Il y a quelques semaines, je vous ai présenté le livre que Joël Schmidt a récemment consacré à Hadrien. Si j'ai trouvé cette biographie excellente, je n'ai pas caché avoir été un peu surprise de la brève évocation du favori de l'Empereur, Antinoüs, divinisé après sa mort. Bien sûr, cela paraît logique : il s'agit de la vie d'Hadrien, pas de celle de son amant ! Sans compter que les certitudes concernant sa brève existence sont maigres. Mais comme le personnage m'a toujours intriguée, un petit article s'imposait.
Je disais qu'il n'y avait que peu de certitudes absolues sur la vie d'Antinoüs. En réalité, elles tiennent en une phrase : Antinoüs, natif de Bithynie, était un proche de l'Empereur Hadrien, et il a été divinisé après s'être noyé dans le Nil en 130. Évidemment, c'est plutôt succinct. On se heurte en fait à deux problèmes majeurs : d'un côté, les textes les plus détaillés sont postérieurs à la vie d'Antinoüs et donc forcément suspects ; de l'autre, les sources contemporaines d'Hadrien mélangent allègrement données factuelles et légende, embellissant le mythe du beau jeune homme devenu Dieu. Faire la part des choses relève de la gageure, et l'étude du culte dont Antinoüs fait l'objet après sa mort est plus facile à aborder.
Antinoüs. (Copie d'un buste de la villa Hadriana - ©Jastraw via wikipedia.) |
VIE ET MORT D' ANTINOÜS : FLOU ARTISTIQUE.
Ce qui est certain, c'est qu'Antinoüs est natif de la ville de Claudiopolis, située dans la province romaine de Bithynie (actuel Nord-Ouest de la Turquie). Il y est né en Novembre, comme en attestent les sources antiques mentionnant les célébrations de son anniversaire, mais on ignore l'année exacte. En se basant sur les portraits réalisés après sa mort, on la situe approximativement entre 110 et 115. Ses origines sociales demeurent tout aussi obscures : on a avancé qu'Antinoüs était un esclave, mais ces allégations semblent peu fiables car elles n'apparaissent qu'à la Renaissance, et la déification d'un esclave, dans une société romaine conservatrice, est hautement improbable - même de la part d'Hadrien. Aujourd'hui, certains historiens pensent qu'Antinoüs était probablement issu d'un milieu modeste - paysans ou petits commerçants - et qu'il avait reçu une éducation sommaire, grâce à laquelle il avait acquis les bases de la lecture et de l'écriture.
Hadrien, qui a voyagé dans tout l'Empire au cours de son règne, s'est rendu à Claudiopolis à deux reprises - en 121 et en 123. Si Antinoüs a retenu son attention dès leur rencontre, nul ne peut dire si celle-ci a eu lieu lors de la première ou de la seconde visite impériale. Sont-ils immédiatement devenus amants ? Les avis divergent. Certains historiens l'affirment, les deux hommes ne se quittant plus dès lors. D'autres pensent en revanche qu'il est plus probable qu'Antinoüs ait d'abord été envoyé à Rome, afin de parfaire son éducation au sein du paedagogium impérial, pendant qu'Hadrien poursuivait sa tournée des Provinces. Pour les tenants de cette seconde version, l'Empereur rentre à Rome en Septembre 125, et c'est à cette époque qu'Antinoüs devient son favori, bien que sa présence ne soit mentionnée dans les textes officiels qu'en 130, année de sa mort.
Hadrien et Antinoüs. (©British Museum) |
Que la liaison entre les deux hommes ait débuté en Bithynie ou plus tard à Rome, Hadrien était en tous cas profondément attaché à Antinoüs. Il avait beau avoir épousé Sabine, la petite-nièce de son prédécesseur et père adoptif Trajan, le couple était loin d'être épanoui - sans doute entre autres en raison de la préférence d'Hadrien pour les hommes, rien ne laissant même supposer qu'il ait éprouvé un quelconque intérêt physique envers les représentantes du sexe opposé. On peut aussi ajouter qu'Hadrien était un passionné de culture et de civilisation grecques : il est possible que sa relation avec Antinoüs se soit apparentée à de la pédérastie. Toute abstraction faite des critères moraux propres à notre époque et à notre civilisation, cette pratique (qui faisait déjà débat à Rome) suppose dans la Grèce antique un lien pédagogique entre un homme mûr et un jeune garçon ayant atteint la puberté. Concrètement, l'adulte était chargé de faire de l'adolescent un homme, en l'initiant à la vie militaire, politique, culturelle, mais parfois aussi sexuelle. Il s'agissait donc d'un rite de passage et de transmission des valeurs, et une pratique courante et acceptée dans la culture hellénistique.
Mais plus que jamais, on en est réduit à des supputations : les informations quant à la nature exacte de la relation liant Antinoüs à Hadrien sont évidemment de seconde main, et les principaux intéressés n'ont pas souhaité communiquer... Encore que, Hadrien ayant rédigé une autobiographie, on peut supposer qu'il y parlait d'Antinoüs. Mais le texte ne nous est pas parvenu. Décidément, on n'est pas aidés ! Après la mort d'Antinoüs, le poète Pancrates d'Alexandrie rédige toutefois un épyllion sur le jeune homme, dont il nous reste des fragments et dans lequel il rapporte une anecdote totalement invraisemblable mais absolument charmante. La scène se passe dans le désert de Libye : Hadrien chasse avec Antinoüs lorsque celui-ci est attaqué par un lion. L'Empereur tue la bête d'un trait de javelot et le sang du fauve, coulant sur le sable, donne naissance à une fleur de lotus rouge. Ayant pris connaissance du poème, Hadrien en fut tellement charmé qu'il donna à la fleur le nom de son favori et récompensa le poète. Librement inspirée d'un incident réel ou fantasmée du début à la fin, cette légende est en tout cas révélatrice de la façon dont les contemporains d'Hadrien percevaient leur relation.
Hadrien et Antinoüs chassant le lion. (Tondo de l'arc de Constantin. ©W. Storage) |
Entre 127 et 130, Hadrien ne se sépare pas d'Antinoüs. Le jeune homme n'a apparemment jamais tenté de profiter de sa position pour exercer une influence sur les affaires publiques ou politiques, mais il prend part à des cérémonies religieuses aux côtés de son aîné. Il assiste par exemple en Avril 128, à Rome, à la pose par Hadrien de la première pierre du temple dédié aux Déesses Vénus et Rome. Plus tard cette même année, les deux hommes sont initiés ensemble aux mystères d'Eleusis. Car Antinoüs accompagne désormais Hadrien dans chacun de ses voyages : ils sont en Campanie en 127, en Afrique du Nord en 128, en Grèce et en Asie Mineure en 129. De là, ils partent pour l’Égypte.
C'est là qu'Antinoüs trouve la mort, le 30 Octobre 130 : il se noie dans le Nil, près de la ville de Besa. Les circonstances de son décès ne sont pas plus claires que le reste de sa vie. Peut-être un simple accident, comme l'évoque Hadrien ; ou alors un suicide, Antinoüs préférant se donner la mort plutôt que subir les outrages du temps ; ou bien un sacrifice religieux, consenti ou non, visant à prolonger l'existence d'Hadrien ; ou même encore un meurtre, perpetré par des personnages haut placés craignant que l'Empereur n'adopte son favori pour en faire son successeur. Bref, c'est une sorte de Cluedo antique - le colonel moutarde, sur le Nil, avec le chandelier...
"Il avait été son mignon et était mort en Égypte, soit pour être tombé dans le Nil, comme l'écrit Hadrien, soit pour avoir été immolé en sacrifice, comme c'est la vérité ; car Hadrien, ainsi que je l'ai dit, était très curieux, et il recourait à la divination et à des pratiques magiques de toute sorte." (Dion Cassius, "Histoire Romaine", 69.)
UN CULTE ÉPHÉMÈRE.
Le résultat étant de toute façon le même, Hadrien est dévasté par le chagrin et "pleure comme une femme" (nous dit l' "Histoire Auguste" - source peu crédible en général) son amant noyé-suicidé-assassiné-sacrifié. (Rayez les mentions inutiles) Son affliction ne connaît pas de limites, au point que tout de suite après son décès, il multiplie les hommages à son cher compagnon. Tout d'abord il ordonne que soit érigée, sur les lieux même de l'accident, la ville d'Antinoöpolis (aussi connue sous le nom d'Antínoé ou Antinoupolis.) Bâtie au bord du Nil, sur le modèle hellénistique, la cité est couverte de monuments, comblée d'honneurs et de privilèges comme par exemple un plan d'assistance alimentaire.
Ruines d'Antinoupolis. |
Mais Hadrien prend une décision encore plus inédite : il décrète l'apothéose d'Antinoüs, honneur réservé jusque-là aux membres de la famille impériale. Encourageant le culte que les Égyptiens commencent à vouer à son compagnon, il suit en cela l'exemple d'Alexandre le Grand, qui avait imposé l'héroïsation de son favori, le général Héphaestion, après sa mort. Antinoüs est donc divinisé : on bâtit des temples en son honneur, on créé des sacerdoces dédiés à son culte, et des oracles (dont l' "Histoire Auguste" prétend qu'ils sont rédigés par Hadrien lui-même...) sont délivrés en son nom.
Si le culte d'Antinoüs est célébré dans tout l'Empire, il se développe principalement dans les provinces orientales, dominées par la culture grecque. Sans doute son implantation a-t-elle été favorisée par la pratique courante de la déification des héros pendant la période hellénistique, ainsi que par les origines du jeune homme, mais aussi par la popularité d'Hadrien, qui avait toujours témoigné son attachement à la Grèce et à sa civilisation. En Égypte, la divinisation d'Antinoüs prend un aspect particulier, car les circonstances de sa mort provoquent une forte impression sur les fidèles, qui l'associent à Osiris (lui aussi noyé dans le Nil, selon la légende), et on lui attribue les mêmes dons de guérison. Plus généralement, le culte d'Antinoüs est assez fascinant par le syncrétisme qui le caractérise. Le jeune Dieu est lié ou assimilé à des divinités ou des héros locaux, propres à chaque endroit où son culte est attesté : il prend les attributs attachés à Hermès, Dionysos, Apollon, Sylvain, Vertumne, Héraclès, Osiris; Apis, ou bien d'autres encore.
Antinoüs - Osiris. (©Musée du Louvre.) |
Outre Antinoöpolis et Claudiopolis, Antinoüs est particulièrement célébré à Alexandrie, à Mantinée (à cause de l'analogie entre le nom Antinoüs et celui de la fondatrice mythique de la ville, Antinoé), en Arcadie et à Lanuvium, dans le Latium. Le 27 Novembre, on célèbre le Natalis Antinoi ("anniversaire d'Antinoüs"), dont le rituel est mal connu, bien qu'un texte égyptien mentionne que des rites équestres étaient inclus dans les festivités. Sont aussi institués en 131 les Antinoeia, grands concours musicaux et sportifs qui doivent se rapprocher des jeux panathénaïques. Les artistes et intellectuels ne sont d'ailleurs pas en reste et, à l'instar de Pancrates, d'autres poètes consacrent des vers à Antinoüs tandis que le philosophe Numenios d'Apamée écrit pour l'empereur une consolatio. Enfin, l'Empereur commémore aussi la mémoire de son favori en donnant son nom à une étoile, appartenant aujourd'hui à la constellation de l'Aigle.
"Il dédia aussi, par tout l'univers, des bustes ou plutôt des statues sacrées d'Antinoüs. Enfin, Adrien prétendit voir lui-même une étoile qui était celle d'Antinoüs, et il écoutait avec plaisir ses courtisans, qui lui disaient mensongèrement que cette étoile était née de l'âme d'Antinoüs, et qu'elle s'était montrée pour la première fois dans ce temps-là." (Dion Cassius, "Histoire Romaine", 69.)
Bien qu'il soit difficile de faire la distinction entre la flatterie et la piété, il semble bien qu'Antinoüs ait été sincèrement vénéré, du moins en Orient. Pourtant, son culte ne reste vivace que jusqu'à la mort d'Hadrien, en 138. Il décroît rapidement ensuite, l'obsession de l'Empereur transmise à toute une partie du monde romain s'éteignant en quelque sorte avec lui. On peut aussi avancer, avec un certain cynisme, qu'il n'était plus nécessaire d'adorer Antinoüs pour s'attirer les bonnes grâces de son amant... Quant aux premiers auteurs chrétiens, ils n'hésitent pas à fustiger le jeune homme, pseudo-Dieu aux pratiques déviantes ! Bien que bizarrement, certains voient en lui une figure christique, de part la nature sacrificielle de sa mort, il devient à partir du IVème siècle le symbole de la corruption païenne, des mœurs dépravées des Romains, et de l'irrationalité de leur religion.
"Ce qu'il dit aussi du jeune Antinoüs, le mignon de l'empereur Adrien, et des honneurs qu'on lui rend à Antinople, ville d'Égypte, soutenant que ceux que nous rendons à Jésus sont de même genre, n'est encore qu'un effet de sa passion, comme il est aisé à l'en convaincre; car cet efféminé, qui oublia même son sexe, qu'a-t-il de commun avec la conduite grave et honnête de notre Jésus, à qui ses ennemis, quoiqu'ils l'aient chargé de mille fausses accusations, n'ont jamais pu reprocher d'avoir eu la moindre tache d'intempérance?" (Origène, "Contre Celse", III.)
REPRÉSENTATIONS D'ANTINOÜS.
En dépit de sa courte existence et bien que le culte d'Antinoüs n'ait guère perduré, on ne peut qu'être surpris de voir la quantité de représentations du jeune homme qui sont parvenues jusqu'à nous. En considérant uniquement les sculptures, sont répertoriés à l'heure actuelle quelques 100 portraits d'Antinoüs. C'est plus que pour certains Empereurs ! A cet égard, la comparaison n'est pas innocente, puisque les portraits du jeune homme réunissent souvent des caractéristiques propres à l'imagerie impériale, comme les attributs divins que l'on observe sur la plupart des statues.
Antinoüs en Dionysos. (Musée Fitzwilliam de Cambridge.) |
C'est également le cas sur les pièces de monnaie. A partir de 133, des pièces à l'effigie d'Antinoüs ont été frappées dans différentes villes d'Orient - alors que ça n'a jamais été le cas dans la partie occidentale de l'Empire. La date apparaissant sur les monnaies émises en Égypte, on sait que les dernières pièces ont été émises l'année de la mort de l'empereur. Voilà qui relance le débat sur l'opportunisme du culte voué à Antinoüs, mais souligne aussi la frénésie d'hommages dédiés au jeune homme : en à peine 5 ans, 250 représentations différentes ont été frappées ! Bien sûr, Antinoüs est une exception en ce que seuls les membres de la famille impériale et les divinités apparaissent généralement sur les monnaies ; mais suite à son apothéose, cette entorse à la règle n'en est plus vraiment une...
Pièce montrant Antinoüs en Hermès. |
Pour en revenir aux portraits sculptés, ils permettent au moins de comprendre l'attirance éprouvée par Hadrien : ils donnent à voir un visage doux aux traits fins, de grands yeux surmontés de sourcils arqués, des lèvres pleines et sensuelles, une cascade de boucles épaisses descendant jusque dans la nuque. Et toujours cette expressivité qui se traduit le plus souvent par un air un peu mélancolique. La beauté incontestable de ces œuvres et le nombre qui ont été mises au jour explique que les artistes de la Renaissance (et bien d'autres après eux) aient été fascinés par le jeune homme, dont ils prirent le portrait pour un exemple de la sculpture antique classique. Le problème, c'est que c'était déjà le cas dans l'Antiquité ! Dès le IIème siècle, soit immédiatement après sa mort, des sculpteurs ont emprunté les traits - sans doute idéalisés - d'Antinoüs pour représenter d'autres Dieux ou d'autres jeunes gens, et l'identification des statues pose donc parfois problème.
"Je pense quelquefois, Harry, qu'il n'y a que deux ères de quelque importance dans l'histoire du monde. La première est l'apparition d'un nouveau moyen d'art, et la seconde l'avènement d'une nouvelle personnalité artistique. Ce que la découverte de la peinture fut pour les Vénitiens, la face d'Antinoüs pour l'art grec antique, Dorian Gray me le sera quelque jour. Ce n'est pas simplement parce que je le peins, que je le dessine ou que j'en prends des esquisses; j'ai fait tout cela d'abord. Il m'est beaucoup plus qu'un modèle. (...) Mais, d'une manière indécise et curieuse —je m'étonnerais que vous puissiez me comprendre — sa personne m'a suggéré une manière d'art entièrement nouvelle, un mode d'expression entièrement nouveau." (Oscar Wilde, "Le Portrait de Dorian Gray.", I.)
A LA RECHERCHE DU TOMBEAU D'ANTINOÜS.
Dernier mystère concernant Antinoüs : l'emplacement de son tombeau. L'information est en théorie facile à trouver, puisqu'elle est gravée sur l'obélisque Barberini, découverte à Rome au début du XVIe siècle. En théorie seulement, étant donné que le vestige est brisé en trois morceaux - et justement à l'endroit où est mentionné le lieu où repose Antinoüs ! Mais vous connaissez les historiens, rien ne les arrête ! Et nous voilà repartis pour une série d'hypothèses, de la plus crédible à la plus farfelue.
Si dans un premier temps, on a pensé qu'Antinoüs reposait à Antinoé, ville fondée sur les lieux de sa mort, l'hypothèse a vite été abandonnée. D'une part, parce que l'obélisque mentionnant le lieu de sa sépulture a été retrouvée à Rome, et d'autre part parce qu'il est peu vraisemblable qu'un Hadrien fou de chagrin ait abandonné le corps de l'amant adoré en terre étrangère. Parmi plusieurs hypothèses, on a envisagé le jardin d'Adonis au sein du palais impérial (en raison de l'analogie entre les deux éphèbes), la villa Hadriana où ont été mises au jour la plupart des statues du jeune homme, ou encore le Château Saint-Ange, où Hadrien fit élever son propre tombeau. Aucune preuve décisive n'ayant été avancé, le lieu de sépulture d'Antinoüs demeure, comme pratiquement tout le reste, une énigme...
ET SI ANTINOÜS N’ÉTAIT PAS L'AMANT D'HADRIEN ?
En fouillant dans de vieux papiers pour préparer cet article, j'ai retrouvé une vieille coupure de presse mettant en doute l'une des seules certitudes que je croyais avoir sur Antinoüs : il n'aurait pas été l'amant d'Hadrien ! C'est en tous cas la théorie défendue par cet entrefilet (dont je ne connais ni l'auteur, ni la source), qui remet en question la théorie généralement admise. Il s'appuie notamment sur le fait que la relation homosexuelle n'est évoquée que tardivement, sous les plumes du théologien Origène et de l’historien Dion Cassius (cités plus haut), qui en parlent comme d'une simple rumeur. L'article en déduit qu'en réalité, Hadrien prévoyait d'adopter Antinoüs et d'en faire son successeur - et il nous ressort donc l'hypothèse selon laquelle le jeune homme aurait été assassiné.
Antinoüs, en prêtre du culte impérial. (Musée du Louvre.) |
Cette théorie est rarement reprise, et elle ne me semble pas plus documentée que celle qui fait d'Hadrien et d'Antinoüs des amants passionnés. Au final, on peut tout supposer et tout imaginer - puisque nous ne saurons probablement jamais la vérité. Mais plus forte que l'Histoire, la légende s'est imposée, faisant d'Antinoüs une icône gay avant l'heure, puis au fil des siècles le protagoniste d'une belle histoire d'amour, dans laquelle l'homosexualité n'est plus qu'un détail. On songe, bien sûr, aux "Mémoires d'Hadrien" de Marguerite Yourcenar. Mais plus récemment encore, la relation entre l'Empereur et son favori a inspiré d'autres artistes, comme Hervé Cristiani (superbe chanson, "Antinoüs", à écouter sur Youtube) ou Hubert-Félix Thiéfaine ("Un automne à Tanger (Antinoüs nostalgia)"). A noter également que le talentueux Rufus Wainwright et la Canadian Opera Company préparent actuellement un opéra mettant en scène Hadrien et Antinoüs - première représentation prévue en 2018. Atrocement sentimentale, je trouve que c'est à la fois émouvant et réconfortant de voir qu'Hadrien, qui voulait faire d'Antinoüs un Dieu, est bel et bien parvenu à lui offrir l'immortalité. Que voulez-vous ? Il semble qu'un cœur de midinette batte sous mes nombreux tatouages...