mercredi 24 juillet 2013

L'Affaire Sextus Roscius.


                                        Je suis la première à souligner ce que doit l'antiquité romaine aux Grecs ou aux Étrusques, en matière de religion ou d'art par exemple. Néanmoins, la suprématie romaine ne fait aucun doute dans au moins deux domaines : le droit et l'armée. La toge et le glaive, donc. Oublions le glaive pour le moment, et intéressons-nous à la toge, et plus précisément à un procès qui fit couler beaucoup d'encre et marqua durablement les chroniques judiciaires: l'affaire Sextus Roscius.

                                        Elle est intéressante à plus d'un titre, et illustre bien l'idée selon laquelle la réalité dépasse parfois la fiction : sordide affaire de meurtre cachant en réalité une histoire toute aussi sombre de malversation financière et de complot politique, elle semble tout droit sortie de l'imagination d'un scénariste de série TV. En outre, l'ensemble de l'affaire montre bien le climat d'incertitude et de violence qui régnait à Rome pendant les terribles années marquées par la suprématie de Sylla. Et, pour couronner le tout, l'un des principaux protagonistes n'est autre que le célèbre Cicéron, alors jeune avocat débutant de 27 ans. Un scénario haletant, et une star au casting - pas étonnant que plusieurs auteurs s'en soit emparé, et notamment Steven Saylor dans un excellent "Du Sang Sur Rome" ou encore Colleen McCullough qui l'évoque dans son roman "Le Favori Des Dieux". Étonnamment, aucun film ou téléfilm à ma connaissance, à l'exception d'un remarquable docufiction produit par la BBC...


Cicéron dans le docu-fiction de la BBC, "Murder In Rome". (©BBC)

                                        Anthony Trollope a également rédigé un brillant compte rendu de l'affaire, dans sa "Vie De Cicéron". Voyons comment il présente son récit :
"Je vais oser, comme d'autres biographes l'ont fait avant moi, raconter l'histoire de Sextus Roscius d'Amerina avec une certaine ampleur, car il s'agit d'un roman puissant, mystérieux, sinistre, qui traduit une culpabilité des plus profondes, une misère absolue et une audace inégalée ; parce qu'en un mot elle est aussi intéressante que n'importe quelle fiction moderne;  et je la raconterai aussi parce qu'elle projette un flot de lumière sur la situation de Rome à l'époque. Les cheveux se dressent sur la tête quand on se souvient que les hommes devaient tracer leur voie dans un État tel que celui-ci, y vivre si c'était possible et, sinon, alors être prêts à mourir. " (Anthony Trollope, "Vie De Cicéron", IV-82.)
                                        Le cas de Sextus Roscius illustre parfaitement le fonctionnement de la machine judiciaire et permet de suivre l'ensemble de la procédure, et de réaliser comment Cicéron a su remporter une brillante victoire, en dépit d'obstacles en apparence insurmontables. Son discours, enfin, est un document juridique de première importance, car y est avancé pour la première fois la recherche du mobile comme moyen de déterminer l'identité du coupable - le désormais célèbre "A qui profite le crime ?" (Cui bono ?)

Un Meurtre Qui Cache Une Sombre Machination.


                                        Voici les faits : Sextus Roscius est l'un des citoyens les plus riches et les plus influents du canton d'Ameria, situé à 55 miles de Rome. A la tête d'une fortune évaluée à six millions de sesterces, il possède 13 fermes et de nombreux esclaves.
"Sextus Roscius, père du jeune homme que je défends, et citoyen de la ville municipale d'Amérie, était, par sa naissance, par son rang et sa fortune, le premier de sa ville et même de tous les pays d'alentour." (Cicéron, "Plaidoyer Pour Sextus Roscius", VI.)
Favorable aux Optimates et à Sylla, il côtoie de grandes familles patriciennes comme les Caecilii Metelli, les Scipions ou les Servilii, et il se rend fréquemment à Rome. Or, un soir de Septembre 81 avant J.C., quelques mois après que Sylla a mis un terme aux proscriptions opérées après la guerre civile, Sextus Roscius est assassiné en pleine rue alors qu'il rentre d'un dîner. On le retrouve poignardé près de thermes publics du Subure, le quartier le plus sordide de Rome.

                                        Il ne faut pas longtemps pour trouver un suspect : son fils, Sextus Roscius Jr. (que je désignerai ainsi pour le distinguer de la victime - on pardonnera l'anachronisme.) est accusé du parricide, crime considéré comme une abomination dans la Rome antique. La punition est à la hauteur de l'horreur qu'un tel meurtre inspire aux Romains puisque le coupable est condamné à être fouetté puis, encore vivant, à être jeté dans le Tibre, enfermé dans un sac avec un chien affamé, un singe, un coq et un serpent. Mais qui est donc ce Sextus Roscius Jr. ? Le jeune homme, peu instruit, a jusqu'ici géré les propriété familiale et passe donc pour un campagnard mal dégrossi et pas très malin.

Sextus Roscius Jr. dans "Murder In Rome". (©BBC)


                                         En réalité, le malheureux est victime d'une sombre complot, ourdi par son propre cousin, Titus Roscius Capito. Multirécidiviste habitué des tribunaux, l'homme travaillait comme contremaître pour la victime et nourrissait une jalousie féroce à l'encontre de Sextus Jr. Il a donc commandité le meurtre en laissant le soin à un vague parent, Titus Roscius Magnus, de "découvrir" le corps. Bien que l'assassinat se soit produit au cours de la première heure de la nuit, la nouvelle parvient à Ameria dès le lever du jour, par l'intermédiaire d'un client de Magnus. Mais ce n'est pas Sextus Roscius Jr. qui en est informé en premier, mais bien Capito... 

                                        Les deux scélérats souhaitent s'emparer de la fortune de Sextus Roscius. Et pour se faire, ils ont dans l'idée de faire inscrire son nom sur la liste des proscrits, afin que ses biens soient confisqués et vendus au profit de l'état. Il leur faut donc l'appui d'un personnage haut placé, capable d'obtenir l'ajout du nom de Sextus Roscius sur les fameuses listes, closes depuis quelques mois. Aussi Capito et Magnus contactent-ils Chrysogonus, l'affranchi de Sylla chargé d'établir lesdites listes. Chrysogonus est un homme riche et puissant, réputé pour son avidité et son absence totale de scrupules - bref, le cocktail parfait ! Aussi les deux complices lui proposent-ils de s'associer à eux et de partager le butin. Chrysogonus accepte, et les propriétés du défunt sont donc saisies et vendues aux enchères. Un acquéreur proposant 6 millions de sesterces pour l'ensemble des 13 fermes est menacé, et toutes les propriétés tombent finalement dans l'escarcelle de l'affranchi, pour la somme ridicule de 20 000 sesterces ! Sur les 13 fermes, 3 deviennent la propriété de Capito et les 10 autres, appartenant à Chrysogonus, sont confiées en gérance à Magnus. Sextus Roscius Jr. est donc évincé de la succession paternelle, privé de toutes ses ressources et ainsi réduit à la plus grande pauvreté.

Et enfin Chrysogonus, toujours dans "Murder In Rome". (©BBC)

                                        Reste que les notables locaux sont fortement choqués par la tournure que prennent les évènements : leur concitoyen le plus éminent apparaissant soudain sur la liste des proscrits, le fils de celui-ci plongé dans la misère, la vente des propriétés pour une somme dérisoire... Ça commence à faire beaucoup ! Les décurions de la cité décident donc d'envoyer à Sylla une délégation de dix citoyens... parmi lesquels Capito ! Et comme de bien entendu, ils sont reçus par Chrysogonus en personne - qui les écoute patiemment, leur promet de diligenter une enquête, et les renvoie chez eux.

Accusation Et Procédure Préliminaire.


                                        L'histoire aurait pu en rester là. Après tout, les scélérats ne craignaient plus grand-chose, tant que Sextus Roscius Jr. tenait sa langue. Celui-ci doit bien se douter qu'il ne pourra jamais prétendre récupérer l'héritage dont il a été lésé, et ils 'enfuit à Rome, où il trouve refuge auprès des Cecilii Metelli dont il est le client. Mais, loin de se tenir tranquille, il parcourt la ville en s'écriant que son père et lui ont été traités outrageusement et qu'on l'a spolié de son héritage. Un sale barouf dont les trois complices se seraient bien passés...  A partir de là, deux hypothèses : soit la colère de Sextus Roscius Jr. vient aux oreilles de Sylla, qui s'indigne que ses décisions soient remises en question. Il suppose en effet que l'inscription sur la liste des proscriptions s'est faite dans les règles, et il charge Chrysogonus de régler la question. Soit - et c'est l'hypothèse que présentera Cicéron, prenant bien garde de dédouaner Sylla de toute responsabilité - c'est Chrysogonus lui-même qui prend l'initiative de lancer une accusation de parricide, afin de faire taire ce fils trop bruyant.
Buste de Sylla.(Munich Glyptotek.)

                                        A Rome, l'initiative de poursuites judiciaires ne revenait pas à l’État et un citoyen lambda  pouvait dénoncer un crime ou un délit (il devenait alors delator) Toutefois, pour dissuader les poursuites abusives, tout procureur qui ne parvenait pas à justifier sa plainte était marqué au fer rouge sur le front d’un K, première lettre du mot Kalumniator (calomniateur).

                                        Dans le cas de Sextus Roscius, il n'existe pas de proche parent susceptible de déclencher le procès - exceptés Capito et Magnus. Or, ceux-ci  ont largement profité de sa mort, raison pour laquelle la démarche aurait été de mauvais goût, et surtout peu judicieuse sur le plan tactique... Pourtant, Sextus Roscius Jr. doit être condamné, puisqu'il refuse de se taire ! Il faut donc qu'un accusateur expérimenté se charge de l'affaire, et Chrysogonus demande au procureur Erucius, esclave grec affranchi et homme de main de Sylla sorti victorieux de plusieurs procès, de traîner le fils de la victime devant les tribunaux.

                                        La procédure dans le droit romain se déroule en deux temps : la phase in jure au cours de laquelle se tient le débat entre les parties et qui détermine la décision du juge quant à la tenue d'un procès, et la phase in judicio, soit le procès à proprement parler, sous le contrôle du juge nommé par le magistrat. Sous la République, la justice criminelle fut d'abord rendue par le Sénat ou les comices centuriates ou tributes mais, devant la lenteur du processus, on institua finalement des jurys présidés par un préteur, et rassemblant des sénateurs et chevaliers.

                                        La première étape, c'est la postulatio : l'accusateur, souvent aidé d'un avocat, se présente devant le prêteur et déclare vouloir poursuivre une personne citée nommément - un dépôt de plainte, en quelque sorte. Le préteur prend acte de la déclaration, qui est affichée sur le forum. D'autres accusateurs se manifestent parfois et entreprennent alors la même procédure, ou sont autorisés à comparaître aux côtés du premier accusateur (ils deviennent subscriptores.) Il arrive aussi que les subscriptores agissent en même temps que l'accusateur principal, lors de sa première comparution. Un seul accusateur étant autorisé à agir, celui-ci peut renoncer en faveur d'un autre.

Illustration d'un procès à Rome. (Via hubpages.com)

                                        La procédure préliminaire est appelée divinatio. Lors du nominis criminis delatio, l'accusé est informé des charges qui pèsent contre lui et il est interrogé par le procureur. Au cas où le président estime que l'affaire mérite d'aller plus loin, il rédige alors une déclaration officielle d'accusation (nominis receptio) , signée par le procureur et les éventuels subscriptores. Est ensuite fixé le jour de la comparution de l'accusé devant la cour toute entière - au moins 10 jour après le receptio nominis, intervalle durant lequel il reste libre.

                                        En l’occurrence, le président dans l'affaire Sextus Roscius s'appelle M. Fannius, et il décide de renvoyer le procès devant la quaestio de sicariis et veneficis - grosso modo notre cour d'assises - en 79 avant J.C. Le procès se déroule en plein Forum, où se presse une foule immense : l'affaire fait évidemment grand bruit, autant à Rome que dans la ville d'origine des protagonistes. La victime est un homme important, le crime abominable et l'éventuelle condamnation, toute aussi sordide. Pour dire les choses autrement, l'affaire réunit tous les ingrédients du scandale et du drame propres à susciter l'intérêt du public.

 Le Procès de Sextus Roscius Jr.


                                        Dans les grandes lignes, le procès ressemble peu ou prou, dans sa forme, à un épisode de "Law And Order" : discours de l'accusation auquel répondent l’accusé et ses avocats, puis présentation des témoins et débat autour de leurs déclarations. Sur le fond en revanche, tous les coups sont permis ou presque - en particulier les attaques personnelles contre les différents acteurs du procès. Sans compter que la foule ne se prive pas d'intervenir et de manifester son opinion...

Reconstitution virtuelle du forum à Rome. (©2009 CNES / Spot Image - ©2009 Digital Globe.)

                                        Mais lorsqu'il s'agit de défendre Sextus Roscius Jr., tous les hommes de loi se défilent : aucun ne veut prendre le risque de s'opposer à Chrysogonus. Seul un jeune avocat inconnu de 27 ans, engagé par la famille Metelli, accepte de plaider sa cause : il se nomme Marcus Tullius Cicero. S'il a déjà plaidé au civil, il s'agit d'une de ses premières affaires au pénal. Selon ses dires, il a choisi de se consacrer à la défense des accusés plutôt que de se placer du côté de l'accusation, d'une part parce qu'il ne souhaite pas se distinguer en tirant profit des malheurs d'autrui, et d'autre part car il considère plus méritoire de remporter des succès en tant que défenseur plutôt qu'en tant que procureur. Ce qui n'était pas sans fondement, puisque la procédure pénale à Rome facilitait la tâche de l'accusation, au détriment de la défense. Il est aussi à noter que, si la profession d'avocat ouvre les portes du cursus honorum, elle est peu lucrative,  la loi interdisant à l’avocat de recevoir quelque gratification que se soit de la part son client.


"Cicéron, Le Procès De Milon." (Carte promotionnelle Liebig.)

                                        Et bien ce jeune homme, en dépit de son manque d'expérience et des pressions qu'il subit, va mettre au jour la machination ourdie contre son client et qui éclabousse l'entourage de l'homme le plus puissant de Rome. Dans ce procès, l'accusation va tenter de démontrer que l'accusé a tué son père pour se venger d'avoir été méprisé, relégué loin de Rome et déshérité. Les témoins produits, sans surprise, se nomment Capito et Magnus. Pour la défense, Cicéron n'hésite pas : il décide de jeter le doute sur la culpabilité de son client, en arguant que le meurtre, loin d'être un drame consécutif à un conflit familial, est directement liée à la politique et à la terreur qu'à fait régner Sylla et aux exactions de ses hommes de main.

                                        Lorsqu'il prend la parole, c'est tout d'abord pour signifier qu'il tient le procureur pour quantité négligeable : il est évident pour lui qu'il n'est qu'un porte-parole, un homme de main payé pour agir :
"Accuser ainsi, reprocher une chose qu'on ne peut pas prouver, qu'on n'essaye pas même de rendre probable, n'est-ce pas abuser de la justice, des lois, des tribunaux, pour servir son intérêt et sa cupidité ? Nous savons tous, Erucius, qu'il n'existe aucune haine entre Sextus et vous. Personne n'ignore pourquoi vous vous faites son accusateur ; on sait que l'appât du gain vous a séduit." (Cicéron, "Plaidoyer Pour Sextus Roscius", XIX.
                                         S'il prend soin d'exonérer Sylla de toute responsabilité, il accuse nommément Magnus d'avoir informé Capito du meurtre de Sextus Roscius, avant d'en avertir Chrysognus et de lui proposer l’association scélérate que l'on sait, avant de monter l'accusation de parricide.
"En effet, lorsqu'ils virent qu'on veillait avec une extrême attention sur les jours de Sextus, et qu'il ne leur était laissé aucun moyen de l'assassiner, ils conçurent l'exécrable projet de l'accuser de parricide, de s'assurer de quelque vieux accusateur qui pût faire quelques phrases sur une chose qui n'offrait pas même l'apparence du plus léger soupçon, en un mot, ils résolurent de le rendre victime des circonstances. Il faut, disaient-ils, qu'après une si longue interruption de la justice, le premier qui sera mis en cause, soit condamné. Le crédit de Chrysogonus fermera la bouche à tous les orateurs. On ne parlera ni de la vente des biens, ni de notre association. Sextus n'étant pas défendu, le mot seul de parricide et l'imputation d'un crime aussi atroce suffiront pour le perdre. Aveuglés par ce raisonnement, égarés par leur délire, ils ont voulu que vous fussiez ses bourreaux, parce qu'ils n'ont pu être ses assassins. (Cicéron, "Plaidoyer Pour Sextus Roscius", X.)
Cicéron s'adressant à la foule. (via sharkforum.org)


                                         Cicéron souligne le profit que Magnus et Capito ont retiré de ce crime, et il n'hésite pas, malgré les risques, à désigner Chrysogonus lui-même comme l'instigateur du montage illégal suite auquel il a acquis les biens de la victime, en dehors de la période des proscriptions. Il accable l'affranchi, un ancien esclave grec, porté à l'indolence et au luxe, personnage sans scrupule et certain de sa toute-puissance :
"Quoi ! même ici Chrysogonus se croit quelque pouvoir ? ici même il veut être dominateur ? O sort funeste et déplorable ! Je n'appréhende pas qu'il réussisse ; mais il a tenté, il s'est flatté d'obtenir de vous la condamnation d'un homme innocent : voilà ce qui excite mes plaintes ; voilà ce que je ne puis voir sans frémir d'indignation." (Cicéron, "Plaidoyer Pour Sextus Roscius", XLVIII.)

                                         Toute sa plaidoirie est ponctuée par une question lancinante : "cui bono ?", ("A qui profite le crime ?"). A son client, subitement dépossédé de tout ? Ou bien aux témoins de l'accusation, qui se sont subitement enrichis à la mort de Sextus Roscius ?
"En effet, quand ils verraient dans cette cause les accusateurs en possession d'une fortune immense, et Sextus réduit à la misère, ils ne chercheraient pas à qui l'action a été profitable ; à l'instant même tous les soupçons se dirigeraient plutôt sur l'opulence des accusateurs que sur l'indigence de l'accusé. Mais si l'on ajoutait de plus que vous étiez pauvre avant ce crime, que vous étiez un homme cupide, audacieux, l'ennemi déclaré de celui qui a été assassiné, faudrait-il chercher encore si vous aviez des raisons pont commettre ce meurtre ?" (Cicéron, "Plaidoyer Pour Sextus Roscius", XXXI.)
                                         En parvenant à prouver que Sextus Roscius Jr. n'avait ni le mobile ni les moyens de perpétrer le meurtre horrible dont on l'accuse, en insistant sur l'impunité dont croit jouir l'infâme Chrysogonus et en s'en remettant à la conscience des juges, dont il fait l'ultime rempart contre la cruauté et la rapacité de l'affranchi et des puissants qui dirigent Rome, Cicéron parvient à convaincre les jurés : son client est acquitté faute de preuves.
"Si nous ne pouvons obtenir de Chrysogonus qu'il se contente de nos biens et qu'il nous laisse la vie ; si, après nous avoir enlevé toutes nos propriétés personnelles, il veut encore nous ravir cette lumière qui est la propriété de tous les êtres ; si ce n'est pas assez que notre argent ait assouvi son avarice, et qu'il faille aussi que sa cruauté s'abreuve de notre sang, Sextus et la république n'ont plus d'asile et d'espoir que dans votre humanité et votre compassion. Soyez sensibles, et nous pouvons encore être sauvés. " (Cicéron, "Plaidoyer Pour Sextus Roscius", LII.)

Statue de Cicéron - Palais de Justice de Rome.

                                         Pour autant, Sextus Jr. ne récupérera jamais les biens familiaux. Et d'ailleurs, était-il vraiment innocent ? Nous ne le saurons sans doute jamais, puisque nous ne disposons que du témoignage de Cicéron, son défenseur. Nous aurait-il menti ? Après tout, il avait tout intérêt à forger sa propre légende.

                                         Après cette affaire, on n'entendit plus jamais parler de Chrysogonus ; le procureur Erucius échappa pour sa part à la marque des calomniateurs et il poursuivit une brillante carrière ; Cicéron, enfin, devint l'avocat, l'orateur et l'homme politique que l'on sait, laissant une marque indélébile dans l'Histoire.


Pour aller plus loin : 

 "Pro Roscio" de Cicéron - Éditions Belles Lettres - 9€70.

"Du Sang Sur Rome" de Steven Saylor - Éditions 10-18. - 8€10.




Merci à la BBC pour les illustrations tirées de leur film.

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