Il se tient actuellement à Nîmes une exposition, intitulée "Sous le regard de Neptune". Elle met en avant l'une des découvertes les plus importantes réalisée lors de fouilles archéologiques menées sur l'avenue Jean Jaurès : une statue à l'effigie du Dieu Neptune (logique...). Il s'agit en réalité d'une fontaine, mise au jour en même temps qu'un bassin. Cet ensemble reconstitué est présenté dans la Chapelle des Jésuites : la statue de Neptune restaurée se dresse au centre d'un moulage du bassin grandeur nature. Un film documentaire et des bornes multimédias montrent au visiteur quelles ont été les étapes de la restauration et comment on a mené les fouilles ; le dispositif permet aussi de découvrir le fonctionnement de la fontaine et la polychromie de la statue. Vous trouverez tous les renseignements en fin d'article mais, en attendant, cette exposition m'offre un bon prétexte pour aborder brièvement la figure de Neptune.
La statue découverte à Nîmes. |
Neptune, Dieu romain de la mer, tient à la fois du Nethuns étrusque et du Poséidon grec. Le premier lui a donné son nom et certains de ses attributs : Dieu des eaux douces et des puits, Nethuns est souvent symbolisé par un dauphin et on lui associe l'ancre, le trident et l'hippocampe. A l'origine, Neptune est d'ailleurs le Dieu des eaux courantes mais, vers la fin du IVème siècle avant J.C., il est assimilé au grec Poséidon et les Romains lui assignent les mêmes légendes.
Neptune, trident à la main. (Mosaïque, musée du Bardo, Tunisie - via www.theoi.com.) |
Poséidon est le fils de Cronos (Saturne pour les Romains) et de Rhéa, et donc le frère de Zeus (Jupiter). Leur paternel n'est pas un tendre : craignant d'être détrôné par un de ses enfants, il a pour habitude de les dévorer dès leur naissance. Poséidon subit le même sort que toute sa fratrie - à l'exception de Zeus, que sa mère parvient à sauver en lui substituant une pierre enveloppée dans des langes. Ayant grandi, le Dieu rescapé oblige le père indigne à régurgiter sa progéniture. Allié à ses frères et sœurs, et avec le concours des Géants et des Cyclopes, il combat Cronos et les Titans, qu'il finit par vaincre. Zeus prend alors la place de son père sur le trône, et le monde est divisé en trois royaumes : à Zeus-Jupiter échoit le ciel, Hadès-Pluton règne sur le monde souterrain de l'au-delà, tandis que Poséidon-Neptune reçoit la mer et les eaux. Neptune domine donc l'élément liquide, notamment en déchaînant tempêtes et monstres marins. C'est un Dieu violent et colérique, mais aussi bénéfique puisqu'il protège les ports et les navigateurs, qui lui adressent prières et sacrifices avant de hisser les voiles.
La légende veut que Neptune habite au fond des mers, près de l’île d'Eubée, et on le représente debout sur un char tiré par des chevaux marins et des tritons, un trident à la main. Au départ, Neptune semble moins important aux yeux des Romains que ne l'est Poséidon pour les Grecs. Pourtant, avec le développement du territoire dominé par Rome et l'établissement de la Pax Romana qui favorise les échanges commerciaux par voie maritime, Neptune acquiert une plus grande place au Panthéon romain. Les villes portuaires, comme par exemple Brindisi ou Tarente, frappent même monnaie à son effigie.
Monnaie à l'effigie de Neptune. (© Maria Daniels - Museum of Fine Arts, Boston.) |
Divinité archaïque puisque provenant de l'appropriation d'un Dieu étrusque, Neptune est vénéré dès les origines de Rome. Les premiers jeux institués par Romulus lui sont dédiés : il s'agit des Neptunalia, dont on sait peu de choses. On les célèbre le 23 Juillet et, à cette occasion, on construit des abris de feuillages, destinés à protéger du soleil.
De même, le premier temple dédié à Neptune date de l'époque archaïque : situé près du cirque flaminius, il datait peut-être de l'époque de la fondation de Rome. Un second temple est érigé vers 25 avant J.C. par Agrippa, général d'Octave et acteur majeur de la bataille d'Actium où fut vaincu Marc Antoine, précisément pour cour célébrer les victoires navales remportées par le futur Empereur. Cette basilique de Neptune, qui se dressait près du Panthéon, est détruite lors d'un incendie en 79 avant d'être restaurée sous le règne d'Hadrien.
Décor marin, vestige de la basilique de Neptune. |
La basilique était de section rectangulaire, flanquée de deux niches sur les largeurs et de deux absides semi-circulaires sur les longueurs, séparées par de petites alcôves. Le toit, formé de trois voûtes, était soutenu par quatre colonnes corinthiennes et sa façade ornée d'une frise illustrées de motifs marins. Après la période romaine, le bâtiment est laissé à l'abandon et son toit s'effondre au XIIIe siècle ; les décors sont alors repris par le Pape Nicolas V, qui en orne son palais du Vatican. Une partie des bas-reliefs est aujourd'hui visible aux musées du Vatican.
A priori, il y a peu de risques que le Neptune découvert à Nîmes soit récupéré par le Pape François... Plus vraisemblablement, il viendra enrichir les collections archéologiques de la ville et trouvera sans doute sa place au sein du futur musée de la Romanité. En attendant, il vous reste quelques semaines pour aller le découvrir à la Chapelle des Jésuites.
Ajout : Sylviane signale la prochaine diffusion d'une interview de Manuela Lambert, conservatrice du Musée, sur Radio Alliance Plus, dans l'émission "l'Air de rien". Rendez-vous sur le site de la radio, ici.
"Sous le regard de Neptune"
Chapelle des Jésuites.
17 Grand Rue
30000 Nîmes.
Tél. : 04 66 76 74 80.
Jusqu'au 9 Novembre 2014.
De 10 h à 18 h, tous les jours, sauf lundi.
Entrée : 5 €.