Mais pour commencer, qu'est-ce qu'un péplum, exactement ? Et puis d'abord, d'où vient ce nom ? Et bien péplum vient du mot grec peplos, qui désigne une tunique longue de style dorien portée par les femmes. On voit vaguement le rapport avec la choucroute, mais on n'est quand même pas totalement convaincu : en effet, le protagoniste principal du péplum est généralement un homme, et la plupart du temps court vêtu - jupette pour les militaires, tunique dévoilant la cuisse (musclée, de préférence) pour les autres. Certains font remonter l'origine de l'utilisation du mot péplum au film "La Tunique" (1953) mais Claude Aziza avance une explication que je trouve plus séduisante : on devrait le mot "péplum" à Bertrand Tavernier, amateur du genre dans les années 50. Il se rendait dans les ciné-clubs avec ses amis pour y voir des films "en péplum" (ou plutôt "en pépla" !), comme on dit "des films en costumes". L'expression "péplum" viendrait donc de là... Si non e vero, e ben trovato !
Quid de la définition ? Elle n'est pas facile à donner. On considère généralement que le péplum est un film dont l'action - historique ou imaginaire - se déroule dans l'Antiquité. Ce qui n'est pas sans poser quelques problèmes, la période s'étendant grosso modo de l'invention de l'écriture à la chute de Rome. On en conviendra : ça laisse de la marge ! Donc, des hommes préhistoriques qui gambadent en peaux de bête : pas péplum ; des types en toges : péplum. Oui, mais que fait-on des pharaons ? Des Grecs ? Des récits bibliques ? Car le péplum ne concerne pas uniquement l'antiquité romaine, mais tout film en costumes dont l'action se déroule dans l'Antiquité... Quoique : les films traitant de la légende arthurienne ont bien pour cadre cette période, mais peut-on légitimement qualifier "Excalibur" de péplum ?! L'affaire se corse... Sans compter que certains spécialistes considèrent que le terme péplum s'applique uniquement à la production italienne d'après 1959, et parlent d'ante-péplum pour la période antérieure, et d'epic pour les films américains. (Source : l'antiquité au cinéma - Frédéric Martin - Éditions CinéLégendes.) Bref, on n'est pas rendu ! Donc, coupons court au débat : pour ce billet, j'adopterai ma propre définition du péplum : un film en costumes, sur fond d'évènement historique ou mythologique, ayant pour cadre l'Antiquité romaine, grecque, égyptienne ou reprenant des épisodes bibliques. Et, pour éviter toute polémique sémantique, j'utiliserai l'expression de "film antique". Parce que c'est MON blog, et que je fais ce que je veux !
Comme nous l'avons vu, la production de films antiques a été dominée, au fil du temps, par deux pays : l'Italie et les États-Unis - et ce, même s'il a existé des tentatives plus ou moins réussies ailleurs, comme en Roumanie ou en Pologne, par exemple. Cependant, on peut considérer que le premier film du le genre est - cocorico ! - français, avec "Néron essayant des poisons sur un esclave" en 1897, une séquence des Frères Lumière durant moins d'une minute. D'autres réalisateurs suivront : Ferdinand Zecca par exemple (avec une première adaptation de "Quo Vadis", "La Passion" ou "Messaline") ou Georges Méliès (qui produit "Néron et Locuste" en 1907). Vers 1910, les Italiens prennent le relais, se démarquant par des films à gros budget, comme la première adaptation de "Les Derniers Jours De Pompéi" (1908) de Luigi Maggi. Les films séduisent le public par leur mélange d'action spectaculaire et d'histoire d'amour et de trahison sur fond d'Antiquité. Dans la foulée, l'industrie cinématographique s’engouffre dans la brèche avec "Quo Vadis" (1912) , "La Chute de Troie" (1910), "Cabiria" (1914) - les deux derniers de Giovanni Pastrone. C'est justement dans "Cabiria" qu'apparaît un personnage qui marque les esprits : Maciste, gros balèze tout en muscles et testostérone, interprété par Bartolomeo Pagano. Il sera décliné à toutes les sauces : Maciste le guerrier, Maciste contre la mort, Maciste médium, Maciste somnambule, Maciste chasseur alpin... N'en jetez plus ! La première guerre mondiale avait cependant mis un frein à la production cinématographique et, malgré les nombreuses productions, le public se lasse : le premier âge d'or du film antique italien prend fin au début des années 20 - même s'il faut signaler le "Scipion l'Africain" de Carmine Galione (1937), film spectaculaire commandé par Mussolini et clairement propagandiste. Hollywood prend le relais - notamment avec Cecile B. DeMille, maître du genre, qui réalise toute une série de films parmi lesquels "Les Dix Commandements" en 1923 (une première version) ou "Le Signe de La Croix". Mais là encore, le genre s'essouffle rapidement.
C'est encore d'Italie que viendra la renaissance du péplum, au début des années 50 - grâce aux Américains ! A Cinecitta se déroule en 1951 le tournage d'une nouvelle version de "Quo Vadis" : ce film de Mervyn Le Roy (avec Peter Ustinov dans le rôle de Néron - fantastique !) est un triomphe, et relance le genre. Cinecitta est élevée au rang de capitale du cinéma américain, et les cinéastes collaborent par-delà l'Atlantique. Suivront, dans le désordre, des chefs-d’œuvre comme "Ben Hur" (1959), "Jules César" (1953) de Joseph Mankiewicz - adaptation de la pièce de Shakespeare tout en sobriété - ou, plus tardivement, "Spartacus" de Kubrik en 1960. Parallèllement, entre 1955 et 1965, le film antique Italien connaît un réel engouement populaire. D'un côté, on retrouve les films historiques, principalement basés sur Carthage, Rome, les vies de Néron ou Cléopâtre, et de l'autre les films mythologiques, mettant en scène Maciste (une vieille connaissance !) et Hercule (dont la série de films reprend peu ou prou les mêmes codes) dans des aventures (parfois très) librement inspirées des légendes antiques. C'est également à cette époque que sortent "Les Légions de Cléopâtre" (1959) et "Hercule A La Conquête de L'Atlantide"(1961), tous deux réalisés par Vittorio Cottafavi et bien représentatifs de ce qui se fait alors.
Hercule interprété par Steve Reeves. |
Cependant, l'importance grandissante de la télévision oblige les cinéastes à se renouveler, et Hollywood opte pour des films toujours plus grandioses et spectaculaires (et donc plus chers), à l'image de la nouvelle version de "Les Dix Commandements " (1956 - toujours de Cecile B. DeMille, cette fois avec Charlton Heston et un nombre incalculable de figurants). Le "Cléopâtre" (1963) du même Joseph Mankiewicz déjà cité manque de ruiner la Fox et son relatif échec commercial, ainsi que celui de "La Chute de L'Empire Romain" d'Anthony Mann (1964) sonnent le glas du film antique à Hollywood. Ce n'est pas la seule explication : comme toujours, le pire a côtoyé le meilleur (je me permets de citer l'inclassable "Satyricon" de Fellini) et les codes du film antique ont parfois été usés jusqu'à la corde. Apparaissent ainsi des films parodiques ("La Vie de Brian" des Monty pythons, "Les Week-ends de Néron"...), pornographiques (Ah, le "Caligula" de Tinto Brass !) ou de science-fiction ("Maciste Contre Les Hommes De Pierre") - ou l'on trouve de vraies pépites, mais aussi le plus souvent de la pure série Z ! J'en profite d'ailleurs pour lancer un appel : si quelqu'un sait où je pourrais me procurer "Maciste contre Zorro", qu'il me contacte ! Je crois vraiment qu'après avoir vu ça, on peut mourir tranquille...
Sans doute n'est-ce pas un hasard : le déclin du film antique coïncide avec l'émergence du western spaghetti, dont le fer de lance est un certain Sergio Leone... réalisateur d'un des derniers grands péplums : "Le Colosse de Rhodes" en 1959. La plupart des réalisateurs de péplums se reconvertissent d'ailleurs dans le western. S'en suivent plusieurs décennies de purgatoire, où le genre est au mieux ignoré, au pire méprisé. Ces dernières années ont vu l'émergence de quelques films tentant de renouer avec le bon vieux film antique : "Gladiator", "300", "Le Choc Des Titans" en sont de bons exemples. Mais c'est sans conteste la télévision qui a pris le relais, avec en particulier des séries comme "Rome" ou plus récemment "Spartacus"...
Reste une question : que valent les films antiques du point de vue historique ? Et bien... ça dépend ! Très honnêtement, les films sont souvent remplis d'erreurs, d'images d’Épinal (généralement fausses), de raccourcis et d'amalgames. Que ce soit de bonne foi ou en toute connaissance de cause, il n'en reste pas moins que, des costumes aux faits historiques eux-mêmes, mieux vaut garder une certaine réserve, et prendre le film antique pour ce qu'il est : un film, précisément ! C'est-à-dire avant tout une œuvre de pur divertissement, un spectacle, une manière de s'évader pendant une heure et demie (ou 5 heures, parfois !) direction l'Antiquité. Le débat de la crédibilité historique du film antique est pourtant intéressant, mais il faudrait des heures pour épuiser le sujet : je vous encourage à vous reporter au livre que je citais plus haut si vous désirez approfondir cette question. Quant à moi, mon opinion est claire : peu importe, finalement, les erreurs que l'on peut relever dans les films antiques ! L'essentiel est qu'ils représentent souvent un accès, une porte d'entrée vers l'Antiquité, en incitant le spectateur à se pencher sur les épisodes qu'ils relatent, à s'intéresser à la réalité historique. Ne suis-je pas, moi-même, venue à la Rome Antique grâce à l'excellente série "Rome" ?! Donc, regardez des péplums, prenez-y du plaisir, et le reste viendra (peut-être) tout seul !
Une dernière petite chose : je suis loin d'être une spécialiste. Aussi, je vous encourage vivement à me laisser des commentaires si vous avez des précisions à apporter à cet article. Et pour ceux qui souhaiteraient en savoir davantage, vous pouvez vous rendre sur : www.peplums.info : un excellent site, très complet.
P.S. : Blague à part, je crois pouvoir survivre sans "Maciste contre Zorro". Par contre, il y a un film que je recherche désespérément et, bien que ce ne soit pas un péplum, je profite de ce billet pour lancer un S.O.S. : si vous savez où je peux dénicher "L'Affaire Mattéi." ("Il Caso Mattéi") de Francesco Rosi (1972), je vous supplie de me contacter ! Même si le film est en v.o. non sous-titrée, je suis preneuse !
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