mardi 17 avril 2012

Bonnes lectures : Kaeso le Prétorien.

Illustration : Studio Gothika.

                                        Dans un récent billet, j'avais évoqué le forum du livre péplum, organisé à Nîmes par l'association Carpe Feuch. J'en étais repartie les bras chargés de livres, et j'avais promis de vous en reparler. Plus largement, j'ai décidé de consacrer quelques articles de ce blog à mes lectures, et en particulier aux ouvrages de fiction. Non pas que je sois moins intéressée par les biographies ou autres études sur l'Antiquité, mais je cite généralement ces ouvrages au fil des sujets que j'aborde, et je risquerais donc de me répéter. Ceci dit, j'envisage de vous proposer, à plus ou moins brève échéance, une petite sélection des livres qui me paraissent les plus intéressants. Mais aujourd'hui, j'ai décidé de vous présenter les deux premiers tomes d'une série de romans historiques que j'ai découverte lors de ce fameux forum : les aventures de Kaeso le Prétorien, écrites par Cristina Rodriguez.

                                      Je connaissais déjà l'auteur pour avoir lu le remarquable "Le César Aux Pieds Nus", dans lequel Hélicon, esclave de Caligula, racontait la fin du règne de Tibère et les débuts de celui de son maître. J'avais adoré ce livre - et je m'explique donc d'autant moins pourquoi je ne me suis pas jetée sur les autres ouvrages de Cristina Rodriguez ! (Exception faite de "Les Mémoires De Caligula" : là, je sais que c'est parce que je ne parviens pas à mettre la main dessus !) C'est désormais chose faite, avec "Les Mystères de Pompéi" et "Meurtres Sur Le Palatin" - en attendant avec impatience de me procurer le troisième volet, "L’Aphrodite Profanée"...


 Commençons donc avec "Les Mystères de Pompéi". Logique : c'est le premier de la série ! Nous sommes en 31. Tibère, vieillard paranoïaque et dépressif, s'est retiré sur l'île de Capri. Kaeso, le héros de ce roman, est le fils d'une noble bibracte, ancienne esclave versée dans la médecine et la divination, et d'un garde prétorien décédé. Bien qu'il ait suivi les traces de son père, Kaeso a été déchu de son poste. Jeté en prison suite aux manigances de la clique du préfet du prétoire, l'odieux Séjan, (cf. l'article consacré au règne de Tibère pour plus d'informations sur ce sinistre individu...), il ne doit son salut qu'à son amitié avec Nerva, sénateur proche de Tibère. Muté à la tête de la police locale de Pompéi, Kaeso y débarque accompagné de sa mère et de Io, son fidèle léopard apprivoisé. Il y découvre une caserne décrépie, où somnole une garnison composée de feignasses indisciplinées, plus habituées à profiter du beau soleil de la Campanie qu'à faire régner l'ordre. Notre beau centurion compte bien y remédier, quand bien même on ne cesse de lui répéter que Pompéi est une petite ville bien tranquille. Quoique, tout est relatif : dès son arrivée, Kaeso croule littéralement sous les cadavres ! Meurtres, complot contre l'Empereur, fausse monnaie... A lui de démêler tous les fils, quand bien même ils le mèneraient à son puissant ennemi, Séjan. Pour cela, outre le concours de sa mère et le flair imparable de Io, il peut compter sur ses hommes, pathétiques mais pleins de bonne volonté, sur sa cousine , la chipie (mais néanmoins charmante) Concordia, et sur son ami Caligula, bien décidé à se mêler à l'enquête...

Second volume, "Meurtres sur le Palatin" voit Kaeso de retour à la tête de la garde prétorienne, à Rome. Décidément, le pauvre homme n'a pas de chance : il essuie une nouvelle averse de cadavres ! Cette fois, plusieurs personnes sont retrouvées assassinées, une pièce de monnaie dans la bouche. Le meurtrier, pris de remords, a -t-il pris soin de payer à Charon leur passage dans l'au-delà ? Ou s'agit-il d'un avertissement ? Et qu'ont donc en commun les victimes, un gladiateur et un sénateur ? Une nouvelle fois, Kaeso va devoir faire preuve d'autant de perspicacité que de prudence pour résoudre cette enquête, qui va l'entraîner dans le quartier chaud de Rome, le Suburre, dans les tripots et les lupanars. Heureusement que, outre ses hommes, il peut compter sur Hildr sa mère, Concordia et Caligula pour l'épauler - sans parler de l'inénarrable Io ! Redoutable quatuor auquel vient s'ajouter le bel éphèbe Apollonius, qui se prétend oracle d'Apollon. Mais est-il aussi innocent qu'il le prétend ?

                                        Au final, j'ai dévoré ces deux livres. Je dois avouer une légère préférence pour "Les mystères de Pompéi" : l'écriture à la première personne m'a davantage séduite, en particulier parce qu'elle permet au lecteur de plonger plus directement dans l'univers du roman - qu'il s'agisse du cadre spatio-temporel ou de l'esprit de Kaeso, ce qui permet de mieux cerner sa personnalité. Par ailleurs, le dénouement m'a vraiment bluffée ! Il est très bien amené, et absolument insoupçonnable : moi, en tous cas, je ne l'ai pas vu venir ! (Ce qui est assez rare. Généralement, je devine l’identité du tueur à la page 20...) C'est un peu moins vrai concernant "Meurtres Sur Le Palatin", à l'intrigue moins prenante et au dénouement plus attendu. Pour autant, les deux livres sont vraiment formidables : on y retrouve la même ambiance, le même style d'écriture fluide et bourré d'humour, la même érudition distillée avec l'élégance de ceux qui savent transmettre leurs connaissances avec simplicité et sans pédanterie, les mêmes éléments historiques parfaitement imbriqués dans le récit... Et surtout, les mêmes personnages : réels ou imaginaires, pas un n'est à jeter ! Émouvants, truculents, agaçants - parfois les trois à la fois ! - , ils ont tous une personnalité propre, mais subtile, loin des clichés, et la profondeur psychologique du moindre protagoniste lui confère une humanité que l'on ne retrouve que rarement dans les romans policiers historiques. Par ailleurs, l'auteur offre sur Caligula un regard dénué de tout préjugé, presque tendre, qui donne une toute nouvelle perception de cet homme si souvent caricaturé en grand malade mental. Ce n'est pas la moindre des qualités de ces livres. Bien que, très honnêtement, je confesse un léger faible pour Concordia, plus complexe qu'il n'y paraît, et bien évidemment pour le léopard, Io, dont je suis fan !
Concordia, exactement comme je l'imaginais ! (Illustration : studio Gothika)
                                        Quelques bémols, malgré tout. D'abord, plusieurs points demeurent, euh, mystérieux lorsqu'on referme "Les Mystères de Pompéi" - un comble ! Le lien entre Hélicon et la prêtresse d'Isis, par exemple, me perturbe beaucoup... Certains passages, ensuite, qui sont retranscrits mot pour mot d'un livre à l'autre. Et enfin, quelques maladresses stylistiques m'ont agacée, donnant parfois l'impression d'une écriture un peu bâclée. Peu importe, je persiste et signe : deux excellents romans, où les détails de la vie quotidienne dans l'Empire romain s'intègrent à la perfection dans des intrigues intelligentes et intéressantes. Je vous les recommande vivement, et j'attends avec impatience de poursuivre l'aventure avec "L’Aphrodite Profanée" !

Plus d'informations sur le site www.kaesolepretorien.com

"Les Mystères de Pompéi" de Cristina Rodriguez. Éditions Le Masque. 8e70
"Meurtres Sur Le Palatin", même auteur, même éditeur. 8e20
Et tant que j'y suis : "Le César Aux Pieds Nus", même auteur. Éditions Flammarion. 22e40

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