mercredi 12 décembre 2012

8ème Festival Européen Latin & Grec.


                                        Les langues mortes ne sont pas mortes, elles bougent encore ! Le Latin et le Grec, en particulier, n'ont pas dit leur dernier mot et, à rebours de la désaffection croissante et de la baisse des effectifs en milieu scolaire au cours de ces dernières décennies, on assiste à une mobilisation grandissante des professionnels - enseignants notamment - pour promouvoir ces Humanités. Mais pas que : les récentes traduction du "Petit Nicolas" et de la BD "Murena" en Latin montrent bien que les idées se multiplient, de façon réjouissante, décomplexée, et autrement plus attirante pour le grand public. Pour dire les choses autrement, la pratique du Grec et du Latin aujourd'hui ne se prend pas au sérieux - ce qui ne veut pas dire qu'elle ne l'est pas. Parmi les nombreuses initiatives dédiées à ces langues anciennes, je voudrais vous dire aujourd'hui quelques mots sur le Festival Européen Latin & Grec, dont la 8ème édition se tiendra à Lyon du 21 au 24 Mars prochain.

                                        Il est organisé par l'association FORTUNA JUVAT, qui s'est donné pour but de redonner aux Humanités toute leur place, tant dans l'enseignement que dans la façon dont elles permettent de percevoir le monde, notamment à travers ses influences sur nos cultures et sociétés. Elle tente aussi de créer un pont et d'ouvrir le dialogue entre les différents acteurs - élèves, enseignants, historiens, journalistes, auteurs, dessinateurs, musiciens, libraires, scientifiques etc. - pour leur permettre d'échanger et de partager leurs expériences et leurs idées.

                                        J'ai été contactée récemment part Mme Elizabeth Antébi, fondatrice de cette manifestation et reponsable de sa coordination - mais ce n'est pas la seule raison pour laquelle je me fais ici écho de ce festival. S'il a retenu mon attention, c'est surtout pour le projet qu'il porte et la vision qu'il propose, en offrant par le biais des langues anciennes un regard original mais pertinent sur notre société et notamment sur l'Europe et ses fondements gréco-latins. L'histoire, l'art, les langues, l'économie, l'innovation : toute notre civilisation s'est construite en lien avec les pensées grecque et latine, sur lesquelles reposent ses fondements. A travers les langues modernes, les questions de la laïcité, de la démocratie, des droits de l'homme, des problématiques éthiques et philosophiques, dans la publicité, la musique, les médias, le cinéma : consciemment ou non, nous sommes tous les héritiers des Humanités. Ainsi, se pencher aujourd'hui sur ces cultures antiques n'a rien d'anachronique, mais constitue au contraire un socle de réflexion à l'heure de comprendre ce que nous sommes et le modèle vers lequel nous tendons.




                                        Ce festival foisonnant propose durant 4 jours toutes sortes de manifestations diverses et variées, des plus érudites aux plus populaires, sous la forme de conférences, tables rondes,  expositions, ateliers, lectures, spectacles musicaux ou théâtraux, en partenariat avec des libraires, des éditeurs, des radios, et des troupes artistiques nationales et internationales. Surtout, il s'inscrit précisément dans la lignée des initiatives dont je vous parlais en introduction, et invite à traiter d'un sujet sérieux avec malice et légèreté. Les organisateurs ont choisi de multiplier les points de vue, les thématiques et les animations, toujours en visant l'excellence - la qualité des participants suffit à le démontrer - mais avec toujours en tête le souci de rester accessible et d'attirer le plus grand nombre. Enseignants, étudiants, professionnels de la culture sont évidemment les bienvenus, mais le festival s'adresse aussi à tous ceux qui, d'une manière ou d'une autre, sont en contact avec l'antiquité et les langues anciennes (profs de toute matière, médecins ou avocats par exemple), ou même à monsieur ou madame tout le monde. Peu importe que vous parliez le  Grec ou le Latin : seules comptent la curiosité et l'envie d'apprendre et d'échanger avec des passionnés, dans une ambiance festive et décontractée. Impertinent, décalé, joyeux et décomplexé, le FELG dynamite les codes et ouvre la réflexion du rapport à l'antique à d'autres domaines, par le biais de manifestations joyeuses et vivantes. Quand même un comble, pour des langues mortes !  

L'empereur Claude, natif de Lyon.
Les conférences annoncées sont extrêmement diverses, de sorte que chacun y trouvera forcément son bonheur. Il y a, certes, du prévisible, du traditionnel, du convenu : "A quoi sert l'enseignement des Humanités ?" (par Gérard Collomb, Sénateur-maire de Lyon) ; "Les Empereurs Claude et Caracalla, natifs de Lyon" (par Albert Foulon, professeur émérite et Vice-président de l'UTL de Rennes);  "Sans la Grèce, l'Europe humaniste a-t-elle un sens? Notre mythologie de la Grèce." (par Georges Prevelakis, Professeur de Géopolitique à l'Université Panthéon-Sorbonne); "Dialogue en Méditerranée : Rome, l'Afrique et nous." (par Paul Mattéi de l'Université Lyon II)... J'aurais pu également citer Nicolas Boulic (Professeur agrégé de Lettres, Responsable pédagogique des Licences LM et LAS à Valence) et sa conférence consacrée à la "Modernité d'Aristophane ", Jean-Philippe Bidault , auteur de "Si l'argent m'était conté : l'invention de la monnaie par les Grecs", ou enfin Dominique Sels qui abordera "Les mots de l'amour chez Platon".

                                        Mais d'autres présentations traiteront de sujets directement liés à la culture populaire - ce qui n'est pas incompatible avec l'érudition. Seront ainsi abordés des thèmes aussi originaux que la "bande dessinée en Latin et en Grec" (par Marjorie Lévêque), "Dialogue Latin-Lyonnais Guignol-Gnafron" (Gérard Truchet), les "héros et super-héros de l'antiquité à nos jours" (par Robert Delord), "Epic, péplum, virtuel : miroir déformant ou retour aux textes ?" (par Guillaume Deheuvels) Où comment aborder l'héritage antique à travers des thèmes peut-être moins impressionnants et qui parlent à tous, familiers de l'antiquité ou non.

Des hoplites... à voir en vrai !
En parallèle se tiendront de nombreuses expositions et animations qui feront toute revivre l'empreinte laissée par l'antiquité dans notre inconscient collectif. Très souvent préparées par des élèves de collège et lycée, ces évènements permettent par ailleurs de juger de la vitalité de l'enseignement : des expositions sur Rome et la Grèce, des ateliers numismatiques ou consacrés aux langues anciennes et langues européennes, la tenue d'un espace jeux en partenariat avec la ludopole de Lyon, une exposition préparée par des élèves de Die, dans la Drôme ("Veni, Vidi, Volui : le latin et le grec dans mon caddie"), des chansons du groupe Téléphone reprises en Latin (!!) par des élèves de collège et lycée, une représentation de scènes du "Ploutos" d'Aristophane par des étudiants de prépa... Sans oublier que mon sang palermitain n'a fait qu'un tour à l'annonce de la présentation de l'histoire de la Sicile, accompagnée d'une sélection de contes extraits de la mythologie, choisis par la classe de terminale d'un lycée d'Acireale, en Sicile. Le tout ponctué par les démonstrations des hoplites de Didier Froesel - ce qui nous change des légionnaires et des gladiateurs. (Même si, personnellement, j'ai évidemment un faible pour les beaux soldats romains...)


                                        Mais ce n'est pas fini ! En marge de toutes ces animations, le festival organise d'autres manifestations. Par exemple, des banquets grecs - soit l'occasion de goûter des mets antiques et de se laisser distraire avec hoplites, danse, chant et théâtre. Daniel Cadé, pianiste à la carrière internationale et qui a notamment travaillé avec Pierre Boulez ou Daniel Barenboïm, se produira également dans le cadre du festival, et interprètera des œuvres de Glück, Beethoven, Szymanowsky, Debussy et De Falla, toutes inspirées par l'antiquité. Deux autres spectacles à signaler, ceux de la compagnie Skald (lien ici) qui, au croisement de diverses cultures (commedia dell'arte, flamenco, danse indienne, jazz, musiques celtique et médiévale, etc.) adapte et met en scène le répertoire mythologique et légendaire antique. Enfin (ouf !), le festival se clôturera le Dimanche par un défilé antique, prélude à une visite de Lyon incluant théâtre antique, aqueduc du Gier, sanctuaire de Cybèle, thermes, musée gallo-romain, etc.

Théâtre Antique de Fourvière à Lyon (© Brian Rosen)

                                        Et le pire, c'est que je n'ai pas tout détaillé ! Bref, largement de quoi rendre hystérique les accros d'antiquité - moi-même, en écrivant ces lignes, je suis au bord de l'apoplexie. Mais outre son incroyable richesse, le festival européen latin grec présente une autre particularité : vous pouvez certes y assister et vous remplir les mirettes et les neurones, mais vous pouvez également y participer de façon active - pardon pour le pléonasme. Le site des organisateurs précise ainsi que "une partie du public peut intervenir sous une forme ou une autre - classes chantant en canon en latin ou interprétant une scène de pièce, un sketch, faisant une exposition de dessins ou de bandes dessinées, peintre exposant ses œuvres sur la mythologie, inventeur de jeu testant son œuvre, étudiants exposant un sujet de thèse (dans tout domaine ayant un rapport avec le sujet), professeur parlant de ses recherches, journaliste exposant un de ses reportages passé ou à venir." Toutes les bonnes volontés sont donc les bienvenues, pour peu qu'elles aient des velléités antiquisantes, et leurs travaux seront examinés et peut-être sélectionnés.

                                        De plus, le festival organise un concours, "Jeux Et Créations". Ouvert à tous et en particulier aux classes et universités (toutes matières confondues), il se compose de deux parties indépendantes. La première vous invite à imaginer ou adapter un jeu ayant pour thème l'antiquité. Pour la seconde, il vous faudra créer... euh, à peu près ce que vous voulez (bijoux, poteries, vidéo, bande dessinée, chanson, dictionnaire, exposé...) toujours en rapport avec l'antiquité. Vous retrouverez toutes les modalités (règlement, inscription, etc.) ici.

                                        En conclusion, je voudrais répondre à une interrogation qui, à la lecture de cet article, a certainement effleuré bon nombre d'entre vous : pourquoi diantre apprendre une langue morte ?! Ou, formulée autrement : "A quoi servent le Latin et le Grec ?" Les spécialistes, professionnels, universitaires, professeurs, etc. ont tous d'excellents arguments, qu'ils exposeront bien mieux que je ne saurais le faire : elles facilitent l'apprentissage des langues étrangères, fournissent la clé de nombreuses étymologies, les déclinaisons et la structure des phrases sont une formidable gymnastique intellectuelle, elles permettent de venir au plus près des textes antiques... Que sais-je encore ? Mais on ne va pas vous mentir : fondamentalement, les langues anciennes sont loin d'être indispensables dans la vie de tous les jours. Cependant, leur principal avantage réside encore et toujours dans la façon dont tout ou presque, dans notre quotidien, nous renvoie aux mythes et aux sociétés antiques. Se donner les moyens de les comprendre, c'est s'ouvrir à notre monde et le voir sous un autre jour. En résumé, le Latin et le Grec, c'est comme le Smartphone, le chocolat ou la lessive en poudre : on peut très bien vivre sans, mais on vit nettement mieux avec ! Il suffit de venir faire un tour au FELG pour s'en convaincre.

"Nous avons appris que les élèves qui parlent Latin réussissent mieux à l'école. Alors cette année nous enseignons tout en Latin. " (© Education Week)



8EME FESTIVAL EUROPÉEN LATIN  & GREC.

Du 21 au 24 Mars 2013 à Lyon.

Pour tous renseignements ou pour s'inscrire : 

Tél. : 06 24 58 78 64
E-mail : latin.grec@orange.fr
Site internet : http://www.festival-latin-grec.eu

Et aussi l'ASSOCIATION FORTUNA JUVAT : http://associationfortunajuvat.wordpress.com/


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