dimanche 13 janvier 2013

Galette Des Rois, Epiphanie et Rome Antique.


                                        J'aime la galette, quand elle est bien faite avec du beurre dedans ! Oui, mais voilà : d'où vient-elle, notre fameuse galette des Rois ? J'ai déjà répondu à cette passionnante question ici, lorsque j'ai abordé les origines païennes (et romaines !) de notre fête de Noël. Alors, pourquoi y revenir ? Et bien parce qu'un internaute (Pierre Nyst, que j'en profite pour saluer) m'a fait remarquer que c'était bien gentil de rapprocher l’Épiphanie des Saturnales, mais qu'il y avait comme un "os" en terme de dates... Et il a absolument raison ! Même au paroxysme de leur longueur, les Saturnales ne duraient pas jusqu'au 6 Janvier. Dès lors se pose une question légitime : si notre délicieuse galette des Rois provient directement d'une pratique liée aux Saturnales, pourquoi la dégustons-nous en Janvier, et non pas à Noël?

                                        De manière générale, tout le monde s'accorde pour reconnaître que notre tradition de la galette de l’Épiphanie découle de ces fameuses Saturnales, et du gâteau dans lequel on dissimulait une fève qui désignerait le "Roi". Moi la première. Et c'est parfaitement exact, à ceci près que cela ne veut pas dire que l’Épiphanie elle-même vient des Saturnales... Je sais, c'est pervers ! Prenons-donc les choses dans l'ordre.

                                        L’Épiphanie (du grec epiphaneia : manifestation, apparition) est une fête chrétienne, célébrée le 6 Janvier. Le jour est même parfois férié (en Espagne par exemple) et, dans les autres pays, on en reporte la célébration au Dimanche suivant. Dans les Églises occidentales, l’Épiphanie célèbre l'adoration de l'enfant Jésus par les Rois Mages - d'où le nom de "Jour des Rois". L'événement n’est cependant mentionné que dans l’évangile selon Saint Matthieu, qui ne précise d'ailleurs pas le nombre des mages.
"Jésus étant né à Bethléem de Judée au temps du roi Hérode, voici que des mages venus d'Orient se présentèrent à Jérusalem et demandèrent : "Où est le roi des Juifs qui vient de naître ? Nous avons vu en effet son astre se lever et sommes venus lui rendre hommage." Informé, le roi Hérode s'émut, et tout Jérusalem avec lui..." (Évangile Selon Saint Matthieu, 2.1.)

"L'Adoration Des Mages" (Mantegna)

                                          Les précisions que nous connaissons sont apportées par le Livre arménien de l'enfance du Christ, un évangile apocryphe du Vème ou VIème siècle, qui revient longuement sur la visite des trois Rois Mages, qui y sont nommés pour la première fois (Melchior, Gaspard et Balthazar). Comme dans l'évangile de Saint Matthieu, ils offrent à l'enfant Jésus de l'or, de l'encens et de la myrrhe, respectivement symbole de la royauté, de la divinité et de la passion.  En Orient, en marge du Noël orthodoxe (nuit du 6 au 7 Janvier), l’Épiphanie correspond à la commémoration de l'adoration de Jésus par les mages, à son baptême dans le Jourdain et à son premier miracle lors des noces de Cana.



"Le Baptême Du Christ" (Vème s., Évangéliaire d’Emacin, source artbible.net)




"Bacchus." (Le Caravage)
 Mais, dans l'Antiquité, le 6 Janvier était marqué par d'autres cultes, d'autres fêtes païennes. Tout d'abord, on fêtait la renaissance du Dieu Dionysos, démembré par les Titans et  revenu à la vie suite à l'intervention de Rhéa, la mère de Zeus. Dionysos possédait en outre la faculté de changer l'eau en vin :
"Nicaea est une Naïade, fille du fleuve Sangarios et de la déesse Cybèle. Elle était rebelle à l’amour et n’aimait que la chasse. Aussi, lorsqu’un berger de Phrygie, Hymnos, la courtisa, il n’éprouva que des dédains. Et, comme il ne se résignait pas à son échec, elle le tua d’une flèche. Alors, Eros, indigné, comme tous les dieux, de cet acte violent, inspira une passion pour Nicaea à Dionysos, qui l’avait vue toute nue, en train de se baigner. Mais Nicaea ne céda pas davantage au dieu, qu’elle menaça du même sort qu’Hymnos, s’il ne la laissait pas en repos. Dionysos changea en vin l’eau de la source où elle buvait, et, quand elle fut ivre, n’eut aucun mal à s’en rendre maître." (Pierre Grimal, "Dictionnaire De La Mythologie Grecque Et Romaine" d'après les "Dionysaques" de Nonnos.)

Deux éléments - résurrection et eau changée en vin - qui doivent vaguement vous rappeler quelqu'un.

"L’Enfant Bacchus Tué Par Les Titans Et Ramené A La Vie Par Rhéa" (Taddeo Zucari)

                                        On célébrait aussi le 6 Janvier la naissance d'Harpocrate, fils d'Isis et d'Osiris, personnification du soleil renaissant puisque représentation d'Horus enfant. Et, cerise sur le gâteau (des rois), on rendait hommage aux 12 Dieux Épiphanes - c'est-à-dire aux équivalents des Dieux olympiens qui se montraient aux hommes, comme Jupiter, Mars ou Aphrodite. Et bien sûr, j'ai déjà parlé dans un précédent article du culte rendu à la Déesse Strenua. Pour rappel, cette Déesse présidait à la purification et au bien-être. Or, Strenua est très vraisemblablement l'ancêtre de la Fata Befana italienne, une vieille et gentille sorcière (strega, en Italien) qui, sur son balai, apporte des cadeaux aux enfants sages dans la nuit du 6 Janvier. La légende la lie directement aux Rois Mages : ceux-ci l'avaient avertie de la naissance du Messie et l'avaient invitée à les accompagner jusqu'à Bethléem. Mais la Befana refusa, avant de se raviser et, un panier de gâteaux au bras, elle partit sur les traces de nos trois gaillards. Elle ne les rattrapa jamais et, depuis, elle va à leur recherche tous les ans, distribuant au passage des cadeaux aux enfants. Ce lien Strenua - Befana - Rois Mages montre donc bien l'évolution de cette fête, du culte païen d'une déesse italique à la célébration d'une fête chrétienne.

La Fata Befana. (via creandounpo.blogspot.com)


                                        Penchons-nous un peu plus sur cette date du 6 Janvier : la date tombe précisément 12 jours après Noël. Et 12 jours, c'est à peu près la durée qui sépare le calendrier lunaire (354 jours) du calendrier solaire (365 et des bricoles) - soit, dans la conception pré-chrétienne du temps, la période nécessaire à la renaissance du Soleil. Ces 12 jours sont alors une période critique, où le monde est la proie des démons venus restaurer le chaos primitif, jusqu'à ce que le soleil renaisse et dissipe enfin les ténèbres originels. Si l'on applique ce calendrier au Christ, l'évidence saute aux yeux : 12 jours après sa naissance, Jésus Christ se révèle dans sa messianité, à travers l'adoration des Rois Mages qui le reconnaissent comme "Roi". Ce qui tombe d'autant mieux que, le 6 Janvier, il y a un paquet de fêtes païennes à christianiser ! Et, tout comme les dignitaires chrétiens ont fait coïncider la célébration de Noël avec les Saturnales afin d'intégrer cette fête religieuse aux coutumes romaines, sans doute ont-ils instauré l’Épiphanie le 6 Janvier avec un but identique, ce qui était d'autant plus que facile que les convergences symboliques étaient nombreuses : toutes ces fêtes de la renaissance et du renouveau collaient parfaitement à l'esprit de l’Épiphanie.


Les Rois Mages. (Santa Maria Assunta, Torcello.)

                                        Pierre Nyst suggère une autre idée, très intéressante et ma foi fort judicieuse  : "Une autre piste à laquelle j'avais pensé est celle de la dérive du calendrier julien, qui explique déjà la différence de date de la célébration de Noël entre les Églises catholique (25 décembre grégorien) et orthodoxe (25 décembre julien): à l'époque de la réforme grégorienne, le 25 décembre julien correspondait au 6 janvier grégorien; en aurait-ON profité alors pour déplacer le jour de la Galette au 6 janvier ?"  Voilà qui me parait très juste, et nos deux hypothèses présentant l'avantage de ne pas s'exclure l'une l'autre, nous n'aurons pas à trancher ! La remarque, cela dit, est pertinente et pleine de bon sens : il n'y a peut-être pas à chercher plus loin. 
 
                                       Quoi qu'il en soit, la célébration de l’Épiphanie prit rapidement de l'importance, au point que l'Empereur Julien l'Apostat (331-363) dissimule son renoncement au Christianisme justement en se pliant à la coutume :
"Il avait depuis longtemps renoncé au christianisme, et, comme tous les adorateurs des anciens dieux, se livrait aux pratiques des augures et des aruspices; ce qui n'était su que d'un petit nombre de confidents intimes. Du secret effectivement dépendait sa popularité. Aussi feignait-il de rester attaché à ce culte; et pour mieux dissimuler son changement il alla jusqu'à se montrer dans une église le jour de la fête appelée Épiphanie, que les chrétiens célèbrent dans le mois de janvier, et se joignit ostensiblement aux prières publiques." (Ammien Marcellin, "Histoire De Rome", XXI - 2.5)

Statue dite de Julien L'Apostat. (Apparemment, il s'agirait plutôt d'un prêtre de Sérapis...)

                                        Mais la galette, dans tout ça ? Nous avons déjà vu que son lien avec les Saturnales était indéniable. Mais les coutumes relatives aux Saturnales ont essaimé dans plusieurs fêtes chrétiennes, comme Noël ou le Carnaval. Pourquoi, donc, le gâteau romain se retrouve-t-il catapulté au 6 Janvier ? Là, je n'ai aucune preuve, mais j'émettrai une hypothèse éclairée : à mon humble avis, c'est encore un coup de ces mêmes chrétiens qui ont déplacé la coutume afin de rapprocher le "Roi" choisi parmi les esclaves des "Rois Mages", de façon à ce que l'analogie fasse son chemin dans la tête de ces fichus païens ! J'ignore ce que vous en pensez mais, pour ma part, je trouve que la supposition se tient. Surtout si l'on considère que les Mages en question ont été élevés au rang de Rois vers la fin du IVème siècle, soit à peu près à l'époque de l'interdiction des fêtes païennes...

                                        Reste que notre galette se distingue des gâteaux et brioches de nos voisins - au point que nos amis anglophones la désigne parfois sous le nom de "french king cake". Cette spécificité remonte au XIVème siècle et l'initiative viendrait des chanoines de Besançon. Ces braves religieux avaient pris l’habitude de désigner à chaque Épiphanie un nouveau maître de chapitre, qu'ils tiraient au sort en dissimulant une pièce dans un pain. Puis plus tard dans une brioche - au Diable le péché de gourmandise ! La coutume se popularisa rapidement, et le Peuple adopta ce "gâteau des Rois". Les boulangers, flairant le bon filon, s'en emparèrent bientôt en façonnant les galettes que nous dégustons encore aujourd'hui.

"Le Gâteau Des Rois" (Jean-Baptiste Greuze.)

                                        Pour finir, un mystère demeure néanmoins quant à ce fameux gâteau des rois : comment faire pour éviter de tomber sur la fève en coupant la galette, ce qui m'arrive systématiquement ?!! Et là, franchement, je donnerais cher pour avoir la réponse ! Si vous avez une astuce - ou éventuellement d'autres précisions à apporter sur l'origine de l’Épiphanie - n'hésitez pas à laisser un commentaire, ou à me contacter.



mercredi 9 janvier 2013

Revue De Presse : Arkéo Junior.

                                         Je me fais régulièrement l'écho sur ce blog des parutions presse qui traitent de l'antiquité romaine et qui me semblent intéressantes. Il n'existe pas un nombre infini de magazines dédiés à l'Histoire, et encore moins à l'Histoire antique, mais des revues telles que "Histoire Antique Et Médiévale", "Historia" ou "Archéo Théma" méritent d'être citées pour la grande qualité des dossiers qu'elles publient, aussi passionnants qu'érudits. Mais cette fois-ci, je vais faire une infidélité à mes magazines de référence - et quelque chose me dit que ce ne sera pas la dernière.

                                         Encore que... Derrière la parution que je m'apprête à vous présenter se cachent les éditions Faton, qui publient déjà l'excellent "Archéologia" ou encore "Les Dossiers De L'Archéologie" : nous sommes dont en terrain connu. Mais "Archéo Théma" est une revue "pointue", qui se réfère souvent à l'archéologie, à l'épigraphie et aux études les plus exigeantes, au point qu'il faut parfois s'accrocher... Ce n'est pas le cas de "Archéo Junior" qui, comme son nom l'indique, s'adresse à des lecteurs plus jeunes - disons, 8 / 15 ans. Elle se veut donc simple et accessible, tant dans le style de l'écriture que dans le propos, ce qui n'exclue pas pour autant le sérieux et l'exactitude historique.


© 2013 Éditions Faton.


                                         Pour être totalement honnête, c'est la première fois que je m'aventure à ouvrir cette revue - même si je l'avais déjà remarquée à plusieurs reprises. Mais je ne pouvais pas faire l'impasse sur le numéro du mois de Janvier, qui promettait en couverture un article sur Tibère, mon Empereur chouchou ! Sitôt dit, sitôt fait : me voilà donc plongée dans la lecture de ce magazine jeunesse. Ce qui n'est pas glorieux, passés 30 ans... Et bien, malgré tout, cette lecture m'a enthousiasmée, bien plus que je ne l'aurais cru. Pourtant, la partie était loi d'être gagnée car, lorsqu'on prétend aborder le règne du deuxième empereur Julio-Claudien, j'ai tendance à me montrer intraitable - et, je dois bien l'avouer, d'une certaine mauvaise foi...

                                         Or, je suis comblée ! Ce portrait de Tibère, qui court sur une dizaine de pages, se révèle très agréable à lire, d'une neutralité remarquable (et dont feraient bien de s'inspirer certains articles "pour adultes".), tout à la fois d'une grande simplicité et d'une grande précision. Il propose une biographie complète, une description physique et psychologie de l'homme, et une présentation brève mais pertinente de son règne. S'adressant à de jeunes lecteurs, l'article est évidemment condensé, et rédigé en termes très accessibles - les notions plus complexes (comme le Sénat, la rhétorique ou le cursus honorum) étant brièvement définies en marge. Pour autant, il ne fait nullement l'impasse sur les aspects les plus sombres de la personnalité de Tibère, et l'analyse est excellente, et compréhensible pour des enfants. La présentation du dossier en elle-même est extrêmement attrayante car il est abondamment illustré de photos et de dessins, avec en prime une petite fiche d'identité et un arbre généalogique bienvenu. Très franchement, c'est un des meilleurs articles que j'aie lu sur le sujet. Avec, en guise de cerise sur le gâteau, deux pages de jeux centrés sur l'Empereur.

                                         Si je me suis précipitée sur les pages qui lui sont consacrées, Tibère n'est pas le seul héros de ce numéro. Une large part de la revue concerne en effet Alix, le célèbre personnage de BD créé par Jacques Martin, à l'occasion de l'exposition organisée par le musée romain de Nyon. Toujours en s'adressant aux plus jeunes, le magazine s'étend sur la genèse des BDs, sur les méthodes de travail de l'auteur et sur ses sources d'inspiration, en examinant l'exactitude historique des scenarii et de la reconstruction présentée dans les dessins. Un autre article intéressant, qui donne envie de se replonger dans la série des Alix. Mais on trouve aussi une sympathique revue des parutions et expositions sur l'antiquité, des fiches sur la carpologie et sur la ville étrusque de Cervereti, et une présentation des vestiges du Coudenberg, ancien palais de Charles Quint situé sous la Place Royale de Bruxelles. Rien à voir avec l'antiquité, mais pas dénué d’intérêt pour autant. Et j'allais oublier la rubrique courrier, avec plusieurs dessins et poèmes consacrés à Apollon, et qui démontrent le talent des jeunes lecteurs du magazine.

                                         Je me doute bien que la majorité des lecteurs de ce blog ne s'intéresseront guère à une parution destinée à la jeunesse. Pourtant, je ne saurais trop vous encourager à y jeter ne serait-ce qu'un coup d’œil. Des textes clairs et intelligents, des illustrations amusantes et une présentation attractive : voilà largement de quoi intéresser vos enfants, neveux, cousins, etc. à l'antiquité et à l'archéologie et, plus largement, à l'Histoire. En ce qui me concerne, je compte bien surveiller les prochains numéros. Comme quoi, j'ai décidément gardé une âme d'enfant...


ARKEO JUNIOR - n°203 - Janvier 2013.
Éditions Faton - 5€50.
Lien sur la revue ici.

       

dimanche 6 janvier 2013

Nouvel An Romain : Anna Perenna et Janus.


                                        J'avais conclu l'année 2012 en vous parlant des origines de Noël, et plus particulièrement des fêtes romaines que l'on pouvait rattacher à nos propres traditions. Dès lors, quelle meilleure manière de commencer 2013 qu'en évoquant les célébrations de la nouvelle année chez les Romains ? Pour être totalement honnête, l'idée n'est pas de moi et, puisqu'il faut rendre à César ce qui lui appartient, je précise que le sujet de ce billet m'a été soufflé par un internaute, répondant au doux pseudo de Claudius.

LA ROME ARCHAÏQUE ET LE CULTE D'ANNA PERENNA.



                                         Notre année civile commence le 1er Janvier et, à Rome ou pas, il se trouve que nous faisons comme les Romains, qui retenaient également cette date pour inaugurer un nouveau millésime. Mais cela n'a pas toujours été le cas... A l'origine, le Nouvel An était célébré durant le mois de Mars, à l'approche du printemps - aux Ides, pour être exacte. Tout ça à cause des Étrusques - encore eux ! - qui faisaient coïncider le début de l'année avec la première pleine lune après l'équinoxe de printemps, et donc avec les Ides de Mars.  On célébrait alors la déesse Anna Perenna. Le nom parle de lui-même...


Anna Perenna : origines légendaires.


"La Mort De Didon" (Toile du Guercino), représentant Anna Perenna au chevet de sa sœur.

                                        Anna Perenna est donc une déesse romaine, généralement représentée sous les traits d'une vieille femme. Comme toujours lorsqu'on parle de mythologie, les légendes varient selon les sources - sans être incompatibles pour autant. Pour Ovide, Anna est la sœur de Didon, qu'elle accompagne lorsque celle-ci part fonder Carthage. Après le suicide de Didon, elle fuit les Numides qui attaquent la cité et se réfugie en Italie, où elle est recueillie par Énée. Mais l'épouse de ce dernier, Lavinia, est jalouse de la beauté de leur invitée... Avertie en songe par Didon des plans ourdis par Lavinia, Anna prend ses jambes à son cou et s'échappe en pleine nuit : elle tombe dans la rivière Numicius, où elle se noie.

"Cependant, à grands cris, on chercha la Sidonienne à travers les champs ; on trouva des indices, des traces de pas ; on parvint à la rive : on trouva ses marques sur la rive. Le fleuve complice contint le bruit de ses eaux ; on crut l'entendre, elle : "Je suis la nymphe du paisible Numicius ; cachée dans le fleuve au cours pérenne, on m'appelle Anna Perenna". Aussitôt, tout joyeux, dans les champs parcourus à l'aventure, on festoie et on célèbre ce jour et soi-même dans des flots de vin." (Ovide, "Fastes", III - 649.)
Le fleuve Numicius.


                                        Plus concrètement, les recherches archéologiques suggèrent qu'Anna Perenna  était souvent associé ou identifiée aux déesses étrusques Thannr Anna (déesse de la vie et de la force procréatrice) et Menrvra (équivalent de Minerve.) Le lien entre Minerve et Anna se retrouve dans une légende archaïque italico-étrusque, qui l'associe par ailleurs à Mars : Anna Perenna se serait jouée du Dieu, qui lui avait demandé d'intercéder en sa faveur et de l'aider à séduire Minerve. Anna Perenna aurait alors pris sa place dans le lit de Mars, afin de protéger la virginité de la Déesse. 

La sécession de la plèbe. (Gravure de Barloccini.)

                                        Ovide rapporte également que, lorsque la Plèbe fit sécession en 494 avant J.C. en se retirant sur le Mont Sacer, elle serait venue au secours des plébéiens : sous la forme d'une vieille femme, elle leur distribuait des vivres chaque matin. Reconnaissants, les plébéiens lui auraient bâti un temple, l'adorant comme une déesse. Le culte d'Anna Perenna était né.
"Jadis la plèbe, que des tribuns ne protégeaient pas encore, avait pris la fuite et campait au sommet du mont Sacré. Déjà les vivres que les gens avaient emportés avec eux, et les fruits de Cérès, indispensables aux humains, venaient à manquer. Il se trouvait alors une certaine Anna originaire de Bovillae, dans les faubourgs de Rome, une vieille femme pauvre, mais très active. Les cheveux blancs entourés d'un léger bandeau, elle façonnait de ses mains tremblantes des galettes grossières et avait l'habitude de les distribuer le matin encore fumantes à la population. Les gens apprécièrent cette générosité. Une fois établie la paix intérieure, ils élevèrent une statue à Perenna, parce qu'elle leur avait porté secours dans leur dénuement." (Ovide, "Fastes", III - 363.)

 

Célébration du nouvel an.


                                        Une première cérémonie avait lieu le 1er jour du mois : les Matronalia, au cours duquel on honorait Junon Lucine (déesse de lumière). On allumait aussi le nouveau feu sur l'autel de Vesta et on rendait hommage au Dieu éponyme du mois en déposant de nouvelles couronnes de laurier dans un sanctuaire qui lui était dédié dans la cour de la résidence officielle des rois antiques de Rome, la Regia. Le rite s'accompagnait de la présentation de l'ancile et des boucliers forgés sur l'ordre de Numa (voir ici), de danses et d'un hymne sacré scandé par les prêtres saliens de Mars. Cependant, aucune de ces cérémonies ne présente de lien particulier avec la nouvelle année.

                                        Le 14 Mars, en revanche, se tenaient deux autres fêtes, les Equirria de Mars (qui avaient aussi lieu le 27 Février) et les Mamuralia. Certains historiens supposent qu'elles ne formaient en réalité qu'une seule et même célébration quand d'autres y voient au contraire deux rituels distincts. Ovide, dans les "Fastes", les mentionne de manière indépendante, en citant pour les premières les courses de chevaux tenues en l'honneur de Mars : 
"Lorsque le dieu qui entraîne sur son axe rapide le jour pourpré aura par six fois soulevé et immergé son disque, tu assisteras aux seconds Equirria, sur le gazon du Champ de Mars,dont les flots du Tibre sinueux viennent frapper le flanc. Cependant, si par hasard une crue du fleuve occupe l'endroit,   les chevaux seront accueillis sur le Célius qui se couvrira de poussière." (Ovide, "Fastes", III-520.)

Mosaïque représentant une course de chevaux. (Via ancientworld.net)
 
Quant aux Mamuralia,  elles consistaient en une procession à travers la ville, au cours de laquelle on traînait dans les rues et l'on expulsait symboliquement Mamurius Veturius, le forgeron chargé par Numa Pompilius de fabriquer des copies du bouclier envoyé par Mars, de peur que l'original ne soit volé et que ce délit ne puisse être expié que par le sacrifice de plusieurs citoyens. Mamurius accomplit la tâche et demanda pour unique récompense que son nom soit inclus dans l'hymne sacré des prêtres Saliens de Mars.

Numa Pompilius et l'ancilla. (Carte publicitaire Lieibig.)


                                        Ainsi chez Ovide, Mamurius sauve ses concitoyens d'une mort expiatoire et, au cours de ce rituel, il est considéré comme un bouc émissaire, chassé pour emporter avec lui les péchés du peuple et lui évitant ainsi le châtiment des dieux. Les érudits modernes voient généralement Mamurius à la fois comme une sorte de bouc émissaire et comme un avatar de Mars. "Mamurius" est parfois interprété comme la traduction latine du nom d'une divinité Italique archaïque, Marmar, et le nom Veturius comme un nom propre dérivé de l'adjectif vetus : littéralement, il s'agirait donc du "Vieux Mars", expulsé à la veille de la nouvelle année. Vêtu de peaux d'animaux, il symbolisait la dégénérescence et la vulnérabilité associées à l'hiver. Pour chasser les dangers concentrés sur sa personne, les Romains formaient un cortège le long des rues et jetaient l'homme hors de la ville, en le battant avec de longues tiges. Ce rituel était censé nettoyer la ville pour accueillir une nouvelle incarnation de Mars, dieu archaïque de la végétation (par opposition à ses fonctions militaires ultérieures), qui renaît chaque printemps.

Monnaie à l'effigie d'Anna Perenna.


                                         Le 15 Mars enfin, on fêtait Anna Perenna qui, comme son nom l'indique, était une divinité liée au cycle annuel. Les célébrations se tenaient dans un bois sacré proche de Rome, aux abords de la Via Flaminia. Selon Macrobe, "on sacrifiait en public et en particulier à Anna Perenna, pour obtenir de passer heureusement l'année et d'en voir plusieurs autres." (Macrobe, "Saturnales", I-12.) Ovide dans ses "Fastes" donne une description vivante de ces fêtes de plein air.
"Le jour des Ides se célèbre la joyeuse fête d'Anna Perenna, non loin de tes rives, ô Tibre qui viens de l'étranger. Le peuple arrive et se répand parmi les herbes vertes ; et l'on boit, chacun s'étendant avec sa chacune. La fête se prolonge à ciel ouvert, quelques-uns dressent des tentes ; il en est qui font des cabanes de feuillage et de branches ; d'autres ont monté des roseaux rigides en guise de colonnes, ils déplient leurs toges et les étendent par dessus. Cependant, échauffés par le soleil et le vin, ils se souhaitent autant d'années  que les coupes qu'ils écluseront, et ils les comptent en buvant. Tu trouveras là celui qui pourrait avaler les années de Nestor,  celle que les coupes ingurgitées transformeraient en Sibylle. Là aussi, les gens chantent ce qu'ils ont appris dans les théâtres,   et règlent sur leurs paroles les battements de leurs mains ; autour d'un cratère posé sur le sol, ils mènent des chœurs grossiers ;  toute parée, une fille danse, les cheveux dénoués. Au retour, ils titubent, se donnant en spectacle à la foule,  qui, en les croisant, les appelle "bienheureux". Récemment (cela vaut d'être mentionné), j'ai rencontré ce cortège : une vieille femme ivre traînait un vieillard ivre lui aussi." (Ovide, "Fastes", III - 523.)
Au cours du mois, on payait aux professeurs leurs salaires de l'année écoulée et "les Romaines servaient leurs esclaves à table, comme les maîtres faisaient pendant les Saturnales." (Macrobe, "Saturnales", I-12.)

CALENDRIER JULIEN ET NOUVEL AN : JANUS ENTRE EN SCÈNE !


                                        Plus tard toutefois, les Romains célébrèrent le Nouvel An le 1er Janvier, lors des Calendes (les Iani Kalendai). L'historien Theodor Mommsen suppose que ce changement a été initié par Jules César, lors de la réforme du calendrier et qu'il serait entré en vigueur en 46 avant J.C. D'autres chercheurs pensent cependant que cette modification date de 450 avant J.C., lorsque le calendrier républicain a été adopté par les décemvirs. N'empêche : les Romains ne cessèrent jamais d'honorer Anna Perenna le 15 Mars, de sorte qu'on fêtait deux fois la nouvelle année !

Buste de Janus. (Musées Du Vatican.)

                                        Le mois de Janvier était associé au Dieu Janus. Grosso modo, Janus était le dieu du commencement,  des portes, du seuil, du "passage" d'un état à un autre. Représenté comme un être biface - l'une regardant vers l'avant et l'autre vers l'arrière - il présidait aussi à tout ce qui était "double" comme la vie et la mort, la guerre et la paix, l'est et l'ouest, le passé et le futur, etc.

                                        Au cours de ce 1er janvier, on célébrait donc Janus, à qui l'on sacrifiait des bœufs blancs. Les portes des temples, normalement fermées, restaient ouvertes : Janus en sortait alors et écoutait avec bienveillance toutes les prières. On se saluait avec effusion, on échangeait des vœux et des paroles de paix, en évitant les ragots et les paroles négatives.
"Janus aux deux visages, toi qui commences l'année au cours silencieux, toi, le seul des dieux d'en haut à voir ton propre dos, sois propice à nos princes dont le labeur apporte la paix à la terre féconde et la paix à la mer. Sois propice à tes sénateurs et au peuple de Quirinus, et d'un signe de tête fais ouvrir les temples éclatants. Un jour béni se lève : faites silence et recueillez-vous ! En ce beau jour, il faut prononcer des paroles de bonheur. Que les oreilles soient exemptes de débats, et que d'emblée s'éloignent  les querelles insanes : diffère ton oeuvre, langue envieuse." (Ovide, "Fastes", I-65.)
Sesterce représentant le Temple de Janus.

Les nouveaux magistrats, qui entraient en fonction pour l'année, étaient conduits jusqu'au Capitole pour prêter serment, au cours d'une procession à laquelle se joignait la foule, vêtue de blanc. Puisqu'il s'agissait d'un jour faste, les tribunaux étaient ouverts et l'activité économique était autorisée, et l'on travaillait (à tout le moins, on faisait semblant !), afin d'attirer la prospérité économique.  
"Après quoi, je m'étonnais du fait que ce premier jour  ne fût pas exempté de procès. Janus dit : "Apprends-en la cause ! J'ai confié à l'année naissante l'activité judiciaire, par crainte de voir  l'année tout entière dépourvue d'activité, à cause d'un tel auspice. Pour la même raison, chacun s'adonne à ses activités propres, ne faisant rien d'autre que témoigner de son travail habituel"." (Ovide, "Fastes", I - 165.)

Entrée Des Consuls à Rome Le 1er Janvier. (Carte Publicitaire.)

                                        Et, évidemment, les Romains organisaient de grandes fêtes. On décorait la maison avec des branches d'arbre et des végétaux et on recevait amis et membres de la famille. On s’offrait des fruits (en particulier des  dattes et des figues) et du miel, afin que la nouvelle année soit douce, et de la petite monnaie de bronze, pour qu'elle soit profitable. Ensemble, les convives mangeaient, buvaient, chantaient et dansaient, pour saluer l'année passée et accueillir celle qui commençait.

                                        On célébrait également le 1er Janvier le culte de la déesse Strenua (ou Strenia), d'origine étrusque, qui présidait à la purification. Un sanctuaire lui était dédié au sommet de la Via Sacra, autour duquel se tenait une procession, les Romains portant des brindilles de bois. Si on doit ce rituel au Roi Sabin Tatius, il est difficile de savoir s'il s'est toujours accompli en Janvier, ou bien s'il avait lieu en Mars et a été déplacé pour coïncider avec les nouvelles célébrations. Le nom "Strenua" serait à l'origine du mot "étrennes", et la Fata Befana italienne, sorcière jouant le rôle de Père Noël transalpin le 6 Janvier, dériverait directement de cette divinité.

CONCLUSION.


                                        J'aurais l'occasion de revenir plus en détails sur Janus - qui, avouons-le, présente l'énorme avantage d'être mieux connu qu'Anna Perenna ou que ce brave Mamurius Veturius. Les légendes se rattachant à ces deux derniers personnages sont en effet un peu confuses car diverses et surtout chargées d'une symbolique multiple, qui en complexifie l'interprétation. J'ai quand même tenté de faire le tri !

                                         Malgré tout, on retrouve dans les rites et les pratiques en usage dans la Rome antique quelques analogies avec nos propres célébrations du Nouvel An - vous avez certainement songé aux étrennes et aux vœux que nous échangeons encore, au matin du 1er Janvier. Surtout, ce changement de date est intéressant : à la célébration du Printemps et donc du renouveau de la nature, les Romains ont substitué une fête en l'honneur de Janus, Dieu des transitions et du changement. Ne trouvez-vous pas étrange, d'ailleurs, que la date du nouvel an ait été fixée en plein hiver ? C'était en tous cas l'opinion d'Ovide, abondamment cité dans cet article. Mais le poète a eu la chance de pouvoir en demander l'explication à Janus lui-même, ce qui tombe très bien puisqu'il est quand même le premier concerné !  Et ma foi, ça se tient...
"Allons, dis-moi pourquoi l'an neuf commence avec les frimas : ne devait-il pas de préférence débuter au printemps ? Alors, tout fleurit, alors, c'est la saison nouvelle (...) C'est cette période qui méritait d'être appelée nouvel an". Ma question avait été longue ; lui, sans beaucoup attendre, concentra sa réponse dans ces deux vers : "Le solstice d'hiver marque le premier jour du soleil nouveau et le dernier de l'ancien : Phébus et l'an ont même commencement"." (Ovide, "Fastes", I-149.)
Monnaie à l'effigie de Janus.
 
                                        Si notre réveillon de la Saint-Sylvestre n'a apparemment rien à envier aux célébrations romaines du point du vue festif, il ne possède certainement plus la même force symbolique. Et pourtant, notre décompte de minuit n'était-il pas un adieu à 2012, en même temps qu'un salut de bienvenue à 2013 ? Pour ma part, je vous souhaite à tous une bonne année, pleine de joie, d'amour, de chocolat et de petits oiseaux... Et d'antiquité romaine, par Janus, Anna Perenna, Jupiter, Junon et Minerve réunis ! 





dimanche 23 décembre 2012

Aux Origines de Noël : Saturnales et Sol Invictus.

                                        Il y a quelques semaines, l'approche de Noël m'a servi de prétexte à un billet consacré aux jouets de la Rome antique. Or, il se trouve que notre fête chrétienne de Noël a de nombreux liens avec l'antiquité romaine, et je ne pouvais décemment pas faire l'économie d'un article sur le sujet. Nombreuses sont les fêtes chrétiennes que l'on peut rattacher à des célébrations romaines, et à deux d'entre elles en particulier : les Saturnales et la célébration du culte du Sol Invictus.


Les Saturnales.

 


Saturne (Dessin de Hendrick Goltzius - Musée des Beaux-arts de Rennes.)

                                        Les Saturnales, ce sont sans doute les festivités les plus importantes de la Rome antique. Elles marquent le solstice d'hiver, en célébrant Saturne. A l'origine, il s'agissait d'une cérémonie qui se tenait le 17 Décembre dans le temple dédié au Dieu, mais la durée des célébrations finit par s'étendre : 3 jours après la réforme du calendrier julien, 4 sous Auguste, 5 sous Caligula, et enfin une semaine complète sous Dioclétien, jusqu'au 24 Décembre - voire jusqu'aux Calendes de Janvier. Immédiatement après les Saturnales se tient la fête des Sigillaires, le nom venant du fait que l'on s'échange, entre autres présents, des sceaux (en Latin sigillum) et petits objets de terre cuite.

"L'Hiver Ou Les Saturnales" (d'Antoine-François Callet. ©Musée du Louvre.)

                                        Au départ, les Saturnales commémorent le solstice d'hiver, marqué par la nuit la plus longue de l'année mais aussi, par voie de conséquence, par le retour de l'allongement des jours et, symboliquement, la victoire de la lumière sur les ténèbres. C'est donc tout naturellement que l'on fête les promesses des futures récoltes, en honorant Saturne, dont la légende veut qu'il ait enseigné l'agriculture aux Romains, lors d'un âge d'or mythique où les hommes vivaient égaux dans l'abondance. Dieu des semailles, son nom viendrait d'ailleurs du mot "Sator", qui signifie "le semeur", et il préside à la germination et aux moissons. En marge des Saturnales, d'autres Dieux et Déesses sont aussi célébrés, comme la Déesse Angerona (le 21 Décembre), qui aide à traverser les périodes sombres et angoissantes et guérit de la douleur et de la tristesse.

Arc de Septime Sévère et Ruines du Temple de Saturne. (©Robert Lowe via Wikipedia)



                                         Concrètement, les Saturnales sont un joyeux déchaînement, où toutes les barrières sociales disparaissent momentanément et où l'ordre hiérarchique est bouleversé : tous se réunissent autour des mêmes tables, les esclaves ne reçoivent plus d'ordre et recouvrent pour un temps toute liberté d'action et de parole - ils peuvent railler les maîtres en toute impunité, s'amuser avec eux et même se faire servir par eux. Durant cette période de relâche, aucun acte officiel ne peut s'accomplir et tous les travaux s'interrompent (écoles, boutiques, tribunaux, etc. sont fermés, aucun spectacle n'est donné et même les paysans délaissent leurs champs).  En revanche, ces journées de fête sont l'occasion de se réunir en famille ou entre amis autour de banquets, de s'amuser à des jeux collectifs et de sortir dans les rues et les jardins, où l'on s'interpelle joyeusement au cri de : "Io ! Saturnalia !" Pour une fois, les citoyens ne portent pas la toge, mais la tunique des esclaves, et coiffent même parfois le pileus libertatis, bonnet porté par les affranchis.


Les Saturnales. (Sculpture d'Ernesto Bondi - ©R. Fiadone via wikipedia.)

                                        C'est aussi l'occasion de décorer les maisons et de les parer de verdure, avec du houx, du gui et des guirlandes de lierre. On s'offre des cadeaux (saturnalia et sigillaricia) : chandelles de cire, figurines de terre cuite, porte-bonheur, petits bijoux, gâteaux, etc. Les enfants sont particulièrement gâtés, et reçoivent de petites babioles et de petites sommes d'argent (l'équivalent de nos étrennes). Un marché spécial (sigillaria) est ouvert. On se réunit pour des piques-niques, au cours desquels on déguste une galette : celui qui trouve la fève dissimulée dans le gâteau est désigné "Roi du banquet", et peut alors distribuer des gages et donner des ordres ridicules à ses commensaux. On fabrique des figurines grotesques, suspendues au seuil des maisons, qui finiront par être brûlées. Certains spécialistes pensent qu'il s'agissait de représenter symboliquement un sacrifice humain, rappelant une pratique primitive d'expiation en vigueur chez les Pélasges, peuple ayant précédé les Romains dans le Latium : Hercule aurait convaincu les descendants des Pélasges de substituer des statuettes aux victimes humaines.  Évidemment, tous ces éléments ne sont pas sans évoquer notre Épiphanie (ça, c'est pour la galette), notre fête de Noël (ça, c'est les décorations et les cadeaux), et bien sûr notre Carnaval (ça, c'est tout le reste !)


Le Culte du Sol Invictus / Mithra.


Bas-relief d'une tauroctonie figurant Mithra. (Thermes de Dioclétien. ©Richard Mortel - Flickr)


                                        De la célébration du solstice d'hiver à celle du culte du soleil, il n'y a qu'un pas. Sans doute est-ce la raison pour laquelle la date du 25 Décembre correspond, pour les Romains, à la célébration du Dieu Sol Invictus (Soleil Invaincu), assimilé à Mithra. Ce jour est connu comme dies natalis solis invicti, c'est-à-dire le "jour de naissance du Soleil Invaincu". Le choix du 25 Décembre n'a rien d'aléatoire, mais se rapporte directement au calendrier Julien qui, à cause d'une erreur de calcul, fixait le solstice d'hiver précisément à cette date. 

Sol Invictus. (Musée National de Rome - ©Mary Harrsch - flickr.)

                                        Quelques mots sur ce Sol Invictus. L'épithète a été utilisé pour qualifier diverses divinités romaines au fil de l'Histoire : Jupiter Invictus et Mars Invictus par exemple, au début de l'Empire. C'est à partir du IIème siècle qu'on le retrouve appliqué à Mithra, dont le nom signifie "ami" et "contrat". Mithra est donc à la fois l’ami des hommes, le Dieu de la lumière et celui de la justice.


Mosaïque romaine du Ier siècle représentant Mithra. (© Mary Harrsch - Flickr)


                                       D'origine Perse, le culte de Mithra se répand d'abord chez les soldats romains, qui l'importent en Italie. Il s'y implante rapidement et gagne Rome, devenant le culte le plus pratiqué de l'Empire, le Dieu étant connu sous le nom de Sol Invictus. Au point qu'en 274, l'Empereur Aurélien le déclare religion de l’État, dans l'optique de consolider l'unité des territoires dominés par Rome. Il fait édifier un temple sur le Champ de Mars et crée un collège de Pontifes du Soleil. Certains experts voient plutôt dans cette nouvelle divinité la refondation de l'ancien culte latin du soleil, ou un renouveau du culte prôné par Héliogabale, qui avait amené depuis Emèse le culte du Dieu syrien du Soleil, Elagabal (dont il prendra le nom). Mais la question fait toujours débat, les élites hostiles à la nouvelle religion ayant volontairement assimilé les deux divinités, dans le but de discréditer ce Sol Invictus en le rapprochant de cet Elagabal, de sinistre mémoire pour les Romains... (J'aurai l'occasion d'y revenir un jour prochain.)

Pièce à l'effigie d'Aurélien et de Sol Invictus.

                                        Le Dieu sera vénéré par les successeurs d'Aurélien, y compris par Constantin. En effet, le Sol Invictus apparait à plusieurs reprises sur l'Arc de Constantin, et les monnaies l'associent à ce Dieu jusque vers 325. En 321, Constantin décrète même que le Die Solis ("jour du soleil" - soit le Sunday anglais et notre dimanche) sera désormais un jour de repos. La dernière inscription se référant à Sol Invictus date de 387, mais son culte perdurera au moins jusqu'au Vème siècle puisque Saint Augustin jugera nécessaire de prêcher contre ses adeptes.

Pièce à l'effigie de Constantin et de Sol Invictus.


                                        Religion austère et monothéiste (bien qu'elle cohabite dans l'Empire avec d'autres cultes, auxquels elle se superpose), le culte de Mithra se caractérise notamment par une initiation marquée par une série d'épreuves, suivie d'une sorte de baptême, par aspersion avec le sang d'un taureau. Par des l'abstinence et des rites de purification, les adeptes se rapprochaient de l'astre solaire, symbole de chaleur et de lumière par opposition à l'obscurité et aux démons. Il est la manifestation du pouvoir de Mithra, ange de la lumière, serviteur du dieu Ormuzd représentant la lumière primitive, auprès duquel il tient aussi le rôle d'ambassadeur des hommes.

Du culte païen à la fête chrétienne.




                                        A la même période, le christianisme commence à se répandre, et se retrouve en concurrence directe avec ce culte de Mithra, face auquel les rites liturgiques ont bien du mal à s'imposer. C'est donc pour contrer ces festivités païennes que les Chrétiens adoptent un stratégie fort ingénieuse : il ne s'agit rien moins que d'assimiler la naissance du Christ au retour de l’astre solaire, le Sol Invictus, dans une sorte de démarche syncrétique qui leur permet d'ancrer leur propre célébration dans une tradition pré-existante.

"C'était la coutume des païens que de célébrer le 25 Décembre l'anniversaire du Soleil, au cours duquel ils allumaient des lumières en signe de festivité. Dans ces solennités et les excès de table, les chrétiens ont également pris part. Par conséquent, lorsque les docteurs de l'Église perçurent que les chrétiens avaient un penchant pour cette fête, ils tinrent conseil et résolurent que la vraie Nativité devait être célébrée ce jour-là." (Jacob Bar-Salibi, évêque syrien du 12ème siècle.)


Prêtre de Mithra. (British Museum  -©Mary Harrschy - flickr.)

                                         C'est en l'an 354 que le Pape Liberus désigne officiellement la date du 25 Décembre comme celle de la naissance du Christ, avec la célébration du "Natalis Invicti". Cette fusion avec le jour le plus important du culte mithraïen permet peu à peu aux rites respectifs de se mélanger, et au christianisme de phagocyter divers éléments des fêtes païennes liées au solstice d'hiver : décorations végétales (le houx, par exemple, qui se prête parfaitement à une nouvelle interprétation et devient la représentation de la couronne d'épines et du sang du Christ), les échanges de cadeaux, etc. Adaptation d'autant plus aisée que, par bien des aspects, on pouvait trouver de nombreuses similitudes entre les deux croyances... Pour s'en convaincre, il suffit de jeter un œil sur un hymne dédié à Mithra, extrait du Rig Veda : 

"Le voici l'Adorable, le Bienveillant,
le Souverain ! Il est né le Seigneur !
Puissions-nous demeurer en sa Bonne Faveur,
En la Sainte Bienveillance du Dieu que l'on célèbre ! "
("Rig Veda" - III, Hymne IV - 4.)
Quant au mot Noël, il dérive directement du Latin natalis, et apparaît pour la première fois en 1112.

                                        Mais les Évangiles ne mentionnant pas la date de naissance de Jésus, celle retenue par ce brave Liberus ne fait pourtant pas l'unanimité, et certaines sectes avaient opté pour le 6 janvier, qui renvoyait aux épiphanies de Dionysos et d’Osiris – deux divinités ayant ressuscité (ça doit vous rappeler quelqu'un). Le 6 Janvier correspond toujours à notre propre fête de l'épiphanie, et marque la célébration de la naissance du Christ par les Orthodoxes.


La Nativité. (de Ghirlandaio - ©Musée du Louvre.)


                                        Si ce fait est communément admis, certains rechignent encore à admettre que le choix de célébrer Noël le 25 Décembre avait bien pour but de le faire coïncider avec la fête romaine du Dies Natalis Solis Invicti... Parmi eux, un certain Joseph Ratzinger, alias Benoît XVI, affirme que la date a été déterminée en toute logique : le 25 Décembre tombe simplement neuf mois après l'Annonciation (25 Mars), soit le jour de la conception de Jésus. Mais le même Pape a aussi reconnu :  "Noël a acquis sa forme définitive au IVe siècle, quand il a remplacé la fête romaine du Sol invictus".

                                        Anniversaire réel, ou date choisie arbitrairement ? Ma foi (sans mauvais jeu de mots !), les voies du Seigneur sont impénétrables, et l'important n'est-il pas, au bout du compte, de pouvoir gâter nos proches et passer le 25 Décembre entouré de ceux que nous aimons ? Et ça, c'est finalement aux Romains que nous le devons. Alors, que vous fêtiez Mithra / Sol Invictus, Saturne, le Christ ou n'importe qui d'autre, je vous souhaite à tous un joyeux Noël ! En attendant impatiemment le retour du Soleil... Et je vous retrouve l'année prochaine, après une pause bien méritée.   





mercredi 19 décembre 2012

Pan, t'es mort ! Causes de décès chez les Césars.

                                        Auriez-vous aimé être un Empereur romain ? Imaginez-vous un instant, à la tête de cette immense puissance, régnant sur un si vaste territoire, dictant votre loi à une multitude de peuples, soumettant les barbares aux frontières... Vénéré à l'égal d'un Dieu, vous vivez dans le faste et l'opulence, obéi, respecté et craint de tous. A priori, le job est attirant. Mais il comporte tout de même pas mal d'inconvénients - à commencer par une sacrée responsabilité, et une pression non négligeable. Mais pas seulement. L'autre léger désagrément, c'est qu'en tant qu'Empereur romain, il y a de fortes probabilités pour que vous finissiez poignardé, décapité, suicidé ou empoisonné. Voire, si vraiment vous n'avez pas de bol, frappé par la foudre ou capturé puis écorché vif par vos ennemis (Ave, Valérien !). Pour le dire autrement, vous avez peu de chances de mourir dans votre lit, au terme d'une vie bien remplie, passée au service de Rome. Avouez que ça change radicalement votre vision du poste à pourvoir ! En tous cas, c'est ainsi que l'on se représente généralement la mort des Empereurs romains. Mais cette idée correspond-elle à la réalité ? Résiste-t-elle à l'examen des faits ? La majeure partie des Empereurs ont-ils vraiment connu une fin aussi violente ? Ou les meurtres, suicides et autres joyeusetés ont-ils simplement davantage marqué nos esprits  ?

La mort de Néron

                                        Car il faut bien reconnaître que lorsqu'il s'agit de trépasser, les Empereurs romains font parfois preuve d'une imagination sans borne : même Caligula, pourtant fort inventif au quotidien en matière de bizarreries, fait pâle figure comparé à certains de ses collègues. Et le bougre, lardé de coups de poignards par sa garde prétorienne, a pourtant agonisé de longues minutes en hurlant : "Je suis toujours vivant !" Flippant, mais pas très original si l'on compare à un Valérien (voir ci-dessus), un Jovien (intoxiqué par la fumée d'un poêle, dans la tente de commandement), un Théodose II (mort d'une chute de cheval) ou un Valentinien (mon préféré : il pique une telle colère lors d'une négociation avec les Germains qu'il se pète une veine et meurt !) Mais ces décès spectaculaires demeurent anecdotiques.

                                         Choisissant de me concentrer sur l'Empire Romain d'Occident, j'ai volontairement exclu de ce calcul les usurpateurs non reconnus par Rome et les Empereurs d'Orient (qui continueront de régner sur cette partie de l'Empire, devenue l'Empire Byzantin, jusqu'en 1453.) Par ailleurs, en cas de doutes quant à la cause du décès, j'ai privilégié l'hypothèse la plus communément admise. Concernant Tibère, par exemple, j'ai considéré une mort naturelle, écartant les rumeurs d'assassinat sur ordre de Caligula. Enfin, je n'ai pas dressé mes listes de façon chronologique... mais un peu au pifomètre ! (au fil de mes recherches, plus précisément.)

Mort de Caligula. (Photo extraite du film de Tinto Brass.)

 CAUSES DE DÉCÈS CHEZ LES CÉSARS.


                                        Commençons par le commencement : de la fondation du Principat par Auguste en 27 av. J.C. au sac de Rome et à la destitution de Romulus Augustule en 476, l'Empire romain aura duré 503 ans, au cours desquels se seront succédé 77 Empereurs, cumulant 583 années de règne. (Cette différence s'explique par le fait que certains d'entre eux ont co-dirigé l'Empire.)

                                        Première constatation : l'âge moyen de décès est de  48 ans, pour 7.8 années de règne. Avec bien sûr de nombreuses disparités : Caligula est mort à 29 ans, Tibère en avait 77 ; Auguste a régné 41 ans, contre 2 petits mois pour Othon. Deuxième enseignement : la plupart des Empereurs meurent en fonction. 7 seulement ont abdiqué : 2 de leur plein gré (Dioclétien, qui s'est ensuite laissé mourir de faim, et Maximien Hercule, qui s'est suicidé) et les 5 autres y ont été forcés (Glycerius et Romulus Augustule, morts de causes naturelles, et Severus II, Licinius et Avitus, ensuite exécutés.) Qu'en est-il pour les autres, ceux qui se sont accrochés à la Pourpre jusqu'au bout ?

MORTS NATURELLES.

                                        Cette catégorie regroupe les Empereurs morts de vieillesse et ceux qui ont succombé à la maladie. Dans ce dernier cas, il n'est pas toujours évident de déterminer précisément quelle pathologie leur a été fatale, mais les symptômes décrits par les auteurs antiques ont parfois permis aux historiens et aux médecins d'extrapoler et d'émettre des hypothèses. Quelle que soit la fiabilité de leurs conclusions, celles-ci ne changent pas les statistiques de manière fondamentale. Les Empereurs décédés de causes naturelles sont donc les suivants :

  • Tibère - probablement de vieillesse, après un épisode de fièvre.
  • Auguste et Vespasien - fièvre et diarrhées - dysenterie.
  • Trajan et Lucius Verus - attaques d'apoplexie.
  • Titus et Nerva - violentes fièvres - peut-être la malaria.
  • Marc-Aurèle - atteint d'une affection chronique du poumon, mort après s'être plaint de douleurs abdominales aiguës et de fièvre - possible variole. Autre hypothèse : cancer en stade terminal.
  • Antonin Le Pieux - vomissements après avoir mangé du fromage (!!) - intoxication alimentaire ?
  • Hadrien - malgré 3 tentatives de suicide, meurt des suites d'une longue maladie ayant pour symptômes : saignements de nez, œdèmes, dépression - Insuffisance cardiaque chronique.
  • Septime Sévère - complications dues à la goûte.
  • Claudius II - mort en campagne militaire, probablement de la peste.
  • Carus - frappé par la foudre, lors d'une guerre en Mésopotamie. L'assassinat est plus vraisemblable, mais rien ne permet d'être affirmatif.
  • Constantin Ier -  sans doute une anémie chronique.
  • Galerius - ulcération de l'abdomen et des organes génitaux, fistules, septicémie - tumeur maligne ou infection comme l'actinomycose.
  • Valentinien Ier - accident vasculaire cérébral.
  • Olybrius - œdèmes sévères - insuffisance cardiaque ou syndrome néphrotique.
  • Honorius, Severus III, Glycerius, Romulus Augustule, Théodose - causes inconnues.

"Dernières Paroles de l'Empereur Marc-Aurèle" (Eugène Delacroix.)

SUICIDES.

                                        Ayant en tête l'exemple de Néron, de Brutus ou de Caton d'Utique, j'ai été surprise de découvrir que les suicidés étaient finalement assez rares parmi les Empereurs. Je vous accorde que le premier, terrorisé, a dû se faire aider par un esclave (si j'en crois Suétone) et que les deux autres n'ont jamais été Empereurs... Il n'empêche : 7 suicides, cela me paraît fort peu ! Nous retrouvons ici :
  • Néron et Othon - suicides à l'arme blanche. (Ne soyons pas mesquins, et validons le suicide de Néron !)
  • Gordien Ier et Maximien Hercule - suicides par pendaison (le premier avec sa ceinture)
  • Dioclétien - en dépression nerveuse, il finit par abdiquer et se retire sur ses terres. Il décède six ans plus tard, s'étant laissé mourir de faim. (selon le rhéteur Lactance.)
  • Maximin Daia - ingestion de poison. Il a agonisé pendant trois jours.
  • Quintillus - abandonné par ses hommes au profit d' Aurélien, s'est tranché les veines.

Le Fantôme de Septime Sévère apparaît à Caracalla, Après Le Meurtre de Son Frère Geta". (J.L. David.)

 

ASSASSINATS / EXÉCUTIONS.


                                        A ce stade de mon billet consacré aux causes de la mort des Empereurs, je commence à me sentir légèrement déprimée... La liste des assassinats ne sera sans doute pas de nature à me remonter le moral.  Avant de sombrer dans la dépression, je note tout de même que la quasi-totalité de ces meurtres appartiennent à deux catégories voisines : les coups d'état, et les assassinats lors des guerres civiles. Sur les 39 Empereurs assassinés, 34 l'ont été à l'arme blanche (épée, glaive, dague, etc.) et, parmi eux, 5 ont été décapités. Les 5 autres ont été respectivement étranglés (2), pendu, empoisonné et lapidé.

Mort de Commode - qui n'a pas été tué par Russell Crowe... (Extrait de "Gladiator.)

  • Claude - empoisonné par son épouse, Agrippine.D'abord avec des champignons puis, comme il avait régurgité le poison, à l'aide d'une plume plongée dans la gorge.
  • Léon II - empoisonné par sa propre mère, au profit de son mari.
  • Commode - ayant survécu à une tentative empoisonnement, il est finalement étranglé par un de ses gladiateurs.
  • Vitellius - torturé par les soldats de Vespasien avant d'être assassiné.
  • Galba - décapité par des soldats
  • Domitien  - assassiné par des esclaves et des officiels de la cour.
  • Julien Nepos - assassiné par ses esclaves.
  • Valentinien II - retrouvé pendu, mais vraisemblablement assassiné par un de ses généraux.
  • Valentinien III - tué par des mercenaires germains.
  • Geta  - assassiné par son frère, Caracalla.
  • Caracalla - poignardé à mort par son garde du corps, alors qu'il urinait au bord de la route. (On appelle ça le karma, mon vieux !)
  • Didius Julianus  - condamné par le Sénat à être exécuté par l'épée.
  • Petrone - il fuit Rome lors d'une invasion vandale et se fait lapider par la foule en colère.
  • Avitus - on le laisse mourir de faim, ou il est étranglé par des soldats.
  • Macrin - vaincu par l'armée des partisans d'Elagabal, il prend la fuite mais est assassiné quelques jours plus tard.
  • Constant - assassiné lors d'un coup d'état.
  • Carin - tué lors d'une bataille... par un de ses propres officiers, dont il avait séduit la femme !
  • Numerien - mystérieusement assassiné dans sa litière.
  • Sévère Alexandre - assassiné par l'armée, alors qu'il vient de négocier une paix jugée indigne avec les Germains.
  • Caligula, Pertinax, Maximin Ier le Thrace, Maxime Pupien, Balbin, Gordien Ier, Gordien II et Elagabal - assassinés par la (apparemment dangereuse !) garde prétorienne.
  • Aurélien - tué par les officiers de la garde prétorienne qui croyaient, à tort, que l'Empereur avait donné l'ordre de les faire exécuter.
  • Sévère, Jean , Majorien, Anthemius, Licinius, Gratien : défaits lors de guerres civiles, ils ont été exécutés.
  • Trébonien Galle, Émilien, Gallien, Florien, Probus - assassinés par leurs propres soldats au cours de guerres civiles.

Mort de Julien l'Apostat. (Illustration du XIXème siècle.)
  
CAUSES DIVERSES.

                                        On trouve toujours des petits malins qui veulent faire leurs intéressants. Pas de maladie, ni de suicide, ni de meurtre pour eux - mais des accidents idiots, et surtout des morts sur le champ de bataille (guerre civile ou contre d'autres peuples.)
  • Decius - tué lors d'une bataille contre les Goths, ce qui fait de lui le premier Empereur à trouver la mort au cours d'une guerre autre que civile.
  • Valens - meurt au combat contre les Goths. Son corps ne sera jamais retrouvé.
  • Gordien II (à Carthage), Philippe l'Arabe (en Macédoine), Constantin II (en Italie) - morts dans des combats, au cours de guerres civiles.
  • Julien - blessé dans la guerre contre les Parthes, il meurt d'une infection.
  • Valérien - fait prisonnier par les Perses, mort en captivité deux ans plus tard. Les sources divergent quant au traitement qui lui a été réservé : bien traité, réduit en esclavage, empalé ou écorché vif. Faites votre choix! 
  • Maxence  - vaincu par Constantin Ier, se serait noyé en tentant de fuir.
  • Théodose II - meurt en tombant de cheval.
  • Jovien - intoxication au monoxyde de carbone (consécutive au dysfonctionnement d'un braséro dans sa tente de commandement.)
L'Empereur Valérien se soumet aux Perses.
 

CONCLUSION.


                                        Vous vous doutez bien que je n'ai pas dressé cette sinistre énumération pour la seul plaisir de compiler la mort de tous les Empereurs de Rome ! Du reste, peut-être vous attendiez-vous à de longues descriptions complaisantes des agonies successives... Vous m'en voyez navrée, mais ce billet n'a rien de racoleur, et il n'a d'autres prétentions que de dresser un panorama des différentes causes des décès, dans le but d'en tirer un enseignement. Il est évident que les faits que j'avance peuvent parfois être contestés. Ainsi, Valentinien II s'est peut-être suicidé, et comme je le signalais en préambule, certaines sources accusent Caligula du meurtre de Tibère. Mais au final, ces variations infimes ne changent rien à la tendance générale, et il ressort de tout ceci qu'Empereur de Rome, ce n'est définitivement pas une sinécure ! En arrondissant, on obtient les chiffres suivants : à peu près la moitié (50.6%) des Empereurs meurent assassinés ou exécutés, 7.8% se suicident, 13% meurent pour d'autres raisons (mais une bonne partie d'entre eux au cours de guerres civiles), et seulement 28.6% décèdent de causes naturelles. Soit tout de même plus d'1 sur 5. Un chiffre qui, cependant, vous fera peut-être reconsidérer votre choix de carrière... Je vous repose donc la question : auriez-vous vraiment aimé être un empereur romain ?!



Pour plus de détails, la page de Wikipedia, ici , recense tous les Empereurs ainsi que les causes de leurs morts.
Autre page intéressante - bien que flirtant avec le sensationnalisme - ici : une liste des décès classés du plus au moins "hardcore"...