L'éruption du
Vésuve en 79 fut une tragédie : alors que l'on croyait le volcan éteint en dépit d'une série de secousses et de séismes dans les années précédant la catastrophe, la pression des gaz accumulés finit par provoquer une explosion, projetant à 32 km de haut une colonne de fumée, cendres, gaz, poussière et pierre ponce. Une fois la poussée épuisée, la colonne retomba à terre et, orientée par le vent, ensevelit sous ses nuées incandescentes les villes de
Pompéi, Herculanum et
Stabies, étouffant les habitants sous des gaz toxiques et détruisant monuments, habitations, magasins...
Paradoxalement, la colère du
Vésuve fut aussi une chance pour les archéologues, en particulier à
Pompéi. C'est en effet grâce à elle qu'ont été conservés intacts de nombreux éléments de la ville : les fresques, recouvertes de poussière volcanique, ont ainsi été protégées des outrages du temps, de même que des objets du quotidien (y compris les plus périssables, comme le pain) ou les habitants eux-mêmes, figés pour l'éternité dans la posture dans laquelle la mort les a trouvés... Le
Vésuve a donc anéanti
Pompéi et, dans le même temps, l'a rendue éternelle.
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Éruption du Vésuve. (Source : Bibleonline.) |
Ces vestiges, remarquablement conservés, sont une source d'information précieuse pour les historiens. Et parmi eux, les graffitis occupent une place de choix : en recouvrant les murs de
Pompéi, les cendres ont protégé près de 3000 inscriptions murales. Il en existe de toutes sortes : déclarations amoureuses, slogans publicitaires, invectives contre le voisin, plaisanteries ou allusions grivoises, et bien sûr propagande électorale.
Si certains de ces graffitis étaient l’œuvre de particuliers, la majeure partie était réalisée par des professionnels, les
scriptores, qui signaient leur travail.
S'ils pouvaient se charger des dédicaces amoureuses, des publicités ou des insultes, ils étaient surtout actifs durant les périodes électorales. Les inscriptions étaient en général simples et directes : elles exhortaient les électeurs à voter pour tel candidat au duumvirat ou à l'édilité et vantaient ses mérites ou, au contraire, fustigeaient son adversaire. Le premier, homme intègre et généreux, était paré de toutes les vertus tandis que le second, corrompu et malhonnête, frayait avec les escrocs et les voleurs...
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Inscription électorale en faveur de M. Casellium. (©Patricia Daussin Jacob.) |
Les
scriptores peignaient aussi les
edicta munerum edendorum, qui annonçaient les jeux. On y indiquait le nom de l'organisateur (
editor - l'Empereur ou un magistrat par exemple), le motif du spectacle (fête religieuse, inauguration d'un bâtiment public, etc.), le lieu et la date, le programme et le nombre de gladiateurs prévu, ou toute autre attraction digne d'intérêt. S'ajoutaient parfois des formules de salutation
(salutem ou
vale) ou des acclamations destinées aux gladiateurs et permettant de mettre en exergue les noms des vedettes. Si la majorité des annonces concernaient des jeux se tenant à
Pompéi, d'autres présentaient des spectacles prévus à
Pouzzoles, Cumes, Nola... Les amateurs de combats ne rechignaient donc pas à se déplacer pour assister à une manifestation. De même, la mention "
Pompeis" (
à Pompéi) figurant sur les annonces suggère que le même texte était peint sur les murs des villes voisines...
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"Ici on donnera une chasse le 5 des calendes de Septembre : Felix combattra contre des ours." (©Fer.filol via wikipedia.) |
Écrites en noir ou rouge, les inscriptions se faisaient en
capitalis quadrata (majuscules similaires aux lettres figurant sur les dédicaces de monuments par exemple) ou, le plus souvent, en
capitalis rustica - une forme de lettre plus proche de la cursive, plus légère et plus fine mais avec des empattements plus épais sur la ligne de base, ce qui la rendait plus facile à exécuter au pinceau.
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"Une chasse et 20 paires de gladiateurs appartenant à Marcus Tullius combattront à Pompéi la veille des nones de Novembre et le 7ème jour des ides de Novembre." |
Ces graffitis étaient réalisés à la demande des corporations, des commerçants ou même des particuliers, et le travail ne manquait donc pas. Il existait même des ateliers spécialisés, les
officina scriptoria.
Le
scriptor, chargé de calligraphier au mur la phrase commandée, était généralement secondé par des collaborateurs (les
sodalis) :
- le scalarius portait l'échelle permettant au scriptor d'atteindre le haut du mur ;
- le dealbator blanchissait au préalable la portion de mur avec de la chaux (effaçant aussi les précédentes inscriptions) ;
- le lanternarius éclairait l'endroit choisi avec une lanterne.
Car les
scriptores travaillaient le plus souvent de nuit... Et ils n'étaient pas toujours bien accueillis! Le risque était grand de recevoir sur la tête un tas d'immondices ou même le contenu d'un pot de chambre, furieusement déversé par le propriétaire de la maison ou boutique ainsi "taguée"! Bref, un boulot pas toujours très agréable et probablement frustrant puisque les graffiti étaient régulièrement recouverts de chaux, pour que l'un de vos collègues puisse à son tour remplir son office. Un
scriptor de
Pompéi, Aemilius Celer, rajoute d'ailleurs à l'inscription qui lui a été commandée une seconde phrase, à l'intention d'un rival : "
Va donc, gros jaloux, si tu sabotes mon travail, que la peste t’emporte !”.
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Un autre exemple de graffiti... (©Charles F. Cooper - "The Last Days Of Pompei.".) |
Se doutait-il que, vingt siècles plus tard, son graffiti serait encore lisible ? Certainement pas. Et surtout pas au moment où il comprit qu'il allait rendre l'âme, sous les cendres incandescentes et les fumées toxiques du
Vésuve déferlant sur
Pompéi... Une célébrité dont il se serait probablement bien passé !
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