jeudi 17 mai 2012

L'esclavage à Rome.

Fresque de Pompéi. En bas à gauche, un esclave aide un invité à se déchausser.


                                        La société romaine est divisée en classes sociales, fondées aussi bien sur la naissance que sur la fortune. Au sommet se trouve la noblesse, composée des chevaliers et des Sénateurs. Viennent ensuite la foule des citoyens nés libres, puis les affranchis et, à la base, les esclaves. Main d’œuvre invisible, multitude sans visage, les esclaves sont pourtant une composante essentielle de la vie économique romaine. C'est à eux que nous allons nous intéresser aujourd'hui.

Qui sont les esclaves ? 


                                        Concrètement, qui sont les esclaves ? Tout d'abord, les prisonniers de guerre (femmes et enfants principalement, les hommes étant généralement proprement zigouillés.). La politique de conquêtes menée par Rome permet de fournir de la main d’œuvre à moindre coût. Cet apport dépend de la situation extérieure et des guerres dans lesquelles Rome est engagée : relativement modeste jusqu'au IIème siècle avant J.C, il prend une importance considérable lorsque Rome entame son expansion en dehors de la péninsule italienne. Ainsi, en 168 avant J.C., Paul Émile vend 150 000 esclaves après la bataille de Pydna. (Troisième guerre de Macédoine.)     
                                        Seconde source : les étrangers rebelles. En 177 avant J.C., Tiberius Gracchus écrase une révolte en Sardaigne, et fait tant de prisonniers que les marchés romains sont submergés d'esclaves. A tel point que "sardi venales" (sardes à vendre) devient une expression courante pour désigner des produits abondants et bon marché - l'équivalent de notre "made in china", en quelque sorte !
                                        Parmi les esclaves, on trouve également des criminels, citoyens nés libres mais condamnés par la loi. Par exemple, celui qui ne payait pas ses dettes était sanctionné par la capitis deminutio maxima (la déchéance complète des droit civiques) et perdait donc son statut d'homme libre. Enfin bien sûr, on pouvait naître esclave, puisque la condition était héréditaire. C'est le cas de la majorité des esclaves, et en particulier sous le règne d'Auguste, marqué par la pax romana (paix romaine), qui tarit l'apport dû aux guerres.

                                        Les esclaves étaient vendus sur la place publique ou dans des boutiques spécialisées. Le marchand indiquait pour chaque "lot" ses origines, ses aptitudes, ses qualités. Les prix variaient évidemment considérablement, et les acheteurs se montraient méfiants : les vendeurs avaient en effet la réputation de tromper les clients sur la valeur de la marchandise. On pouvait également louer des esclaves auprès de commerçants spécialisés. (on peut considérer que les gladiateurs entrent dans cette catégorie : voir l'article sur la gladiature - lien.)

"Vente aux enchères d'esclaves" - Tableau de J.L. Gérome.

Conditions de vie des esclaves.


                                        Au début de l'Empire, on estime que les esclaves représentent 1/3 de la population totale, et on avance même le chiffre des 2/3 de la population de Rome à certaines périodes. Rendez-vous compte : c'est énorme ! Et ce n'est pas sans effrayer quelque peu les Romains : les Sénateurs avaient notamment envisagé d'imposer aux esclaves une tenue permettant de les différencier du reste des habitants, mais ils ont finalement renoncé en comprenant que cela ne ferait que mettre en lumière leur nombre... En tous cas, vous imaginez bien que les conditions de vie des esclaves ne sont pas homogènes : quoi de commun, en effet, entre un esclave trimant dans les mines, l'esclave d'un plébéien et un pédagogue chargé de l'éducation des enfants d'un Sénateur ? Encore faut-il prendre en compte la personnalité du maître, qui peut se montrer bon et juste ou, au contraire, d'une grande cruauté. De manière générale, les esclaves envoyés dans les mines ou travaillant sur les grandes propriétés agricoles connaissent une vie particulièrement rude, tandis que ceux employés au domicile de riches particuliers ont une existence correcte, parfois même plus agréable que celles des citoyens les plus pauvres.
                                        On distinguait deux catégories d'esclaves : les servi publici appartenant à l'état, et les servi privati, beaucoup plus nombreux, possessions des particuliers. Si les Romains les plus riches peuvent posséder plusieurs milliers d'esclaves, même le citoyen le plus pauvre en possède au moins un ou deux. L'ensemble des esclaves d'une maison constitue une familia, qualifiée de rustica ou urbana selon qu'elle vit à la campagne ou à la ville. Ainsi, un romain résidant en ville et jouissant d'une propriété à la campagne possédera-t-il une familia urbana, et une familia rustica.

A la campagne.


Mosaïque montrant deux esclaves au travail.
Si l'on excepte les esclaves envoyés dans les mines, véritables forçats mourant rapidement d'épuisement, ou ceux employés comme rameurs sur les galères et dont le sort ne vaut guère mieux, les esclaves travaillant à la campagne sont sans doute les moins bien lotis. Le maître n'est pas tenu de le rétribuer, la nourriture est rare et frugale, et le logement n'est, au mieux, guère plus qu'un réduit miteux, où ils peuvent même être enchaînés. La fuite est hasardeuse, et sévèrement punie. Le maître, cependant, va rarement jusqu'à faire tuer ses esclaves : il y perdrait de l'argent. Malades ou devenus trop âgés pour travailler, les esclaves sont chassés du domaine et condamnés à l'errance et la mendicité. Sur la propriété, ils effectuent tous les travaux nécessaires à l'exploitation d'un domaine agricole, mais fabriquent également les outils, tissent les étoffes, produisent le pain, etc. Les fermes vivent généralement en autarcie, subvenant à tous leurs besoins. La superficie des terres oblige le propriétaire à y employer une main d’œuvre abondante, et il ne connaît pas toujours tous ses esclaves : il n'exploite pas toujours directement son domaine, mais a recours aux service d'un intendant (villicus). Lui-même esclave, il doit rendre des comptes au maître et se montre souvent plus sévère encore vis-à-vis des autres esclaves.


En ville.


Esclave en cuisine - dessin de B. McManus.
Dans l'ensemble, le sort des esclaves en ville, et à Rome en premier lieu, est bien meilleur : ils sont mieux traités et leurs occupations sont souvent moins pénibles. Prenons le cas des esclaves d'un noble romain. Ils sont supervisés par un surveillant ou directement par la maîtresse de maison. S'ils remplissent évidemment les tâches liées à l'entretien de la domus (ménage, lessive, cuisine...), certains sont attachés plus particulièrement à la personne du maître ou de la maîtresse : ils les accompagnent aux thermes, sont chargés de les coiffer, raser Monsieur ou maquiller Madame, ou de les servir à table. En fonction de ses capacités intellectuelles, un esclave peut être affecté à l'administration de la maison (trésorerie, secrétariat, etc.). Pour peu qu'il ait une certaine éducation et soit originaire d'une région considérée comme civilisée (comme la Grèce), un esclave pourra connaître un sort enviable, s'occuper par exemple des enfants, les accompagnant ou prenant en charge leur instruction. D'autres, dotés d'un talent artistique (musiciens, danseurs, etc.) sont achetés pour distraire leurs propriétaires - tout comme ceux possédant des traits physiques ou mentaux particuliers, comme les nains, les idiots, etc. Bien sûr, il n'en est pas de même dans les maisons plus modestes, mais comme je l'ai dit, même un simple citoyen possède au moins un ou deux esclaves.

Des esclaves œuvrant à la coiffure de leur maîtresse.

Au service de l’État.

                                        Les servi publici, quant à eux, sont la propriété de l’État. Ils sont affectés aux tâches dévolues aux services municipaux, à Rome comme dans les villes de province. Ils effectuent les travaux de voirie, l'entretien du service des eaux, des bâtiments publics, servent en tant que pompiers ou, parfois, sont employés aux tâches administratives. Ils sont à rapprocher des esclaves impériaux, appartenant non pas à l’État mais à la famille impériale.


Les esclaves et le droit.


                                        Employé par un particulier ou appartenant à l’État, un esclave a une existence légale mais aucun droit civil : il est considéré comme une chose (res) ou un outil (un outil doté de la parole, nous dit Varron dans son "De Re Rustica") Ainsi, il n'a pas de nom, mais se voit attribué un surnom en rapport à ses origines ou ses caractéristiques physiques, par exemple. (voir l'article sur l'onomastique : lien). Cependant, le statut des esclaves change au fil du temps, et leur condition évolue considérablement. Malgré tout, ça n'en fait pas une sinécure ! Les femmes subissent fréquemment des abus sexuels. Il peut néanmoins arriver qu'une esclave soit affranchie et épouse son ancien maître. En ce qui concerne le mariage entre esclaves, il n'a aucune valeur légale, et les conjoints peuvent être séparés, comme lors d'une vente. L'union peut néanmoins être acceptée par le maître, et elle porte alors le nom de contubernium (cohabitation), mais les enfants, déclarés illégitimes, seront les esclaves du maître.

L'esclave rebelle - statue de Michelange.

                                        Dans la sphère privée, les châtiments sont administrés de façon arbitraire. Néanmoins, sous l'Empire, il devient interdit de tuer ou de se débarrasser d'un esclave malade. De même, des lois sévères sont votées pour punir les abus physiques comme la castration. Antonin Le Pieux promulgue une loi imposant à un maître maltraitant un esclave de le vendre, et il autorise même les poursuites en cas d'assassinat, avec des peines identiques à celles encourues pour le meurtre d'un homme libre - on progresse ! Il n'empêche que certains maîtres n'hésitent pas à économiser sur les vêtements et la nourriture de leurs esclaves. Néanmoins, dans l'ensemble, il semble que les esclaves aient été bien traités. On cite souvent l'exemple de Julie, fille d'Auguste, qui aurait violemment frappé sa coiffeuse (ornatrix) parce que celle-ci lui avait tiré les cheveux. Certes, mais la mise en exergue de cet incident par les auteurs antiques irait plutôt dans mon sens : pourquoi insister si l'évènement n'était pas exceptionnel ? Au contraire, de nombreux témoignages tendent à prouver que les esclaves étaient souvent considérés comme faisant partie intégrante de la famille, qu'ils étaient soignés (certains nobles allaient jusqu'à offrir des cures en Égypte à leurs esclaves malades), aimés (la relation entre Cicéron et son secrétaire, Tiron, est à ce titre remarquable), pleurés après leur mort (des sépultures en attestent). En retour, les esclaves se montraient attachés à de tels maîtres. 
                                        Dans la sphère publique, un esclave ayant commis un délit comparaît devant les tribunaux ordinaires, et les sanctions sont lourdes. (le fouet par exemple). En cas de condamnation à mort, il subit le supplice infamant de la croix. Si un esclave assassine son maître, tous les esclaves de la maisonnée sont considérés comme coupables et condamnés à mort.

Médaillon d'esclave romain.

Conclusion.

 
                                        En Occident, l'esclavage disparaît progressivement, pour laisser la place au servage - c'est pas la joie mais c'est déjà une amélioration ! Si Rome, comme la plupart des civilisations antiques, est une société esclavagiste, il est à noter qu'elle ne fait pas de cet état une situation irrévocable. Ainsi, un esclave peut échapper à son sort, soit en rachetant sa liberté s'il a fait suffisamment d'économies (grâce au peculium), soit s'il est affranchi. Et ça tombe bien, puisque c'est justement le thème que j'aborderai prochainement ! (Tu parles d'une coïncidence...)

11 commentaires:

Anonyme a dit…

Merci beaucoup, je pense que ça va bien m'aider pour mon expo en latin. Nan sérieusement s'est bien rédigé très intéressant et humoristique a certains moment.
Bonne chance pour la suite.

FL a dit…

Merci à vous pour le comm' ! Tant mieux si ça vous aide, et bon courage pour votre exposé :-)

Anonyme a dit…

Haha je crois qu'on est tous là pour un exposé en latin. En tous cas, ce site est vraiment utile, merci beaucoup !!

FL a dit…

Il faut vraiment que je remercie l’éducation nationale, qui m'envoie indirectement un grand nombre de lecteurs... Toujours contente de pouvoir aider - en souvenir des exposés pour lesquels j'ai moi-même galéré ;-) Bon courage !

Gwégwé ;) a dit…

Mrc, ça va m'aider pour mon latin ! Bien rédigé, c'est exactement les infos qui me manquait ;)

FL a dit…

Vous ne pouvez pas savoir comme je suis contente quand je vois que je n'écris pas seulement pour moi, mais que mon blog sert aussi à quelque chose ! :-) Merci beaucoup pour le commentaire, et bonne chance pour ce devoir.

Anonyme a dit…

Merci beaucoup pour les infos ;).Cela m'aura bien servi pour mon exposé :)

FL a dit…

Merci pour le commentaire :-) Comme d'hab, vraiment contente de pouvoir aider. Vive les profs, sans qui ce blog serait nettement moins consulté !!

cla12.twirl a dit…

ce blog est vraiment bien fait !! il est très bien pour mes exos, je ne trouvait rien sur les autres sites !! franchement, si j'ai un expo a faire sur les esclaves a Rome, je reviendrai sur ce site..
Merci

Anonyme a dit…

Merci ça m'aidera moi aussi pour un exposé en latin! Je suis content que ce blog existe car sans lui je serai passé un peu plus de temps sur internet en essayant de trouver une réponse... Merci encore.

FL a dit…

Encore une fois, je suis contente si le site peut vous aider :-) Et n'hésitez pas à me dire si vous avez été notés - je sais, je suis curieuse !