : c'est aussi un artiste, qui aime à se produire dans toute sorte de concours, toujours accompagné de sa "claque" constituée de jeunes romains payés pour l'applaudir. Dans le public, les sénateurs et nobles romains obligés d'assister à ses représentations sont terrorisés : c'est à qui acclamera l'Empereur le plus fort - on a trop peur d'y laisser la vie! Le futur empereur Vespasien n'est pas passé loin : il s'endort alors que Néron se produit sur scène, et manque d'être condamné à mort.
Finalement, une révolte des légions porte Galba au pouvoir, et Néron est contraint au suicide. Aidé par un affranchi, il met fin à ses jours en s'écriant : "Qualis artifex pereo !" (Quel artiste meurt avec moi.)    


1) CALIGULA : le mauvais cheval.

De son vrai nom Caius Iulius Caesar Germanicus, surnommé Caligula par les légionnaires, en référence aux petites sandales militaires qu'il portait enfant. Fils de Germanicus, petit-fils adoptif de Tibère, Caligula règne de 37 à 41. Et là, accrochez-vous : dans la catégorie des cinglés, vous êtes tombés chez les poids lourds !

Caligula.

Pourquoi est-il complètement cintré ? Vous avez l'embarras du choix. A proprement parler, Caligula apparaît comme le vrai malade mental de ma petite sélection... Pourtant, tout avait bien commencé : adulé par le peuple, il inaugure son règne par une série de mesures très populaires. Puis, il tombe malade : une fois guéri, il est devenu un tyran fou. Il se prend pour un Dieu, envisage de remplacer les statues des divinités romaines par les siennes, passe son temps à tailler le bout de gras avec Jupiter lui-même (qu'il engueule d'ailleurs copieusement.) Il couche avec ses sœurs, "emprunte" les femmes des autres, notamment une jeune mariée lors de son repas de noces, et détaille longuement leurs performances au lit. Évidemment, il n'est pas en reste niveau épuration : Caligula fait assassiner sa grand-mère et son cousin Gemellus, mais aussi des chevaliers, des Sénateurs, etc. Voire même le roi Ptolémée de Maurétanie, qui a eu l'audace de se présenter à lui vêtu de pourpre ! Et ça, Caligula n'aime pas : ça lui rappelle trop les attributs impériaux !


Cela dit, il fait preuve d'une inventivité dans le sadisme et la cruauté qui force l'admiration : il jette les condamnés aux mines, condamne les Sénateurs à se battre dans l'arène ou les faits brûler vifs. Il aime aussi annoncer que les greniers à blé de la ville sont vides pour assister aux émeutes à la panique de la foule. Sa cruauté n'a d'égale que son sens de l'humour, bien particulier... Au cours d'un repas, il éclate de rire sans raison ; lorsqu'un convive l'interroge, il répond, grosso modo : "Je viens juste de penser que, d'un seul mot, je peux tous vous faire décapiter !" Ce qui semble être une obsession chez lui, puisqu'il répète souvent à ses maîtresses : "une si jolie nuque sera tranchée dès que j'en donnerai l'ordre"...
On peut ajouter que Caligula, parti conquérir la Grande-Bretagne, annonce qu'il va faire la guerre à Neptune... et envoie ses légionnaires ramasser des coquillages sur la plage ! Avant de revenir, triomphal, à Rome. Fanatique des jeux du cirque, il aime y convier la population avant d'en faire fermer les portes et de laisser les spectateurs cuire en plein soleil (au point, dit Suetone, que certains feignent d'être morts pour pouvoir être évacués !)
 Reste enfin Incitatus, son cheval, auquel il est tellement attaché qu'il va jusqu'à lui faire construire une maison avec mangeoire en ivoire, lui attribuer des serviteurs et du mobilier, et faire organiser des banquets en son nom. La veille d'une course, le moindre bruit est interdit dans le voisinage, pour ne pas risquer de déranger l'animal. Il aurait même envisagé de le nommer consul...
Avec un tel palmarès à son actif, ses contemporains ne portent pas vraiment Caligula dans leur cœur et, on s'en doute, il ne meurt pas de sa belle mort : en 41, il est battu à mort par les soldats de sa garde. Il expire en hurlant : "Je suis toujours vivant !" Flippant jusqu'au bout.


                               Il a fallu faire un choix. Pourtant, j'aurais pu sacrément allonger la liste ! J'ai encore quelques joyeux spécimens en réserve... Mais je crois que, franchement, vous ne trouverez pas mieux (ou pire) que ces cinq-là.
                              Pour finir, le choix de l'exergue de ce billet n'est pas fortuit : les paroles de la chanson de Mickaël Jackson renvoient directement à une vidéo aussi géniale que délirante, que l'on doit aux britanniques de Horrible Histories. Parmi d'autres pépites (la chanson de Cléopâtre vaut son pesant de cacahuètes...), cette chorégraphie des Bad Roman Emperors est à se tordre : là voilà, pour finir ce billet en beauté.




2 commentaires:

With-passion a dit…

Le billet était vraiment très marrant.Ils sont fous ces empereurs ! Mais mon pref reste César il est trop fort ! Je dois faire un exposé sur "Rome sous le règne de Domitien" ça ne devait pas être la joie lol.

FL a dit…

Bonjour,

Et tout d'abord, merci beaucoup pour votre message.

Euh oui, en effet : vivre sous le règne de Domitien, si l'on en croit les auteurs antiques, ce n'était pas de tout repos ! Encore qu'à lire Suétone, on se demande qui, de lui ou de Caligula, était le plus cintré!

Pour votre exposé, je me permets de signaler un excellent site que vous connaissez peut-être déjà : www.empereurs-romains.net . "La Maîtresse De Rome" de Kate Quinn, dont j'ai parlé sur ce blog (en juin, je crois), revient également sur cette période : c'est une fiction, mais elle rend bien l'atmosphère étouffante de la cour de Domitien, et son caractère, euh, particulier ! Peut-être que ça peut vous aider, ou au moins vous permettre de frimer en citant un ouvrage en lien avec votre exposé ! :-)

En attendant, tant mieux si ces quelques Empereurs vous ont fait sourire - et bon courage...