mercredi 27 février 2013

La Révolte de Boudicca, Reine des Icènes.

                                        Nous savons, grâce au proverbe, que Rome ne s'est pas faite en un jour. Elle ne s'est pas faite non plus sans affrontement, sans guerre et sans révolte, et l'Empire a été confronté à de nombreux ennemis. Certains noms sont connus de tous, à l'instar d'Hannibal ou d'Attila, quand d'autres sont plus confidentiels. Bien évidemment, je suis généralement du côté des Romains, mais il arrive que les choses ne soient pas aussi simples... De tous ceux qui se sont dressés contre la puissance romaine, il est un personnage pour lequel j'ai une tendresse particulière et, disons-le clairement, une profonde admiration : il s'agit de Boudicca, la Reine des Icènes. Cette femme a fait trembler les légions romaines, a mis la Bretagne à feu et à sang, incendiant Londinium (Londres) et massacrant ses ennemis, et a entraîné tout un peuple derrière elle. Chef de guerre mais avant tout épouse, mère et femme bafouée, en quête de vengeance, elle est sans nul doute l'une des figures les plus impressionnantes de l'Histoire romaine.


Boadicée Haranguant Les Bretons. (Tableau de John Opie.)

                                        Avant d'entrer dans le vif du sujet, signalons que cette héroïne est connue sous plusieurs noms. On la rencontre par exemple sous celui de Voadicia, Bunduca, ou encore Boadicée - cette dernière appellation ayant été popularisée au XVIIIème siècle par le poète William Cowper. Cependant, c'est bien celui de Boudicca (ou Boudica) qu'emploie Tacite, et qui est le plus communément employé. Selon les linguistes, il dériverait du proto-celtique "Boudika", signifiant "Victorieuse". Ces précisions apportées, voyons maintenant qui était Boudicca.

                                        Malheureusement, nous ne disposons que de peu d'informations concernant son existence - du moins avant que n'éclate la révolte. Boudicca serait née en Bretagne celtique vers l'an 25, et Tacite et Dion Cassius (nos sources principales) s'accordent sur le fait qu'elle était d'ascendance royale. Il n'est donc guère étonnant qu'elle épouse Prasutagus, futur Roi de la tribu des Icènes. On ignore si Boudicca elle-même était Icène, mais certains avancent que Prasutagus était son cousin, et qu'elle avait reçu une formation druidique. Ce qui est certain, c'est que le couple a deux filles, probablement nées vers 43, juste après la conquête romaine. Dion Cassius dresse de Boudicca, au plus fort de la révolte, le portrait suivant :
"Sa taille était grande, sa figure farouche, son regard perçant; elle avait la voix rude; elle laissait tomber jusqu'au bas du dos son épaisse chevelure d'un blond prononcé , et portait un grand collier d'or; sur son sein était serrée une tunique de diverses couleurs, et par dessus s'attachait avec une agrafe une épaisse chlamyde." (Dion Cassius, "Histoire Romaine", LXII - 2.)



                                       Un mot sur les Icènes, avant de poursuivre. Ce peuple celtique occupait une portion de l'East Anglia, (Norfolk et Suffolk) au sud-est de la Grande-Bretagne. Principalement constituée de paysans et d'artisans, la tribu était relativement isolée, entre la mer d'un côté et les forêts de l'autre. Les femmes jouissaient d'une situation enviable : elles possédaient par exemple leurs propres terres, étaient libres de choisir leur conjoint et pouvaient demander le divorce. Par ailleurs, elles occupaient souvent des postes de premier plan dans la société, y compris dans la classe dirigeante. La situation géographique du territoire avait permis aux Icènes de rester en retrait lors de la conquête de l'île par l'Empereur Claude, en 43. Cependant, l'implantation de multiples colonies romaines en Bretagne rendait cette position délicate, et leur chef décida de faire allégeance à Rome, devenant un Roi-client. C'est à ce prix que les Icènes, certes soumis à l'Empire, étaient parvenus à préserver une liberté et une autonomie relatives.

Une petite carte, histoire de ne pas vous perdre en route... ( www.paperblog.fr )

                                        Le compromis fonctionne un temps, jusqu'à la nomination d'un nouveau gouverneur, Publius Ostorius Scapula, en 47. Celui-ci doit faire face aux multiples rebellions d'autres peuples celtes et, se défiant des tribus pourtant soumises, il ordonne de les désarmer. Cette fois, les Icènes se révoltent, mais ils sont vaincus par Ostorius. C'est à ce moment que Prasutagus devient Roi - soit que son prédécesseur Antedios ait été tué dans les combats, soit qu'il ait été évincé par les Romains. Boudicca devient donc Reine des Icènes.


                                       Malgré cet accord, la paix est loin de régner : Ostorius confisque des terres Icènes afin d'y implanter une nouvelle colonie (Camulodunum - Colchester), chassant les Celtes qui y sont installés, réduisant en esclavage ou exécutant les opposants. A la mort d'Ostorius, Didius Gallus le remplace, avant de céder à son tour la place à Caius Suetonius Paulinus, en 58. Entre temps, Néron a succédé à Claude. Aucun de ces changements n'est de nature à pacifier les relations entre Celtes et Romains : entre autres sujets de discorde, les chefs bretons se voient contraints de financer l'édification d'un temple dédié au Divin Claude, à Camulodonum, et les romains exigent le remboursement de fortes sommes, prêtées au tribus. Parmi les créanciers, on trouve en bonne place Sénèque - le philosophe et précepteur du nouvel Empereur - et parmi les débiteurs, Antedios - le prédécesseur de Prasutagus, à qui revient donc l'obligation de payer. Si l'on en croit Dion Cassius, Sénèque aurait envoyé ses agents jusqu'en Bretagne, afin d'exiger le restitution du prêt, plus les intérêts - y compris en usant de la force si nécessaire. De quoi tendre encore un peu plus l'ambiance.

Massacre des druides sur l'île de Mona.

Pour couronner le tout, le nouveau gouverneur a lancé une attaque d'une grande violence au Pays de Galles contre l'île de Mona, important sanctuaire druidique : le site est incendié et les druides, suspectés de fomenter les révoltes et soulever les autochtones, sont massacrés. Le fait est d'importance car Suetonius et son armée, préoccupés par les combats au nord-ouest, ne prendront pas immédiatement la mesure de la révolte que va déclencher Boudicca...

                                       C'est à peu près à cette période que meurt Prasutagus. Afin que son peuple n'ait pas à souffrir des exactions romaines, il a décidé de léguer son royaume conjointement à ses deux filles et à Néron, espérant sans doute que sa famille entrerait ainsi dans les bonnes grâces de l'Empereur. Ce testament a ceci d'étrange qu'il n'est légal ni au regard du droit romain, ni en vertu des coutumes celtes : dans le premier cas, l'héritage royal ne peut se transmettre à des filles et la mort d'un roi-client entraîne automatiquement la transmission de ses biens et territoires à l'Empereur ; dans le second, le chef est désigné par la tribu elle-même, et n'a aucun droit de transmettre le royaume en héritage. Ce qu'il faut sans doute interpréter comme une tentative désespérée de préserver les Icènes est donc voué à l'échec. De fait, les romains n'en tiennent absolument pas compte, et annexent le royaume comme ils le feraient d'un territoire conquis. Lorsque Boudicca tente de protester, le châtiment est terrible : une partie de la cour est réduite en esclavage, Boudicca est flagellée en place publique, et ses deux filles âgées d'environ 12 ans, sont violées et torturées sous ses yeux. 

Boudicca et ses filles.
                                       Et c'est là que Boudicca suscite toute mon admiration : loin de s'effondrer, terrassée par l'humiliation, la douleur, l'horreur de ce qu'elle vient de vivre, cette femme se relève, enflammée par son désir de vengeance et sa haine face à l'envahisseur romain et, soutenue par les Icènes qui voient en elle leur chef légitime, décide de se battre pour laver son honneur et de mettre un terme aux exactions des ennemis. D'autres tribus, lasses du joug romain, se joignent à elle avec enthousiasme : malgré l'interdiction romaine, les Celtes ont stockés des armes et 100 000 hommes sont maintenant prêts à en découdre.

                                       En 60 ou 61, Boudicca conduit l'armée des rebelles jusqu'aux portes de Camulodunum. Partout autour et a l'intérieur de la colonie, les présages funestes se multiplient :
"Dans ces conjonctures, une statue de la Victoire, érigée à Camulodunum, tomba sans cause apparente et se trouva tournée en arrière, comme si elle fuyait devant l'ennemi. Des femmes agitées d'une fureur prophétique annonçaient une ruine prochaine. Le bruit de voix étrangères entendu dans la salle du conseil, le théâtre retentissant de hurlements plaintifs, l'image d'une ville renversée vue dans les flots de la Tamise, l'Océan couleur de sang, et des simulacres de cadavres humains abandonnés par le reflux, tous ces prodiges que l'on racontait remplissaient les vétérans de terreur et les Bretons d'espérance. " (Tacite, "Annales", XIV - 32.)
Autant d'encouragements pour les Celtes, et de motifs d'inquiétude pour des Romains que l'on sait tellement superstitieux. Les colons demandent des renforts, mais le procureur, Catus Decianus, sous-estime la menace : la ville n'est pas protégée, aucune fortification n'a été érigée, et il n'envoie pourtant que 200 auxiliaires pour mater la révolte. Camulodunum, mal défendue, tombe rapidement : elle est livrée à la furie des assaillants qui massacrent tous les Romains qu'ils croisent. La garnison se réfugie dans le fameux Temple de Claude, qui est détruit au bout de deux jours de siège ; la ville est entièrement brulée. Un détachement de la Legio IX Hispania tente bien d'intervenir : avant même d'atteindre Camulodunum, elle tombe dans une embuscade et se fait décimer - seul le commandant et quelques cavaliers en réchappent. Pas question de s'arrêter en si bon chemin : Boudicca prend la direction de Londinium (Londres). Bien que récente puisque bâtie vers 43, la ville n'en est pas moins une plateforme commerciale importante, peuplée de commerçants, de riches marchands et de voyageurs.  

Londinium ravagée par les Celtes.

                                       En apprenant l’ampleur prise par la révolte, Suetonius se décide enfin à réagir, et se précipite à son tour vers Londinium. Mais il comprend vite qu'il ne pourra pas assurer sa défense : il manque d'effectif, et comme à Camulodunum, on a négligé de fortifier la cité. En dépit des lamentations et des supplications de ses habitants, il se résigne à sacrifier la ville, dans l'espoir de sauver la province. Suetonius ordonne l'évacuation de la ville, qui est abandonnée à Boudicca et à ses hommes. A son tour, Londinium est incendiée, et tous ceux qui n'ont pas fui sont tués. Verlulamium (St. Albans), municipe romain, connaît le même sort. Entre 70 000 et 80 000 personnes auraient trouvé le mort au cours de ces trois batailles, et Dion Cassius ne se prive pas de décrire la cruauté et la barbarie des Celtes
"Mais leur action la plus affreuse , la plus inhumaine , fut de pendre nues les femmes de la plus haute naissance et de la plus grande distinction, de leur couper les mamelles et de les leur coudre sur la bouche , afin de les leur voir manger; après quoi, ils les empalèrent. Ces horreurs se commettaient au milieu de leurs sacrifices, de leurs festins et de leurs orgies, dans leurs temples et principalement dans le bois consacré à Adrastée : c'était le nom qu'ils donnaient à la Victoire , et ils lui rendaient un culte tout particulier." (Dion Cassius, Ibid.)
A se demander si le culte païen ne l'horrifie pas encore davantage que le sort réservé à ces nobles dames...  De quoi terrifier le lecteur, et stigmatiser par la même occasion les tribus barbares, véritables bêtes sauvages et cruelles, face à des romains civilisés - y compris dans les tueries.

                                       Pendant que Boudicca éradique allègrement Londinium de la carte, Suetonius rassemble ses hommes et regroupe une armée composée de la Legio XIV Gemina, d'une partie de la Legio XX Valeria Vitrix et de tous les auxiliaires disponibles. Il aurait bien aimé leur adjoindre la Legio II Augusta, stationnée à Isca Dumnoniorum (Exeter), mais étrangement, son commandant fait la sourde oreille, et la demande reste lettre morte. L'homme - un dénommé Poenius Postumus - semble s'être montré fort peu enthousiaste à l'idée de traverser le territoire des Dumnonii, alliés de Boudicca, pour aller se frotter à cette virago déchaînée ! Nonobstant cette défection inattendue, Suetonius est à la tête de près de 10 000 hommes.

Statue de Boudicca, Londres. (Œuvre de T. Thornycroft.)

                                       On ignore où a lieu précisément l'affrontement final. La plupart des historiens penchent pour l'emplacement de Watling Street dans le West Midlands, quand d'autres suggèrent un site dans le Leicestershire,  le Warwickshire, l'Essex ou le Northamptonshire... Bref, on n'est pas plus avancés ! Une chose est cependant certaine : les Romains sont en nette infériorité numérique, puisque Boudicca entraîne derrière elle environ 230 000 guerriers - soit 20 fois plus que de légionnaires ! Pour autant, la situation n'est pas aussi désespérée qu'il y parait. D'abord, les Celtes sont principalement munis d'armes rudimentaires et de lances, tandis que les Romains possèdent des glaives, plus propices au corps-à-corps. Ensuite, ils n'ont pas reçu la formation des soldats romains, rompus au combat et soumis à une stricte discipline. Enfin, Boudica semble avoir eu des difficultés à contenir ses troupes et à maintenir l'ordre, après la victoire et le pillage de St. Albans. Toutes ces raisons permettent à Suetonius d'être raisonnablement optimiste.

Boudicca s'adresse à ses hommes avant la bataille.

                                       Mais les Bretons ne doutent pas davantage de leur victoire, au point qu'ils ont installé leurs femmes dans des charriots, près du champ de bataille, afin qu'elles puissent assister à leur triomphe. Boudicca, quant à elle, se tient face à ses troupes, debout sur son char avec ses filles à ses côtés. Se présentant non comme une reine, mais comme une femme avide de vengeance, elle harangue ses hommes, proclamant :
 "que, tout accoutumés qu'étaient les Bretons à marcher à l'ennemi conduits par leurs reines, elle ne venait pas, fière de ses nobles aïeux, réclamer son royaume et ses richesses; elle venait, comme une simple femme, venger sa liberté ravie, son corps déchiré de verges, l'honneur de ses filles indignement flétri. La convoitise romaine, des biens, était passée aux corps, et ni la vieillesse ni l'enfance n'échappaient à ses souillures. Mais les dieux secondaient enfin une juste vengeance: une légion, qui avait osé combattre, était tombée tout entière; le reste des ennemis se tenait caché dans son camp, ou ne songeait qu'à la fuite. Ils ne soutiendraient pas le bruit même et le cri de guerre, encore moins le choc et les coups d'une si grande armée. Qu'on réfléchît avec elle au nombre des combattants et aux causes de la guerre, on verrait qu'il fallait vaincre en ce lieu ou bien y périr. Femme, c'était là sa résolution: les hommes pouvaient choisir la vie et l'esclavage." (Tacite, Ibid.)

                                       La bataille s'engage, digne d'une BD d'Astérix - "on en vint aux mains, les barbares avec de grands cris et des chants de menace ; les Romains en silence et en bon ordre" (Dion Cassius) - et comme prévu, elle tourne à l'avantage des Romains : après avoir lancé les javelots, l'infanterie lance une attaque frontale, soutenue par les cavaliers armés de lances. Les glaives font un carnage en combat rapproché, tandis que les Celtes sont incapables de riposter avec leurs longues épées. Pire : ceux qui tentent de fuir sont piégés par les charrettes où les attendent leurs épouses, et qui leur font maintenant barrage ! Les hommes, les femmes, jusqu'aux bêtes de somme : tous sont transpercés, massacrés, exterminés, et des masses de cadavres s'entassent dans la plaine. Tacite avance les chiffres de 80 000 morts côté Celte, contre 400 côté Romain...

"La Reine Boudicca emmenant les Bretons contre les Romains."

                                        Refusant l'humiliation d'une capture et de l'exhibition qui ne manquerait pas de suivre, lors d'un triomphe à Rome, Boudicca se serait suicidée en ingérant du poison - c'est du moins ce que rapporte Tacite. Mais Dion Cassius prétend qu'elle se serait échappée, et qu'elle serait morte de maladie peu après... Dommage collatéral du conflit, Poenius Postumus (le commandant qui s'était défilé avant la bataille), déshonoré par sa lâcheté, se suicide également, en se transperçant de son épée.


                                       Si sa mort et la défaite sonnent le glas de la révolte emmenée par Boudicca, l'île de Bretagne ne retrouve pas pour autant la paix, loin s'en faut. On estime que 7 000 soldats romains auraient été tués au cours des combats, auxquels il convient d'ajouter les civils de Camulodunum, Londinium et Verulamium - au nombre de 70 000, si l'on en croit Tacite. Le chiffre a de quoi traumatiser les Romains (Suétone rapporte même que la crise avait presque persuadé Néron d'abandonner la Bretagne !), mais également encourager les Bretons, qui préparent déjà la riposte. Cette fois, Suetonius ne lambine pas, et il compte bien écraser définitivement le moindre embryon de sédition celte ! Il ravage les territoires des tribus qu'il soupçonne d'organiser la contre-offensive : les nouvelles tueries s'accompagnent de gigantesques incendies, les Romains brûlant systématiquement les terres - ce qui provoque un début de famine !

                                       Il est largement temps que quelqu'un remette de l'ordre dans cette boucherie générale : ce sera le procurateur Julius Classicianus, remplaçant de Decianus Catus - celui qui n'avait pas su protéger Camulodunum. Or, ce Classicianus vient de Gaule, et il est d'origine celte - ce qui ne compte pas pour rien, à l'heure de calmer des Bretons exaspérés par les mesures de rétorsion prises par Suetonius. Classicianus choisit la voie de la diplomatie : il se montre compréhensif, et explique aux autochtones que le prochain gouverneur sera certainement plus clément, et qu'il saura se montrer indulgent envers ceux qui se rendront et déposeront les armes... Dans le même temps, il informe Rome que les hostilités ne prendront fin que lorsque cette brute épaisse de Suétonius sera relevée. La suggestion ne tombe pas dans l'oreille d'un sourd, et l'affranchi envoyé par Néron afin d'enquêter sur place soutient le rapport de Classicianus : Suetonius est rappelé, et remplacé par Petronius Turpilianus, un modéré qui met fin aux expéditions punitives et adopte une politique de conciliation qui ramène enfin la paix en Bretagne.

Détail d'un vitrail représentant Boudicca.

                                        Alors, à quoi aura servi la révolte de Boudicca ? On peut considérer que l'entreprise fut un échec flagrant, qui plongea la Bretagne dans une période de chaos, pour un résultat somme toute négligeable ; ou au contraire, avancer que grâce à la Reine Icène, les Bretons ont finalement obtenu la paix, la justice, et un gouvernement plus juste et plus conciliant. Et peut-être le plus précieux : le respect et l'honneur.



Boodikka, des Green Lantern Corps.
Reste qu'aujourd'hui, le nom de Boudicca n'est guère connu du grand public - du moins, de ce côté-ci de la Manche. C'est moins le cas chez nos voisins britanniques - où elle fait souvent figure d'héroïne de la résistance bretonne face à l'occupant romain. Redécouverte à travers les œuvres de Tacite et Dion Cassius, à la Renaissance, la figure de Boudicca a depuis été illustrée dans toute une série de romans (chez Pauline Gedge, Rosemary Sutcliff, Ron Aberdeen ou, en Français, "Le Passeur de Ténèbres" de P.C. Cast. Voir aussi "Le Trésor de Boudicca" d'Anne de Leseleuc.), de films ("Boadicea" en 1928 et, plus récemment, "Warrior Queen" en 2003 avec Alex Kingston dans le rôle de la Reine), dans la musique classique ("Bonduca" de Henry Purcell) ou contemporaine (Enya lui a consacré une magnifique chanson, "Boadicea", et les Libertines la citent dans "The Good Old Days".) On la retrouve aussi dans la série TV "Xéna La Guerrière", et l'un des membres des Green Lantern Corps de DC Comics lui doit même son nom ! Énumération non exhaustive, mais tout de même étonnamment brève, tant on aurait pu s'attendre à ce qu'une telle personnalité enflamme l'imagination et déchaîne les artistes... Heureusement qu'on peut compter sur les internautes, prompts à célébrer notre héroïne : un coup d'œil au site www.deviantart.com , par exemple, devrait suffire à vous en convaincre.


Boadicée, par Dashinvaine. ( http://dashinvaine.deviantart.com )

samedi 23 février 2013

Podcasts : The History Of Rome.


                                        Le jeu de mots est facile, mais tant pis : nous autres, passionnés d'histoire romaine, nous sommes légions. Je m'en rends compte grâce au formidable outil de statistiques de Blogger, qui m'informe quotidiennement du nombre de consultations. Au passage, cela fait maintenant un an, quasiment jour pour jour, que je tiens ce blog, et je vous remercie sincèrement de prendre le temps de me lire - que vous soyez un habitué ou juste un visiteur occasionnel. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, je ne m'étais pas forcément lancée dans l'aventure pour être lue, mais je ne vous cacherai pas que cela me fait extrêmement plaisir de savoir que mes articles intéressent d'autres internautes ! Surtout, je suis toujours enchantée d'avoir des retours, dans les commentaires ou par courriels. Moyen d'expression, ce blog est aussi un fantastique vecteur de rencontres virtuelles, et me permet d'échanger avec d'autres forcenés de l'antiquité romaine.

                                        Ces échanges, toujours intéressants, sont bien souvent fructueux. J'ai par exemple été contactée récemment par Hervé, qui tenait à me signaler l'existence d'un autre blog, "The History Of Rome". Suivant ses conseils, je me suis donc précipitée sur le lien qu'il m'avait envoyé. Si je répercute aujourd'hui l'information, c'est parce que le site en question le mérite amplement.

                                        Alors, qu'est-ce que "The History Of Rome" ? Un blog de podcasts gratuits consacrés à, euh, l'Histoire de Rome - ce qui dénote déjà un certain bon sens de la part de l'auteur. Mais attention : on ne parle pas seulement des épisodes les plus célèbres ou de quelques anecdotes éparses, mais bien de TOUTE l'Histoire de Rome, du débarquement d’Énée en Italie jusqu'au renversement de Romulus Augustule. Pour retracer chronologiquement toute cette longue période, il ne faut pas moins de 179 podcasts, dont la durée varie entre 10 et 30 minutes.



                                        Pendant 5 ans, Mike Duncan a donc posté chaque semaine un court module, invitant ses auditeurs à découvrir les péripéties qui ont jalonné l'Histoire de Rome, depuis la fondation de la ville jusqu'à la fin de l'Empire romain d'Occident. Il tente ainsi, par un travail de longue haleine, de comprendre les raisons de la puissance de l'Empire, de son déclin et finalement de sa chute, par le biais des épisodes successifs qui ont marqué son évolution et en livrant le portrait des peuples le constituant. 

                                        Je ne connais de Mike Duncan que les informations qu'il a bien voulu communiquer sur son blog. Il a donc étudié les sciences politiques et la philosophie, et s'est intéressé à l'antiquité romaine en autodidacte passionné. La bibliographie proposée sur son blog a tout de même de quoi impressionner... Pour autant que je puisse en juger, tout ce qu'il raconte est absolument exact. Et lorsqu'il lui arrive de se tromper, il apporte très vite la rectification. Citant les sources auxquelles il se réfère, il présente également le point de vue des historiens modernes - et expose parfois son avis personnel, sans pour autant prendre parti. Son traitement des faits est donc juste et objectif, ce qui ne l'empêche pas de faire preuve d'un sens de l'humour bien dosé, quoi qu'avec un certain goût pour le sarcasme et l'ironie.

"Arrivée d’Énée en Italie." (Tableau de Claude Lorrain)

                                        La qualité sonore, moyenne dans les premiers épisodes, s'améliore au fil des podcasts. Sans fioriture, ces enregistrements sont simples et directs. Le ton équanime de Duncan, qui semble parfois réciter ou lire son texte, manque un peu de naturel, mais sa diction claire et sans inflexion théâtrale et un récit factuel sans envolée lyrique donnent à l'ensemble une atmosphère agréable, qui tient plus de la discussion au coin du feu que du cours magistral. Il en résulte une écoute extrêmement plaisante, rafraîchissante, et on se laisse vite happer dans les méandres de l'Histoire romaine, qui se révèle incroyablement passionnante. Riches en détails, ces podcasts relatent non seulement les batailles, grands évènements, complots politiques, etc., mais ils rapportent aussi de nombreuses anecdotes et des détails sur la vie quotidienne.

                                        Il m'a fallu une petite semaine pour écouter l'intégralité des épisodes, et en tant que forcenée de l'antiquité romaine, je suis littéralement enchantée. Nul doute que les étudiants ou les fanas dans mon genre se régaleront, et trouveront là de précieux renseignements. Mais même si vous ne vous intéressez que vaguement au sujet, vous y trouverez certainement votre compte. A condition, bien sûr, de vous débrouiller un minimum en Anglais ! La langue est toutefois très accessible.

Déposition de Romulus Augustule. (©Thehistorychannel.co.uk)

                                        Une seule critique, mais elle est de taille : au terme de ces 179 podcasts, Mike Duncan a mis le point final à son œuvre... Évidemment, ce n'est pas vraiment de sa faute si l'Empire Romain est tombé sous les coups des Barbares, mais des podcasts comme ça, je pourrais en écouter 179 autres ! Comme il l'a lui-même souligné dans le dernier épisode, Duncan aurait pu poursuivre jusqu'en 1453 et s'arrêter avec la chute de Constantinople, mais puisque l'Empire romain a bel et bien pris fin lorsque le dernier des empereurs occidentaux a été chassé, il a préféré s'en dispenser... Dont acte.

                                        A noter enfin : Mike Duncan organise aujourd'hui des visites de Rome, toujours sous le prisme de l'Histoire antique. Nul doute que l'homme a largement de quoi proposer à son auditoire une découverte de la ville éternelle originale, érudite et aussi prenante que ses podcasts le laissent supposer. Quant à moi, je poursuis mon petit bonhomme de chemin, sous une forme différente - et je reprends en quelque sorte le flambeau...

                                        En attendant, un immense merci à Hervé, qui m'a fait découvrir ce site remarquable. J'en profite pour pour vous signaler l'adresse de son blog : http://www.hellasbutnotleast.com/ Vous pourrez y admirer de superbes photos de la Grèce : paysages urbains, villages, littoraux, musées, ruines antiques, etc. Et n'hésitez pas, vous aussi, à me faire part des liens, sites, blogs, livres, films, etc. que vous jugez dignes d'intérêt. Je me ferai un plaisir de répercuter l'info et vous savez que, dès qu'il s'agit de Rome, je suis toujours d'attaque !


Lien vers le blog : http://thehistoryofrome.typepad.com/
Lien vers les podcasts sur ITunes : https://itunes.apple.com/fr/podcast/the-history-of-rome/id261654474?mt=2
Lien vers le "History Of Rome Tour" : http://www.historyofrometour.com/index.html
Lien vers le site d'Hervé :  http://www.hellasbutnotleast.com/

mercredi 20 février 2013

Les Horaces et Les Curiaces.


                                        Pour qui souhaite remonter aux origines de Rome, il n'est pas toujours évident de séparer l'Histoire de la légende. Ainsi, la chronique des premiers temps de la cité, alors gouvernée par des Rois, se rapproche-t-elle souvent d'une mythologie dont on retrouve parfois des échos dans d'autres cultures. Songeons simplement à Remus et Romulus, couple gémellaire né dans des circonstances surnaturelles, qui plus est étroitement lié à un animal sauvage : autant de critères fréquemment cités, ensembles ou séparément, dans d'autres mythes indo-européens. En vrac et pour frimer un peu : Castor et Pollux, la reine babylonienne Semiramis, le Mongol Gengis-Khan, le mésopotamien Sargon d'Akkad, ou Houang-Ti en Chine (alias l'Empereur Jaune). La liste n'est, bien sûr, pas exhaustive. Si elles répondent à d'autres mythes, ces légendes n'en ont pas moins inspiré la postérité : c'est le cas de l'épisode sur lequel je vais revenir aujourd'hui, le combat des Horaces contre les Curiaces.


Le Serment des Horaces. (Tableau de Jacques-Louis David.)


Comme pour nombre de ceux qui émaillent l'Histoire des origines de Rome, on ignore si cet épisode renvoie à des faits réels ou s'il ne s'agit que d'une légende - la vérité, très probablement, se situant quelque part entre les deux hypothèses. On le retrouve chez de nombreux artistes : sur le plan pictural (je pense bien sûr au célèbre tableau de Jacques-Louis David, ci-dessus), littéraire (la tragédie de Pierre Corneille, ou celle de Bertold Brecht), musical (les opéras de Cimarosa et Mercadante), ou même cinématographique (le film de Fernando Baldi et Terence Young, ci-contre.) Il faut dire que ce combat présente tous les ingrédients d'une bonne histoire... Plus : y sont mis en avant le courage, le sens de l'honneur et l'amour de la patrie - trois vertus auxquelles les Romains étaient particulièrement attachés. En cela, l'épisode des Horaces est incontournable dans l'Histoire de Rome, et illustre le fondement de ces valeurs. Il est largement temps, je crois, de vous raconter l'histoire...

                                        Je vous ai déjà parlé de la fondation de Rome et, au cours de cet article, j'ai évidemment évoqué Albe-La-Longue, éternelle rivale de la cité de Romulus. Mais si, souvenez-vous : Albe avait été fondée par Ascagne, le fils d’Énée. Un de ses descendants, Numitor, est renversé par son frère Amulius, qui contraint sa nièce Rhéa Silva à devenir Vestale afin que, forcée de rester vierge, elle ne puisse pas donner naissance à d'éventuels rivaux. Mais séduite par le Dieu Mars, Rhéa Silva accouche de jumeaux - Remus et Romulus. Abandonnés aux eaux du Tibre, recueillis par une louve, les garçons survivent et reviennent se venger : ils tuent Amulius et rétablissent leur grand-père sur le trône, avant de s'en aller fonder Rome. Pour plus de détails sur cet épisode légendaire, c'est par ici.

                                        Albe a donc le privilège de l'antériorité. Cependant, on aurait pu croire que les liens étroits tissés entre les deux villes, ainsi que leur histoire commune, auraient contribué à les rapprocher, voire à assurer la paix ou, du moins, une sorte de neutralité. Il n'en est rien :  ces deux puissances entrent en rivalité, se faisant mutuellement de l'ombre. Nous sommes alors à l'époque de Tullius Hostilius, le troisième Roi de Rome (673 - 641 avant J.C.), et la tension est à son comble : des pillages ont déjà ravagé les villes, et la guerre est sur le point d'éclater. Aux portes de Rome, les armées albaines et romaines se font face, prêtes à en finir. Mais le Roi d'Albe, Mettius Fufetius, propose une alternative, non seulement pour épargner des vies, mais surtout pour éviter de mettre les deux cités rivales à la merci des Étrusques, en embuscade, et qui verraient d'un bon œil leurs ennemis s'entretuer.


La Bataille Entre Les Horaces et Les Curiaces. (Fresque de Cavalier d'Arpino.)

                                        Le hasard a voulu que chacune des armées compte dans son contingent des triplés, du même âge et de force égale : les Horaces chez les Romains, les Curiaces chez les Albains. Emballez, c'est pesé ! Les deux fratries vont s'affronter au nom de leur patrie respective, et l'issue du combat décidera de celle de la guerre, les vaincus acceptant de se soumettre aux vainqueurs. Le pacte scellé, la bataille peut commencer.

Enluminure de Valerius Maximus. (Source www.histoire-fr.com )
Les six hommes s'élancent, dans un choc frontal d'une incroyable violence. Le bruit des armes résonne, au milieu des soldats, spectateurs disposés de part et d'autre du champ de bataille. L'affrontement, brutal, laisse sur le carreau deux des Horaces, raides morts, tandis que les trois Curiaces ne sont que blessés. Les Romains sont désespérés, et les Albains crient déjà victoire - d'autant plus que le troisième Horace (Publius Horatius) prend ses jambes à son cou ! Les Curiaces se lancent alors à sa poursuite, se rapprochant autant que le leur permettent leurs blessures respectives.

Mais soudain, le dernier guerrier romain fait volte-face : conscient que, à trois contre un, il n'avait aucune chance de s'en tirer, Horace a feinté, faisant mine de s'enfuir afin d'isoler ses adversaires. Il tue le Curiace le plus proche, puis le second lorsque celui-ci se porte au secours de son frère. Arrive enfin le troisième larron, épuisé par sa course autant que par ses blessures ; Horace lui plonge, à son tour, son épée à travers le corps en s'écriant : "J'ai immolé les deux premiers aux mânes de mes frères, j'abats maintenant le troisième pour que Rome prévale sur Albe-La-Longue !". Exit les Curiaces !
"Il était déjà à une certaine distance du champ de bataille, quand il tourna la tête et vit ses poursuivants très espacés. Le premier n'était pas loin : d'un bond, il revint sur lui : Horace avait déjà tué son adversaire et vainqueur, marchait vers le second combat. Poussant des acclamations, les Romains encouragent leur champion : lui, sans donner au dernier Curiace, qui n'était pourtant pas loin, le temps d'arriver, il tue l'autre. Maintenant la lutte était égale, survivant contre survivant ; mais ils n'avaient ni le même moral, ni la même force. L'un, deux fois vainqueur, marchait fièrement à son troisième combat ; l'autre s'y traînait, épuisé. Ce ne fut pas un combat : c'est à peine si l'Albain pouvait porter ses armes ; il lui plonge son épée dans la gorge, l'abat, et le dépouille." (Tite-Live, "Histoire Romaine", I-25.)
Horace Tuant Sa Sœur Camille. (Toile de Anne-Louis Girodet.)

                                        Horace regagne Rome, triomphant, chargé des dépouilles des Albains. La ville est en liesse, célébrant son champion - à l'exception de sa sœur Camille. Fiancée à l'un des Curiaces, elle a reconnu sur les épaules de son frère le manteau qu'elle avait tissée pour son cher et tendre et, en larmes, elle s'arrache les cheveux et déchire sa tunique, insultant violemment celui qui n'est plus, pour elle, qu'un assassin. (Corneille compliquera encore cet imbroglio en rajoutant Sabine, sœur des Curiaces, fiancée à l'un des Horaces.)

                                        Furieux, Horace ne supporte pas que Camille pleure davantage un étranger que ses propres frères, morts pour sa patrie : retournant son arme contre elle, il la frappe de son épée et la tue. 
" Horace chargé de son triple trophée, marchait à la tête des Romains. Sa sœur, qui était fiancée à l'un des Curiaces se trouve sur son passage près de la porte Capène ; elle a reconnu sur les épaules de son frère la cotte d'armes de son amant, qu'elle-même avait tissée de ses mains : alors s'arrachant les cheveux, elle redemande son fiancé et l'appelle d'une voix étouffée par les sanglots. Indigné de voir les larmes d'une sœur insulter son triomphe et troubler la joie de Rome, Horace tire son épée, et en perce la jeune fille en l'accablant d'imprécations : " Va, lui dit-il, avec ton fol amour, rejoindre ton
fiancé, toi qui oublies et tes frères morts, et celui qui te reste, et ta patrie. Périsse ainsi toute Romaine qui osera pleurer la mort d'un ennemi. " " (Tite-Live, "Histoire Romaine", I-26.)
Horace Tue Sa Sœur Camille. (Autre version, de Francesco de Mura.)

                                        Tout victorieux qu'il soit, Horace vient tout de même de zigouiller sa sœur ! Reconnaissez que ça fait mauvais genre... Tullius Hostilius, bien embarrassé, nomme donc deux duumvirs (pléonasme, je sais !), et les charge de juger l'affaire : ceux-ci condamnent l'accusé à être battu à mort. Mais Horace fait appel du jugement et un nouveau procès a lieu, cette fois devant l'Assemblée du Peuple. C'est alors que son père intervient, prenant la défense de son fils :

"Tout le monde était ému, surtout entendant le vieil Horace s'écrier que la mort de sa fille était juste; qu'autrement il aurait lui-même, en vertu de l'autorité paternelle, sévi tout le premier contre son fils, et il suppliait les Romains, qui l'avaient vu la veille père d'une si belle famille, de ne pas le priver de tous ses enfants. Puis, embrassant son fils et montrant au peuple les dépouilles des Curiaces, suspendues au lieu nommé encore aujourd'hui le Pilier d'Horace : "Romains, dit-il, celui que tout à l'heure vous voyiez avec admiration marcher au milieu de vous, triomphant et paré d'illustres
dépouilles, le verrez-vous lié à un infâme poteau, battu de verges et supplicié ? Les Albains eux-mêmes ne pourraient soutenir cet horrible spectacle !" Les citoyens, vaincus et par les larmes du père, et par l'intrépidité du fils, également insensible à tous les périls, prononcèrent l'absolution du coupable, et cette grâce leur fut arrachée plutôt par l'admiration qu'inspirait son courage, que par la bonté de sa cause." (Ibid.)

                                        Notre Horace est donc acquitté mais, pour la forme, son père est contraint de payer une amende, et on procède à plusieurs sacrifices et rituels expiatoires afin d'apaiser les Dieux. On élève également deux autels sur le forum : le premier consacré à Junon, le second à Janus Curiatus, gardien des portes. Enfin, pour parachever en beauté ce bel ensemble d'actes de contrition, le vieil Horace place en travers de la route une poutre, sous laquelle il fait passer son fils, la tête voilée : cette cérémonie a pour but de reproduire celle au cours de laquelle les soldats vaincus passaient sous le joug, en signe de soumission.

                                        Et les Albains, dans tout ça ?! C'est vrai qu'on les avait presque oubliés ! Et bien, c'en est fini d'Albe-La-Longue : la ville est rasée, et ses habitants déportés à Rome, où ils s'installent sur la colline de Caelius.

                                        Je l'ai dit : la postérité a célébré ces valeureux combattants à travers de nombreuses œuvres. Malheureusement, l'honnêteté m'oblige ici à confesser que, tout au long de la rédaction de cet article, je n'ai pu m'empêcher de repenser à la réflexion d'une personne de mon entourage qui, à chaque fois que l'anecdote était évoquée, ricanait bêtement en s'écriant : "Les Voraces et les Coriaces !!!" Jeu de mots dont je vous laisse libres de juger de la subtilité... Grandeur et décadence des mythes antiques !


Le Serment des Horaces (par Xionchan123.)

dimanche 17 février 2013

Bonnes Lectures : Commentaires de Livres, avec www.bibliopoche.com

                                        Ce blog traite de l'antiquité romaine, mais je pense pourtant qu'il en dit également beaucoup sur moi. Non pas que je m'y expose et que j'y raconte ma vie (un peu quand même...) mais, ne serait-ce qu'à travers le choix des sujets, je suppose que j'y dévoile un peu de moi-même. Je ne suis aucune chronologie, aucune logique thématique, seulement mes envies et, fatalement, il doit bien y avoir un peu de mon inconscient caché derrière tout ça. Et puis, je glisse parfois quelques informations personnelles : sur mon attirance pour Marc-Antoine, mon ambiguïté vis-à-vis de Cicéron, mon amour inconditionnel pour Tibère,  le nombre de mes tatouages, mes goûts musicaux, mon addiction aux séries TV... Et bien, en voici une autre : je suis une boulimique de lecture. A un niveau que d'aucuns qualifieraient sans doute de pathologique. Je fais vivre à moi toute seule les principales librairies de Nîmes, les vendeurs de Goyard vont bientôt m'appeler par mon prénom, j'écume les foires aux livres, je peux me diriger dans les rayons de la médiathèque les yeux fermés, mon appartement ressemble à l’entrepôt d'Amazon (logiquement, je devrais mourir sous l'éboulement d'une de mes bibliothèques...), et la question "Quel livre emporteriez-vous sur une île déserte ?" me plonge dans un abîme de tourments inexprimables. Si c'est une maladie, elle est incurable. J'ai essayé : j'ai failli faire une dépression. Donc, je laisse libre court à mon addiction, et je me réapprovisionne régulièrement chez des dealers patentés.

                                        Parmi eux, le site www.livrenpoche.com figure en bonne place : site de vente en ligne de livres d'occasion, il me permet d'assouvir mon vice sans hypothéquer la baraque. De plus, j'ai eu l'occasion de participer, pendant plusieurs années, à l'association lancée par les dirigeants de ce site - www.bibliopoche.com - pour lequel je chroniquais les livres de mon choix. L'association a malheureusement été dissoute. Toutefois, le site reste actif et je vous recommande vivement d'aller le visiter : vous y trouverez une base de données fournie, comportant toute sorte d'ouvrages, avec les avis des lecteurs, les informations de l'éditeur, et le lien afférent pour pouvoir commander sur www.livrenpoche.com Je précise que je n'ai aucun intérêt financier, mais j'insiste car, vraiment, le site vaut le détour : les envois sont rapides, l'équipe hyper compétente et sympathique, et les prix imbattables. Je crois que ça mérite bien un peu de promo, non ?

                                        En tous cas, au cours des années où j'ai eu l'occasion de rédiger des commentaires pour l'association, j'ai bien souvent choisi de me pencher sur des livres en lien avec... Rome, bien sûr ! (Je sais, mon cas est désespéré...) Les gens de livrenpoche m'ont gentiment permis de reproduire ici les textes que je leur avais envoyés. J'avais envisagé de les réécrire pour le blog mais, finalement, je n'y ai rien changé : ces chroniques correspondent à ce que j'ai ressenti à la lecture des livres en question, raison pour laquelle elles me semblent se suffire à elles-mêmes. Classées par ordre alphabétique, elles sont à chaque fois suivies du lien renvoyant à la page correspondante sur le site de bibliopoche... Vous avez donc de quoi piocher quelques idées de lecture. Quant à moi, je continuerais à donner mon avis sur les romans, essais, biographies, etc. que j'aurais l'occasion de lire - mon blog servira aussi à cela.

"L'AFFAIRE CAIUS" de Henry Winterfeld.

Dans la Rome du Ier siècle, l'école Xanthos accueille une poignée d'enfants de notables. Un jour, une dispute éclate entre Caius et Rufus, ce dernier ayant écrit "Caius est un âne" sur une tablette. L'inoffensive plaisanterie prend pourtant une tournure dramatique : le lendemain, le maître est agressé, et une inscription identique a été tracée, apparemment de la main de Rufus, sur le temple de Minerve. C'est un sacrilège, et le coupable encourt une condamnation à mort. Les écoliers sont vite persuadés de l'innocence de leur camarade, et décident de mener l'enquête pour le disculper. Mais l'instigateur du complot semble être un personnage haut placé, et il va falloir se montrer prudent.

Ce roman historique s'adresse aux jeunes lecteurs, invités à suivre des héros de leur âge dans la Rome impériale. Les personnages sont tous très attachants : chacun possède une personnalité bien définie (le peureux, le bagarreur, l'intello, le maître bougon...), sans pour autant se résumer à des stéréotypes. L'intrigue, ingénieuse et haletante, tient remarquablement la route, et la société romaine y est dépeinte avec simplicité et finesse - les deux aspects s'entremêlant avec fluidité, dans un récit vivant et sans temps mort. La richesse du vocabulaire et l'élégance de l'écriture achèvent de faire de ce livre un roman agréable, tant pour les enfants que pour les adultes.

Je n'avais jamais lu ce roman, dont on m'avait pourtant souvent parlé. Le ridicule ne tuant pas, je suis retombée en enfance... et j'en suis enchantée ! Ni le style d'écriture, ni l'intrigue ne déparerait dans un roman pour adultes : l'enquête m'a tenue en haleine bien plus que de nombreux polars, et elle s'insère naturellement dans une Rome antique très bien décrite. J'ai tout de suite apprécié les personnages, et surtout le maître d'école qui, d'abord un peu revêche, s'avère finalement un allié sympathique et indispensable à nos jeunes héros, courageux mais trop immatures pour mener leur enquête à bien tous seuls. Loin de concerner uniquement les plus jeunes, ce roman trouvera aussi son public parmi les adultes. On pourrait en déduire que j'ai 11 ans d'âge mental, mais peu importe : j'ai tout simplement adoré ce livre, que je n'ai pas lâché !  

http://www.bibliopoche.com/livre/L-affaire-Caius/39705.html

"BEN-HUR" de Lewis Wallace.
 

Sous le règne de l'empereur Tibère, le Romain Messala revient à Jérusalem, où il retrouve son ami d'enfance Juda, descendant de la noble lignée des Hur. Hélas, l'amitié laisse la place au ressentiment : Messala, arrogant et convaincu de la supériorité de sa race, a bien changé. Lorsque Ben-Hur manque de tuer accidentellement le procurateur, Messala s'acharne : dépouillé de ses biens, arraché à sa famille, Ben-Hur est condamné aux galères. Des années après, il sauve la vie d'un riche romain, qui l'adopte et fait de lui son héritier. De retour en Judée, il est obsédé par l'idée de retrouver sa mère et sa sœur, et veut se venger de Messala. Pendant ce temps, le fils d'un charpentier arpente la Judée : accomplissant des miracles, il se dit fils de Dieu et entraîne derrière lui des fidèles de plus en plus nombreux...


 
Le roman s'ouvre par la naissance du Christ et se referme sur sa crucifixion. Si l'histoire est connue grâce à sa fidèle adaptation au cinéma, le livre, bien que centré sur Ben-Hur, dresse un parallèle entre
Jésus et le héros, dont on suit les aventures autant que le cheminement spirituel - les premières symbolisant le second. Dans un style simple et agréable, l'auteur nous entraîne dans une histoire haletante et émouvante, tout en exposant clairement la situation du peuple juif dans l'Empire romain, et l'action est contrebalancée par les introspections de Ben-Hur et ses hésitations amoureuses. Reste un parti pris pro-chrétien revendiqué, et des personnages fortement manichéens, à l'instar de Messala. De l'aventure, de la romance, de la spiritualité...

J'ai beaucoup aimé ce roman, qui lie tous ces genres avec brio. L'aspect chrétien de l'oeuvre, plus marqué que je ne l'aurais cru, m'a surprise, mais j'ai été touchée par la sincérité derrière les mots, par ce que l'auteur, de toute évidence, y a mis de sa propre expérience. Au point que, finalement, les passages sur le Christ m'ont davantage intéressée ! Malgré quelques travers (personnages caricaturaux, omniprésence du thème de la dualité - par exemple entre les deux femmes qui font battre le cœur de Ben-Hur ou entre Ben-Hur lui-même et le Christ), c'est une œuvre remarquable, qui ne décevra pas ceux qui ont aimé le film du même nom.

http://www.bibliopoche.com/livre/Ben-Hur/9589.html

"CAVE CANEM" de Danila Comastri Montanari.

Rome, 1er siècle après J.C. Le Sénateur Publius Aurelius est issu d'une riche famille patricienne. Epicurien convaincu, s'il collectionne les conquêtes féminines, il est également un fin lettré, perspicace et curieux, avec une propension à s'attacher à la résolution d'affaires mystérieuses... Au cours d'un voyage, il fait une halte dans la Villa des Plautii et apprend que l'aîné de la famille a été retrouvé noyé dans un vivier de murènes. Très vite, le Sénateur comprend qu'il s'agit d'un meurtre et qu'on l'a poussé. Mais entre sa veuve qui ne semble pas touchée par ce décès et la fille de celle-ci, son frère devenu seul héritier, la première épouse de son père et le fils de cette dernière, les suspects ne manquent pas. Publius Aurelius a fort à faire pour démasquer l'assassin...

Il s'agit d'un roman policier de facture assez classique. Cependant, l'intrigue est bien menée, ses nombreux rebondissements tiennent le lecteur en haleine, et le style est agréable, sans être extraordinaire. L'originalité du roman tient évidemment au cadre spatio-temporel : l'Empire romain sous le règne de Claude. L'auteur maîtrise son sujet et présente des aspects de la société et de la vie quotidienne de façon très précise, sans exposé rébarbatif. Au contraire, elle procède par petites touches, intégrant ces éléments à la narration avec naturel et fluidité. Qu'il s'agisse des rapports familiaux, du statut des esclaves ou plus simplement du maquillage ou des habitudes alimentaires de l'époque, tout cela confère au récit une atmosphère unique.

M'intéressant à l'Empire romain et appréciant les romans policiers, j'ai été enchantée par cet ouvrage qui mêle habilement les deux. L'intrigue est assez prenante, mais c'est surtout l'atmosphère que dégage ce livre que je retiendrai. Je me suis véritablement sentie transportée dans l'Empire du 1er siècle, au sein d'une famille romaine et des rapports complexes qui la régissent. Plus encore, tous les détails sur le quotidien m'ont ravie : j'ai appris énormément de choses, sans jamais m'ennuyer. Quant aux personnages, si je ne me suis pas vraiment attachée à eux, je les ai trouvés très crédibles et j'ai rapidement été happée par le récit. C'est pour moi un excellent roman, et je compte bien lire les autres ouvrages de la série !

http://www.bibliopoche.com/livre/Cave-canem/181237.html

"CLÉOPÂTRE" de Oscar de Wertheimer. 

Cléopâtre : que n'a-t-on écrit sur le reine d’Égypte ? Descendante des Lagides, qui n'ont rien à envier aux Atrides, en guerre contre son frère et mari Ptolémée XIII, elle s'en remet à César, vainqueur de Pompée dans la guerre civile romaine. Séduisant l'Imperator, elle remonte sur le trône, lui donne un fils et l'accompagne à Rome. Obligée de regagner l’Égypte après la conjuration des Ides de Mars, Cléopâtre assiste aux premiers temps de la fragile alliance entre Octave et Antoine. C'est à ce dernier qu'elle lie son sort : ils deviennent amants et nourrissent ensemble le rêve d'un royaume oriental recouvrant celui naguère conquis par Alexandre. Las, la guerre reprend entre les triumvirs, et la défaite d'Actium sonne le glas des ambitions du couple, contraint au suicide. La mort de Cléopâtre, plus encore que sa vie, l'élève au rang de légende.

S'ouvrant sur une description de la ville d'Alexandrie et sur un résumé de l'histoire des Lagides, le livre se divise ensuite en deux parties, respectivement consacrées à César et Antoine. Riche en détails, il en oublie même parfois Cléopâtre, absente durant plusieurs chapitres. Inexplicablement, s'il développe longuement certains événements, il ne fait qu'en évoquer d'autres pourtant moins connus, rendant la compréhension ardue pour qui n'est pas versé dans l'histoire antique. Dans un style romanesque très agréable, mais souvent lyrique, l'auteur interprète les actes et les sentiments des protagonistes - malheureusement sans autre source que son imagination. A quoi s'ajoutent quelques erreurs historiques et chronologiques anecdotiques mais regrettables, et des propos franchement misogynes...

Amante et chef de guerre, sensuelle et ambitieuse, subtil et redoutable animal politique : de toute évidence, l'auteur est fasciné par Cléopâtre ! C'est ce qui m'a séduite dans ce livre, bien que les interprétations psychologiques ne m'aient pas convaincue. Malheureusement, le parti pris de l'auteur est aussi sa principale faiblesse : se basant par exemple sur des sources notoirement hostiles à Antoine, il en trace un portrait caricatural et partial, ôtant toute crédibilité à l'ouvrage. J'ai vraiment regretté ce manque total d'objectivité, qui m'a profondément déçue. Je suis également circonspecte devant des erreurs historiques patentes. Reste donc une écriture, un souffle épique qui offre un beau roman, à défaut d'une biographie historiquement exacte...

http://www.bibliopoche.com/livre/Cleopatre/164259.html

"DE LA NATURE" de Lucrèce.

Résumer "De La Nature" de Lucrèce tient de la gageure. En six livres, l'auteur explique les phénomènes naturels, afin de libérer son lecteur des superstitions qui troublent l'âme. Il y aborde différents sujets : la formation des corps, constitués d'atomes et de vide, et leurs mouvements (I, II); la nature de l'âme, unie à l'esprit et au corps, et la façon dont elle est affectée par la matière, au travers des sens et des idées (III, IV); la formation et la fin inéluctable du monde, et les causes des phénomènes naturels comme la foudre ou les nuages (V, VI). Texte philosophique visant à transmettre la doctrine épicurienne et poème matérialiste au souffle digne de Dante, "De la Nature" est une œuvre autant philosophique que littéraire, aussi inspirante qu'exaltante.

Dans ce texte adressé à son ami Memmius, Lucrèce tente donc de le délivrer de l'angoisse de la mort et de la crainte des Dieux pour lui permettre d'atteindre l'ataraxie, à travers une approche matérialiste de l'univers et la vulgarisation scientifique. Ici, la traduction en prose est convaincante, préservant une langue musicale et rythmée. Malgré son lyrisme et un propos parfois complexe, le fond demeure accessible : la forme oblige à la concision, et Lucrèce se base sur des expériences quotidiennes, évidentes. Panorama exhaustif des connaissances antiques, le livre fait parfois sourire, mais étonne aussi : ainsi, la démonstration de la structure atomique, la théorie de la fin de l'Histoire, voire l'ébauche du darwinisme... S'y ajoutent des propos sur l'amour, la politique, la sagesse, etc., toujours sous le prisme d'une sorte d'athéisme pratique où les Dieux, indifférents aux destins des Hommes, n'ont aucun rôle sur le sort du monde ou de la nature.

Honnêtement, j'appréhendais de me lancer dans cette lecture, que je craignais austère et compliquée. Au contraire, l'écriture souple et fluide, poétique et chantante, m'a charmée. Rien ne m'a paru hermétique, et j'ai été frappée par la modernité du propos et par la force de l'argumentaire. Il y a du Dante pour le lyrisme, du Nietzsche pour l'évidence de certaines thèses, et le fond, parfois, m'a évoqué l'esprit des Lumières. Une œuvre époustouflante qui allie une doctrine philosophique toujours d'actualité à un texte poétique sublime et quasiment transcendant. Même les allergiques à la philosophie, qui n'y voient que théories absconses incompréhensibles, seront séduits et bluffés.


http://www.bibliopoche.com/livre/De-la-nature/14785.html

"LES DERNIERS JOURS DE POMPEI" de  Edward George Bulwer-Lytton 

Pompéi, 79 après J.C. Nydia, jeune esclave aveugle, est éprise du beau Grec Glaucus. Celui-ci ne le remarque pas : il aime et est aimé de la douce et innocente Ione. Mais le tuteur de la jeune femme, l’Égyptien Arbacès, est également fou d'elle. Ce prêtre d'Isis, respecté de tous, est en réalité un être retors, avide et sans scrupule. Déterminé à conquérir Ione, il est prêt à tout pour écarter son rival. Une première tentative échoue ; les amants se croient en sécurité. A tort : calomnies, sortilèges, poisons... Arbacès ne recule devant rien et, ayant assassiné le frère d'Ione, serviteur d'Isis récemment converti au christianisme, il parvient à faire accuser Glaucus. Nydia, désespérée, va tenter de sauver l'homme qu'elle aime. Pendant ce temps, le volcan gronde, mais nul n'est préparé à la catastrophe qui va s'abattre sur Pompéi...

Ce gros roman, écrit en 1834, ancre son récit dans l'Antique cité de Pompéi. Situant très précisément l'action dans ses ruines, l'auteur offre de longues descriptions de la vie quotidienne, intimement liées à l'intrigue. Complots, sortilèges, amours contrariées, personnages manichéens, et châtiment divin prenant la forme du Vésuve : peu de nuance dans cette histoire, pourtant prenante. Malheureusement, le style a vieilli : suranné et ampoulé, il prête aux protagonistes des discours emphatiques, parfois risibles. La lenteur de la narration peut également lasser. C'est pourtant le charme de ce livre, qui emporte le lecteur il y a 2000 ans, dans cette petite ville de Campanie où, autrefois, des hommes ont vécu, où ils se sont aimés, où ils se sont trahis.

J'ai apprécié ce livre, bien que l'intrigue ne m'ait guère enchantée. Cependant, j'en ai suivi les péripéties sans déplaisir - l'action s'accélérant dans la dernière partie. Car le roman se déroule avec une lenteur qui permet à l'auteur de décrire les moindres détails de la vie quotidienne, tant des esclaves que des sénateurs, commerçants, gladiateurs... Séduite par l'aspect documentaire mais accessible de l'ouvrage, je me suis sentie transportée dans ce monde qui n'est plus. Ce livre fait vivre l'Histoire et relie le passé au présent, ceux qui ont été à ce qui subsiste d'eux aujourd'hui : des cendres, quelques ruines et, finalement, l'universalité des sentiments humains.

http://www.bibliopoche.com/livre/Les-derniers-jours-de-Pompei/11690.html


"DICTIONNAIRE DE LA MYTHOLOGIE GRECQUE ET ROMAINE" de Joël Schmidt.

Comme la plupart des gens, vous connaissez Zeus, Athéna ou Poséidon, leur fonction, leurs attributs. La guerre de Troie, l'Odyssée d'Ulysse ou les aventures de Thésée vous sont familières. Mais faites-vous la différence entre Éros et Cupidon ? Pouvez-vous définir ce qu'est un Héros ? Connaissez-vous l'origine de la corne d'abondance, du Dieu Dyonisos ? Qu'est-il advenu d'Ariane, abandonnée par Thésée après sa lutte avec le minotaure ? Saviez-vous qu'un mythe du déluge existait dans la mythologie Grecque ? Pourquoi Sisyphe a-t-il été condamné à pousser indéfiniment le même rocher, ou Cassandre maudite par Apollon ? Qui a lié le nœud Gordien ? Autant de questions, et bien plus encore, auxquelles répond ce dictionnaire.

Écrit par Joël Schmidt, éminent spécialiste de l'Antiquité, ce dictionnaire très complet rassemble, de "Abas" à "Zodiaque", les légendes et figures mythologiques grecques et romaines. L'auteur s'est attaché à un récit brut, présentant les différentes versions relatées par les textes, sans s'embarrasser d'analyse ou d'interprétation symbolique. Agrémenté d'une multitude d'illustrations et rédigé dans un langage simple et agréable, il se lit presque comme une succession d'histoires, de façon linéaire ou au
gré des pages, chaque nom renvoyant souvent à d'autres entrées qui permettent d'approfondir le sujet. Sans doute est-ce le seul point faible du livre : c'est au lecteur de chercher son chemin au milieu des
articles, aucun renvoi ou aucune source n'étant clairement indiqué.

Passionnée par l'Antiquité, je me suis régalée avec cet ouvrage, que j'ai lu de bout en bout, comme un recueil de nouvelles - avant d'y revenir pour picorer ça et là. Je suis ravie de voir que je savais déjà pas mal de choses, enchantée d'en avoir appris de nouvelles, et et j'ai parfois été surprise... Ainsi ai-je découvert les Dieux Terminus, Fraude et... Lucifer ! Je me suis plongée avec délice dans les histoires de ces divinités antiques, humaines et passionnées, de ces héros et de ces nymphes dont les aventures ont une valeur universelle tant leurs sentiments les rendent proches de nous. Un éclairage bienvenu pour comprendre notre propre civilisation, qui doit tant aux mythes Grecs et Romains. Mais pas seulement : je sais désormais pourquoi mon oncle avait baptisé sa tortue Atalante ! Preuve que la mythologie mène à tout...


http://www.bibliopoche.com/livre/Dictionnaire-de-la-mythologie-grecque-et-romaine/177206.html


"DU SANG SUR ROME" de Steven Saylor.


En 80 avant J.C., Rome est encore traumatisée par les récentes proscriptions. Gordien, enquêteur privé, reçoit la visite du jeune esclave Tiron, qui vient lui demander d'aider son maître, un avocat débutant du nom de Cicéron. Celui-ci assure la défense de Sextius Rocius, accusé de parricide : il aurait engagé des tueurs pour assassiner son père, avec lequel il était brouillé. Or Sextius, prostré et terrorisé, refuse de parler. Gordien, malgré les menaces dont il est l'objet, accepte l'affaire. Son enquête lui permet de remonter jusqu'aux cousins de Sextius, visiblement impliqués. Mais, tandis que Cicéron peaufine sa plaidoirie, la piste conduit Gordien jusqu'à un riche affranchi du puissant dictateur Sylla... Ce dernier était-il au courant ? Et pourquoi donc l'instinct de Gordien lui souffle-t-il de se méfier de Sextius ? L'affaire, décidément, s'avère aussi complexe que dangereuse.

Suivant pas à pas le narrateur, Gordien, ce livre tente de nous transporter dans la Rome Antique. La simplicité des descriptions et le ton naturel du récit et des nombreux dialogues y réussissent en partie, malgré une absence de détails et quelques lourdeurs dans la narration (ainsi la biographie de Sylla, maladroitement amenée). Le style, vif et fluide, concourt à rendre la lecture facile et agréable. L'intrigue, par ailleurs tirée d'un procès réel, est ingénieusement construite : très prévisible à première vue, elle réserve une ultime surprise dans les dernières pages, dévoilant les enjeux politiques de l'affaire. Quant aux personnages, réels ou imaginaires, ils sont tous saisissants de réalisme - tant sur le plan physique que psychologique.

Partir d'un procès historique, évoqué par Cicéron, pour y greffer les aventures d'un héros imaginaire n'est certainement pas facile. Je trouve que Steven Saylor s'en sort bien, en dépit de quelques passages un peu glauques : il respecte la véracité des faits et y mêle de façon crédible son héros, Gordien. Moi qui ai lu les autres tomes, j'en ai appris davantage sur ce personnage, et j'ai surtout découvert Cicéron, tel qu'il est rarement montré : jeune avocat débutant, à l'aube de sa carrière mais déjà plein d'orgueil et de talent. Son portrait m'a enchantée ! Manque juste à Gordien l'épaisseur qu'il gagnera lors de ses futures enquêtes, au cours desquelles il croisera Pompée, César, Marc-Antoine... Une bonne raison pour prolonger cette lecture par les autres volets d'une série qui, sans être inoubliable, est aussi divertissante qu'enrichissante.

http://www.bibliopoche.com/livre/Du-sang-sur-Rome/24436.html

"GLADIATOR" de Dewey Gram.

Le vieil empereur Marc-Aurèle a décidé de désigner Maximus, son loyal général victorieux contre les Germains, comme son successeur à la tête de l'Empire, au détriment de son propre fils Commode. Celui-ci, un homme cruel et violent, est furieux : il assassine son père et se proclame Empereur, avant d'ordonner l'exécution de son rival et le meurtre de sa femme et de son fils. Maximus parvient à s'échapper mais il est capturé et vendu comme gladiateur en Afrique. Désespéré, il devient une véritable machine à tuer, et la coqueluche de la foule. Lorsqu'il doit se produire à Rome, sous les yeux du nouvel Empereur, il tient enfin une occasion de venger les siens. Or Commode entend bien l'éliminer définitivement. En coulisses, les opposants - dont la soeur de Commode - s'organisent afin de le renverser, en se liguant derrière ce courageux gladiateur, si populaire auprès du peuple...

Novélisation du film du même nom, "Gladiator" reste fidèle au scénario, au point d'en retranscrire la moindre scène, le moindre dialogue. Cependant, la forme écrite permet aux auteurs d'approfondir les personnages, développant leur caractère et parfois leur histoire personnelle : c'est surtout le cas des seconds rôles, comme le laniste Proximo, bien plus intéressant sur papier que sur pellicule. Pour le reste, on retrouve le propos et le ton du film - une histoire spectaculaire avec un fond de bons sentiments. Le style est neutre, sans risque ; pourtant, il reste efficace et les scènes de combats, les dialogues et les intrigues s'enchaînent avec fluidité. Le roman est prenant et l'histoire bien conçue : l'ensemble fonctionne bien.

C'est avec un peu d'appréhension que j'ai ouvert ce livre, tant certaines novélisations laissent à désirer... Ce n'est pas le cas ici : vous voulez "Gladiator", vous l'avez ! Ce n'est pas un mince exploit que d'être parvenu à rendre sur papier l'ambiance du film, ses combats enragés comme la sensibilité du héros, dans une écriture un peu banale mais finalement agréable. J'ai apprécié le développement du caractère des figures secondaires bien que, étonnamment, le personnage de Commode m'ait déçue : il n'a pas la complexité ni cette aura proprement glaçante qu'avait su lui donner Joaquim Phoenix à l'écran. Autrement, on retrouve les mêmes inepties historiques que dans le film (Marc-Aurèle républicain, assassiné par son fils, lui-même tué dans l'arène !), mais la trame est formidable, et le roman à la hauteur du film. N'est-ce pas là l'essentiel ?! 


http://www.bibliopoche.com/fiche_livre.php?n=172150



"LA GUERRE DES GAULES" de Jules César.

En 58 avant J.C., Jules César se voit confier par le Sénat les pleins pouvoirs militaires en Gaule. Mais à peine prend-il ses fonctions qu'il doit combattre les Helvètes, qui ont quitté leur territoire pour marcher sur les Eduens, alliés de Rome. César, ayant pris les mesures qui s'imposent, en sort vainqueur. Mais cette bataille n'est que le prélude à celles qui suivront : il lui faudra lutter contre les Germains, les Belges, les Bretons, etc. qui profiteront tour à tour du désordre pour passer à l'offensive. Jusqu'aux Gaulois qui, rassemblés autour d'un certain Vercingétorix, se ligueront contre l'armée de César...

Composé de sept livres rédigés en 52 avant J.C. par César lui-même (chaque livre correspondant à une année), et complété par un huitième chapitre écrit après sa mort par son lieutenant Hirtius, cet ouvrage est un témoignage passionnant. Il se démarque des écrits de l'époque par une écriture simple et dépouillée, sans effet de style, et un vocabulaire accessible. S'y mêlent le récit des guerres proprement dites et la description des mœurs des autochtones. Simple présentation de faits bruts sans aucune digression, rapportant les propos au style indirect, toute propagande en semble absente. Mais il suffit de prendre un peu de recul pour comprendre à quel point le génie de César tient, justement, dans cette apparente objectivité, qui lui permet de se montrer au peuple romain comme un grand stratège et chef de guerre - qu'il était d'ailleurs.

Je me suis plongée avec délectation dans la lecture de cet ouvrage unique, tant par sa forme que par la personnalité de son auteur. Je redoutais un peu les descriptions des batailles et des mouvements de troupes, que je craignais trop techniques ou lassantes : il n'en a rien été, et j'ai été agréablement surprise par la fluidité du style et de la langue, étonnement modernes. J'ai également trouvé passionnantes les descriptions des divers peuples, et notamment le rôle des druides Gaulois ou la place de la guerre chez les Germains. Seule ombre au tableau : mieux vaut se munir d'une carte pour repérer les différents territoires, aux noms souvent peu familiers, et les déplacements de César ! Ce détail mis à part, voilà une lecture aussi agréable qu'indispensable pour qui s'intéresse un tant soit peu à la Rome Antique.

http://www.bibliopoche.com/livre/La-guerre-des-Gaules/3832.html

"JULIEN" de Gore Vidal.

Sous le règne de Constance II, l'Empire romain est devenu Chrétien, malgré les querelles théologiques divisant l’Église naissante. L’Empereur, redoutant les complots, surveille étroitement ses neveux Gallus et Julien. Celui-ci, plongé dans ses livres, feint prudemment d'adhérer à la nouvelle foi quand, en réalité, il vénère toujours en son cœur les anciennes divinités. Mais Constance, qui n'a pas de descendant, doit s'appuyer sur les deux frères pour gouverner : Gallus est exécuté pour trahison, mais Julien devient César en Gaule. Bien que fidèle à Constance, Julien est proclamé Auguste par ses soldats : il sait alors que la guerre est inévitable. A la mort de Constant, il est seul maître de l'Empire, et il tente alors de rétablir le culte des "vrais" Dieux - gagnant le surnom de "l'Apostat".

 Difficile de résumer ce roman en quelques lignes. Se présentant comme les mémoires de l'Empereur Julien, entrecoupées par les commentaires de deux de ses anciens maîtres, le livre embrasse l'ensemble de sa vie. Des intrigues de cour à l'ultime guerre contre les Parthes, Julien relate son ascension et son règne, mettant l'accent sur son désir de réforme religieuse. Bien qu'écrit dans un style relativement simple (même en Anglais), le propos est extrêmement érudit, les nuances subtiles, et certaines notions, implicites, le rendent certainement ardu lorsqu'on n'est pas familier de cette période de l'antiquité. Pour autant, l'intelligence du propos, la justesse historique et la structure de l’œuvre, permettant d'exposer plusieurs points de vue, offrent un roman édifiant, aussi passionnant qu’instructif, avec des personnages forts, bien campés, tout en nuances.

J'avais hâte de découvrir ce roman, qui s'attache à un Empereur souvent maltraité. Gore Vidal présente ici le portrait d'un homme lettré, d'une grande finesse, mais surtout sincère et touchant, tout en montrant ses faiblesses et donc sans verser dans l'hagiographie. Je me suis parfois perdue dans les débats théologiques, mais j'ai été happée par le suspense (quand bien même je connaissais l’histoire !), les descriptions vivantes des villes orientales, le faste de la cour impériale... Sans compter l'évolution psychologique et religieuse de Julien, qui le rendent si attachant. Moi qui ait toujours eu une tendresse particulière pour Julien, je ne peux que vous inciter à lire ce formidable roman historique. Même si, pour le coup, je ne suis pas totalement impartiale... 

http://www.bibliopoche.com/livre/Julien/230535.html


"LES LÉGIONS DE L'ENFER" de Carolyn J. Cherryh. 


Dans un Enfer où l'on vit, on meurt, et on se réincarne à l'infini selon les décisions de l'administration, règne le chaos le plus total : Jules César, à la tête de ses légions, combat les Viet-Congs, alliés de Mithridate et de Ramsès, à l'aide d'armes aussi modernes que des fusils-mitrailleurs. Il peut compter sur Auguste, Cléopâtre, Hatchepsout, Machiavel, Dante ou Marc-Antoine, ainsi que sur Lawrence d'Arabie qui joue les mercenaires, et un espion en sommeil nommé Napoléon. Mais l'arrivée impromptue de son fils Brutus complique encore les choses. Amnésique, il prétend ne garder aucun souvenir de son parricide, et tous ignorent qui l'a envoyé, et surtout dans quel but. Mais César n'a guère le temps de se poser de questions : il doit sauver Césarion, le fils qu'il a eu avec Cléopâtre, qui a rejoint un groupe de dissidents, déterminés à renverser Satan...

Rien qu'en lisant mon résumé, vous aurez compris que vous avez affaire à un livre déjanté ! Mettant en présence de multiples personnages historiques (surtout antiques) dans des factions opposées, avec à leur disposition tout un arsenal moderne, ce roman offre un scénario délirant, original et sans temps mort. L'action ne faiblit jamais et offre des images décoiffantes : Cléopâtre déboulant au volant d'une Ferrari ou César dynamitant le palais de Tibère à la grenade. Passé l'amusement cependant, l'histoire est confuse et le dénouement laisse le lecteur sur sa faim. Le style, quant à lui, accumule les répétitions, les maladresses et les lourdeurs - à cause d'une mauvaise traduction, peut-être. La profusion des protagonistes enfin, pousse l'auteur à verser dans la caricature, sans fournir de renseignements préalables - au risque de déstabiliser quiconque ne maîtrise pas parfaitement l'antiquité...

L'idée de départ me semblait excellente, et je suis donc un peu déçue, et très perplexe. A mon sens, il manque à cette histoire brouillonne une dimension, pourtant esquissée à travers le personnage de Brutus : perdu dans ses relations avec les autres personnages, ses questionnements perpétuels sont son propre enfer. J'aurais aimé que cette problématique spirituelle soit approfondie... Frustration ultime : j'ai refermé le livre sans savoir ce que Brutus fichait en enfer, ce qui semblait être la question centrale ! Mais je reconnais que le roman, regorgeant de clins d’œil et d'anachronismes, est parfois très amusant - ce qui n'est déjà pas si mal.

http://www.bibliopoche.com/livre/Les-legions-de-l-enfer/13091.html

 "LETTRES CHOISIES" de Cicéron.


Cicéron, né en 106 avant J.C., est surtout connu pour ses ouvrages philosophiques et ses discours. Mais il est également l'auteur d'une abondante correspondance aux destinataires variés. C'est une sélection de ces missives que présente ce livre. Classées chronologiquement, de 61 avant J.C. (sous le consulat) jusqu'à la mort de leur auteur (43 avant J.C.), elles sont adressées à des personnes aussi diverses que Crassus, Quintus (frère de Cicéron), Tiron (son esclave), Caton, Varon ou César - autant de noms familiers à ceux qui s'intéressent à l'Antiquité. Cicéron s'informe des dernières nouvelles de Rome, commente les Jeux donnés par Pompée, conseille son frère sur ses devoirs de gouverneur, cherche des appuis politiques, disserte des honneurs, ou donne simplement de ses nouvelles aux siens. Une courte introduction permet à chaque fois de comprendre la situation sous-tendant l'écriture de la lettre, apportant un éclairage précieux.

Il s'agit donc d'une sélection d'une vingtaine de lettres parmi les 800 qui nous sont parvenues. Choisies pour leur diversité de ton et de forme, elles illustrent la souplesse de leur auteur, qui sait parfaitement s'adapter aux circonstances et à ses destinataires. Mais quelles qu'en soient la forme (simple missive, conseils, requête, voire ébauche de traité) ou le style (qui va du plus sérieux au franchement comique lorsque Cicéron évoque les Jeux donnés par Pompée), on y retrouve une langue superbe, élégante et fluide, et une finesse qui les rendent délicieuses à lire. De plus, bien qu'il ne s'agisse que d'un échantillon, perce à travers ces lettres le caractère de leur auteur, aussi bien dans sa subtilité, sa sensibilité et son intelligence que dans ses contradictions et son ambition. Enfin, l'écho des grands évènements trouve une résonance particulière dans ces textes, offrant un fantastique témoignage sur cette période.

J'ai été transportée par cette lecture : j'ai dévoré ces lettres, d'une prose élégante mais simple, pleine de style et de verve. Au-delà de l'intérêt historique ou anecdotique que j'y ai trouvé, j'ai été séduite par ce qu'elles laissent entrevoir de la personnalité de Cicéron. Je connaissais l'intelligence de l'homme, mais j'ai découvert son humour, sa fragilité et surtout sa sensibilité, comme lorsqu'il s'enquiert de la santé de son esclave, ou lorsqu'il pleure sa fille disparue - une lettre terriblement émouvante. Cet ouvrage est une excellente introduction à la correspondance de Cicéron, et je suis heureuse d'avoir encore quelques 780 lettres à découvrir !


http://www.bibliopoche.com/livre/Lettres-choisies/167066.html

"MAMAN, JE NE VEUX PAS ÊTRE EMPEREUR" de Françoise Xenakis.


Néron aurait rêvé d'être chanteur, acteur, poète ou aurige. Hélas, sa mère Agrippine a d'autres ambitions : femme, elle ne peut monter sur le trône mais compte bien régner à travers son fils. Pour se faire, rien ne l'arrête : devenue l'épouse de son oncle, l'Empereur Claude, elle le persuade d'adopter Néron et l'empoisonne. Mais Néron échappe à son influence et l'écarte du pouvoir. Entre eux, l'incompréhension est totale. Néron aime sa mère autant qu'il la déteste ; sourde à la tendresse de son fils, elle a pour seul désir d'en faire un chef d'état digne de son propre père, Germanicus. Mère mal-aimante, dévorée
d'ambition, Agrippine pousse inéluctablement son fils à se détruire - et à la détruire elle-même...

Néron n'est pas le monstre si souvent décrit : voilà la thèse de Françoise Xenakis. Se présentant comme une succession de témoignages à la première personne - lettres d'Agrippine, journal de Néron, récits d'Acté son esclave - ce livre montre un Néron sensible, façonné par une mère perverse et manipulatrice, devenu ce despote névrosé, ce fou, ce matricide. Les textes se répondent, se répètent souvent - laissant voir, paradoxalement, l'impossible dialogue. Le style, familier voire cru, désacralise le propos mais manque de différenciation d'un personnage à l'autre. Le propos est percutant et le portait psychologique de Néron, profondément touchant, incite à l'empathie. Dommage qu'il n'en soit pas de même pour Agrippine, sans nuance et "noircie" à l'extrême...

Bien que j'aie beaucoup apprécié ce roman, il me laisse songeuse. Historiquement d'abord : curieux choix de l'auteur que de se fier, pour les prédécesseurs de Néron, aux auteurs qu'elle-même a repoussés concernant ce dernier ! Je partage pourtant son opinion : Néron a été, je le crois, chargés de crimes dont il était innocent, et reste profondément incompris. Malgré tout, le parti pris de Xenakis pose question : si elle ne tait aucune de ces accusations, elle le dédouane systématiquement - prétextant des calomnies ou les conséquences des perversions de sa mère. Jusqu'à quel point les autres sont-ils responsables de nos actes ? Je m'interroge également sur la pertinence de l'analyse freudienne, plutôt anachronique. Reste un roman passionnant, montrant comment un individu peut être ravagé par son histoire familiale et le comportement de ses parents...

http://www.bibliopoche.com/livre/Maman-je-ne-veux-pas-etre-empereur/151691.html

"MOI CLAUDE, EMPEREUR" de Robert Graves.  



Lorsque Claude vient au monde, Auguste règne sur Rome, secondé par Livie (grand-mère de Claude). Tous les héritiers putatifs d'Auguste sont morts dans des circonstances troubles. Bègue, boiteux et secoué de tics, Claude n'est pas considéré comme un successeur éventuel : on le prend pour un imbécile. Il comprend vite l'avantage qu'il peut en tirer, dans une famille où l'on meurt rarement dans son lit... Un à un, ceux qui faisaient obstacle à son oncle Tibère sont assassinés ou déportés, et ce dernier devient empereur à la mort d'Auguste. Claude traversera son règne, ainsi que celui tout aussi sanglant de son neveu, le psychopathe Caligula, échappant parfois de justesse aux complots et aux empoisonnements. Porté au pouvoir malgré lui en 41, il rédige son autobiographie et raconte les inavouables secrets des Julio-Claudiens, dont la dynastie sera marquée par le sang, la violence, les intrigues et la débauche.

Se présentant comme l'autobiographie romancée du quatrième empereur de Rome, ce livre, difficile à résumer, n'est pas facile d'accès : un texte dense bien que rédigé en Anglais moderne, une introduction malmenant la chronologie, une multitude de personnages (parmi lesquels Germanicus, Agrippine ou Séjan) aux noms parfois identiques, quelques longueurs... Ecrit principalement à la première personne, le roman retrace les règnes successifs d'Auguste, Tibère et Caligula, à travers le regard de Claude. Sexe, meurtres et trahisons sont le lot quotidien de cette famille, qui n'a rien à envier aux Atrides. Peu de dialogues ou d'introspection, mais un récit foisonnant d'anecdotes et où l'humour - cynique et acerbe - n'est pas absent, qui plonge le lecteur dans l'atmosphère étouffante de la cour des Césars.

Il m'a fallu du temps pour rentrer dans ce roman, exigeant car complexe et érudit. Je regrette le choix de l'auteur, qui a opté pour des sources notoirement hostiles à Tibère et Caligula, noircissant le trait jusqu'à la caricature. Mais j'ai préféré y voir un choix romanesque : l'histoire y gagne en tragique et en spectaculaire, offrant des épisodes époustouflants. Ainsi, le règne de Caligula : j'y ai ressenti la tension et la menace permanente qu'il y a à vivre sous la domination d'un fou dangereux ! Malgré quelques longueurs et une généalogie à vous donner la migraine, je considère ce roman comme un chef d'oeuvre. Entre Dallas et les Rois Maudits, voilà une fresque historique magistrale, à découvrir d'urgence.

http://www.bibliopoche.com/livre/Moi-Claude/8278.html

"MOUCHE-TOI, CLÉOPÂTRE" de Françoise Xenakis. 

En 48 avant Jésus-Christ, Cléopâtre et son frère se déchirent pour le trône d'Egypte. César, qui a tout intérêt à ce que l'Égypte soit prospère, va mettre de l'ordre à Alexandrie. Tombé amoureux de Cléopâtre, il la met sur le trône et lui donne un fils, Césarion. Il repart à Rome où Cléopâtre le rejoint, afin d'assurer à son fils sa place à la tête de l'Empire romain. Mais c'est la conspiration contre César et son assassinat lors des Ides de Mars. La reine d'Égypte regagne alors son pays. Deux ans plus tard, les meurtriers de César sont tombés sous les coups de Marc Antoine, qui gouverne avec Octave. Octave dirige la partie occidentale de l'Empire, tandis que l'Orient revient à Marc-Antoine. Mais une haine sourde règne entre les deux hommes. Lorsque Marc-Antoine, tombé à son tour amoureux de Cléopâtre l'épouse, Octave dresse Rome contre Alexandrie. Ce sera la bataille d'Actium où Marc-Antoine, après avoir abandonné la flotte vaincue, fuit pour rejoindre Cléopâtre. Déshonorés et pour échapper à l'humiliation de se voir emmenés captifs à Rome, les amants se suicideront...

Voilà pour le récit historique. Mais ce roman, fidèle aux faits pour autant que je puisse en juger, offre quelque chose en plus : au-delà de l'Histoire, c'est le portait d'une femme fière et passionnée. Nous partageons le regard de Cléopâtre à travers un récit désacralisé des évènements. Il en ressort l'image d'une femme à laquelle, finalement, il n'est pas difficile de s'identifier, car lorsqu'elle se croit trahie par les hommes qu'elle aime et pour qui elle s'engage totalement, ce n'est pas avec l'orgueil d'une reine, mais bien avec celui d'une femme blessée qu'elle réagit. De même, on ne peut qu'être en empathie avec cette mère prête à tout pour son fils, qu'elle aime si profondément, faisant oublier la Reine d'Egypte pour nous montrer la facette inédite d'une mère aimante et surprotectrice.

J'ai été profondément touchée et impressionnée par ce livre. Si le ton est irrévérencieux, ce roman dresse de Cléopâtre un portrait féministe, où aucun des Grands hommes n'arrive à la cheville de cette femme envoûtante et passionnée, superbe de dignité, puissante et cependant si vulnérable lorsqu'on parle d'amour. A la place de la Grande Reine figée dans sa légende on découvre une femme, avec toutes ses faiblesses et ses fragilités, sans pour autant que rien ne lui soit enlevé de majesté. Au contraire : cette humanité ne fait que mettre en relief la grandeur de cette souveraine d'exception. C'est un livre extrêmement original, qui m'a enthousiasmée et dont je recommande chaudement la lecture. On ne peut qu'être déstabilisé, puis finalement charmé, par un ouvrage aussi fascinant.

http://www.bibliopoche.com/livre/Mouche-toi-Cleopatre/45618.html

"LE MYSTÈRE DU JARDIN ROMAIN" de Jean-Pierre Neraudeau.


L'empereur Tibère se repose dans son palais à Rome, lorsqu'on Apronius se présente à lui : sa fille vient d'être découverte dans leur jardin, le crâne fracassé, et il est persuadé que son gendre, le prêteur Marcus Plautius, l'a assassinée. Tibère se rend sur place pour examiner les indices et entendre les témoins : tout accable le mari, qui nie les faits et prétend que son épouse s'est suicidée. Mais il n'est guère convaincant... Sa grand-mère, Tanaquil, descendante d'une illustre famille étrusque, est certaine de son innocence - d'autant qu'on a déposé chez elle un manuscrit anonyme, dont l'auteur se vante d'avoir organisé toute la machination. Mais qui tire profit du drame ? Qui, au juste, était visé ? Et l'auteur de ce texte énigmatique est-il seulement le véritable meurtrier ?

Ce thriller de la Rome Antique se présente comme une succession de récits dont les auteurs respectifs ne se dévoilent que dans les dernières lignes. L'écriture, soignée et raffinée, est pourtant facile et agréable à lire et, si elle varie peu d'une partie à l'autre, elle reste cohérente avec l'idée de quatre narrateurs différents. Se basant sur un fait divers réel rapporté par Tacite, le roman mélange personnages fictifs (l'esclave Corinne ou l'acteur Hylas) et historiques (Tibère, Claude, Séjan ou Livilla), prenant parfois quelques libertés (l'eunuque Lygdus, par exemple) en se glissant dans les zones d'ombre de leurs existences. L'intrigue, prenante bien que franchement complexe et tortueuse, ne cesse de ménager des surprises et tient en haleine.

Lectrice de Tacite, j'étais curieuse de découvrir ce roman. Ravie par la précision des détails historiques, je l'ai été plus encore par la psychologie des personnages : celle de Tibère est en adéquation totale avec l'image que donnent de l'homme les auteurs antiques. Dommage que le dénouement ne soit pas aussi crédible, le roman basculant vers sa conclusion dans un grand-guignol ésotérique, avec une série de rebondissements auxquels on ne croit pas une seconde ! Ce final m'a un peu déçue, mais voilà un livre original, au style littéraire recherché, qui offre une plongée saisissante dans l'Empire romain. Dernière remarque : évitez de lire la liste des personnages en introduction, plusieurs points-clés du roman y étant révélés ! Un choix bizarre - et très frustrant...

http://www.bibliopoche.com/livre/Le-mystere-du-jardin-romain/30633.html

"NÉRON" de Tacite.

A la mort de Messaline, l'Empereur Claude épouse sa nièce, Agrippine. Celle-ci n'a qu'un objectif : porter son fils Néron au pouvoir. Une fois qu'elle a convaincu Claude de l'adopter, il ne lui reste plus qu'à l'assassiner, tandis que son fils se fait proclamer empereur. Mais sentant vite son influence décroître, Agrippine se tourne vers le fils légitime de Claude, Britannicus : Néron le fait empoisonner. Sa méfiance envers sa mère ne fait alors que croître : persuadé qu'elle cherche à le renverser, il ordonne son meurtre et contraint au suicide le précepteur qu'elle lui a choisi, le philosophe Sénèque. Ces deux assassinats semblent avoir levé toutes les inhibitions qui retenaient Néron : matricide, incendiaire, tyran paranoïaque se rêvant poète et artiste, il laisse désormais libre court à ses pires déviances, noyant l'Empire dans un flot de sang et de terreur...

Présentant quelques extraits des livres des "Annales" de Tacite consacrés à Néron, cet ouvrage regroupe par thèmes divers paragraphes, en négligeant la chronologie de l’œuvre originale. Malgré tout, on y retrouve l'essentiel, de l'ascension de Néron à sa chute, en passant par les nombreux meurtres qu'il a ordonnés, ses prétentions artistiques, l'incendie de Rome... Le texte, en Latin uniquement, est cependant ardu - et les notes de bas de page n'aident guère ! L'écriture est riche en ellipses et en métaphores et le style, plus ampoulé que celui, par exemple, de Cicéron. Le portrait des protagonistes à peine esquissé, c'est par leurs actes que leur caractère se révèle et que se dessine petit à petit un Néron aussi fascinant que glaçant. Questionnant ses sources, Tacite apparaît par ailleurs assez fiable.

Déstabilisée par l'absence de traduction, je me suis replongée dans mes cours de latin... Sans regrets, tant il est passionnant de revenir aux sources - bien que je déplore la déconstruction de l’œuvre, qui annihile les effets voulus par Tacite dans la progression de son récit. La sélection, cependant, reste judicieuse. A noter que, les Annales s'achevant avant le suicide de Néron, l'éditeur y a adjoint un passage de Suétone, dans lequel j'ai appris que ses derniers mots n'avaient pas été "Quel artiste meurt avec moi !" mais... Et puis non : si vous voulez le découvrir, faites comme moi et procurez-vous une bonne traduction ! (J'avoue m'en être aidée...)

http://www.bibliopoche.com/fiche_livre.php?n=167437

"QUO VADIS ?" de Henryk Sienkiewicz.

De retour à Rome, le tribun militaire Vinicius s'éprend de la belle Lygie, barbare chrétienne et otage de Rome. La jeune femme, bien qu'attirée par Vinicius, est horrifiée par ses mœurs et sa violence et refuse de devenir sa concubine. Pétrone, oncle de Vinicius en cours auprès de Néron, intervient pour qu'elle lui soit livrée par l'Empereur. Mais Lygie parvient à s'échapper. Vinicius, blessé alors qu'il tente de l'enlever, ne doit sa survie qu'à son intervention et aux soins prodigués par les Chrétiens. Intrigué par cette religion d'amour et de pardon, le patricien se remet alors en question - jusqu'à se convertir. Plus rien, dès lors, ne s'oppose à son union avec Lygie. Mais c'est compter sans Néron qui, se dédouanant de l'incendie de Rome en accusant les Chrétiens, les condamne à mourir dans l'arène...

Plus de 500 pages et pas une seule longueur : cet ouvrage aux scènes parfois impressionnantes est magnifiquement bien écrit, dans une langue accessible et agréable, où alternent dialogues, action et réflexions religieuses et philosophiques. Historiquement douteux, il est pourtant bien documenté quant à la vie quotidienne et plonge le lecteur dans l'Antiquité romaine. Certes, il est extrêmement prosélyte et l'intrigue principale a quelque chose de naïf, mais on s'attache pourtant aux deux héros. Les personnages secondaires, tels Ursus, Paul de Tarse ou Pierre ne sont pas en reste - allant parfois jusqu'à leur voler la vedette : Néron et Pétrone, en particulier, deux figures impressionnantes qui  donnent une dimension supplémentaire à ce roman où se mêlent personnages fictifs et historiques.

Malgré un antagonisme outrancier entre les dépravés Romains et les bons chrétiens et un Néron caricatural, j'ai été emportée par le souffle épique de ce roman. Tour à tour émue par les paroles de Paul de Tarse, glacée par le personnage de Néron et horrifiée par les tortures infligées aux chrétiens, je n'ai pas lâché ce livre, extrêmement riche. Je dois avouer cependant que je me suis surtout passionnée pour le personnage de Pétrone ! Rien que pour cet homme lettré, rusé et élégant, aussi attachant que fascinant, cette lecture valait le coup ! Seul problème : impossible de voir Néron autrement que sous les traits de Peter Ustinov... Ce qui me permet de conclure en vous invitant à lire ce livre, ne serait-ce que pour comparer avec le film de LeRoy !


http://www.bibliopoche.com/livre/Quo-vadis-/38775.html


"LE SIÈCLE D'AUGUSTE" de Pierre Grimal. 

En 44 avant J.C., Jules César est assassiné. Par testament, il désigne son neveu, le jeune Octave, comme son successeur. Ayant vaincu le lieutenant du dictateur, Marc-Antoine, et son alliée Cléopâtre, Octave reste seul maître à Rome. Devenu Auguste, titre religieux décerné par le Sénat, il fonde le principat - qui perdurera cinq siècles. Maintenant les apparences de la République, le nouveau régime concentre de fait les pouvoirs entre les mains du Princeps. Au-delà du bouleversement institutionnel, le règne d'Auguste, marqué par une ère de paix relative et de prospérité, s'accompagne de la restauration des traditions religieuses et d'une floraison d'œuvres littéraires et artistiques. Autant d'aspects de ce que l'on nomme "Le siècle d'Auguste", et qu'analyse ici Pierre Grimal.

En une centaine de pages, cet ouvrage propose une étude de certains aspects du principat. Analysant d'abord les conditions d'accession au pouvoir d'Auguste ayant rendu possibles les réformes, Pierre Grimal s'attache ensuite à la renaissance de la littérature et de l'art. Battant en brèche l'idée d'une propagande orchestrée par Mécène, il tente d'expliquer pourquoi l'époque a permis l'émergence d'auteurs tels que Tite-Live, Virgile, Horace ou Ovide, ou la manière dont l'art s'est développé de concert avec l'embellissement de Rome. Dans un style simple et didactique, jamais rébarbatif ou pontifiant, il s'emploie à mettre ces aspects en relation avec la période de paix, "nouvel âge d'or" vanté par Ovide. Chaque chapitre aborde un thème précis et en donne une vue d'ensemble, dans un langage accessible et factuel.

Pierre Grimal, spécialiste incontesté de la civilisation romaine, a toujours un regard pertinent sur le sujet. Ce livre ne fait pas exception, et j'ai trouvé cette lecture enrichissante. Malheureusement, l'ouvrage a les défauts de ses qualités, et mon sentiment est mitigé. Si j'ai apprécié la simplicité des explications -idéale pour une première approche -, j'ai regretté que les chapitres ne soient pas davantage approfondis. J'aurais souhaité en apprendre plus sur la modification des institutions, trouver de courtes biographies des auteurs cités... Néanmoins, l'étude reste intéressante - suffisamment, en tous cas, pour m'avoir donné envie d'en lire plus, et de redécouvrir les auteurs mentionnés.

http://www.bibliopoche.com/livre/Le-siecle-d-Auguste/29627.html

 "LA VIE QUOTIDIENNE A ROME A L’APOGÉE DE L'EMPIRE" de Jérôme Carcopino. 


De la Rome Antique, nous avons tous quelques images comme le franchissement du Rubicon par César ou les persécutions des premiers Chrétiens. Mais de la vie de ses habitants, nous n'avons souvent qu'une vague idée faite de clichés. Ce livre présente le quotidien de ceux qui vivaient à Rome, à la fin du Ier siècle. Définissant un cadre spatio-temporel précis, il étudie la ville elle-même, le cadre de vie (monuments, logements, étendue...), les habitants, le mariage, l'évolution de la place de la femme, la morale, l'éducation, la culture et les croyances, avant de nous plonger dans la journée-type d'un Romain. On découvre son rapport au temps, ses occupations, ses loisirs, son alimentation, etc. au fil de la journée, du lever au coucher, en passant par les Thermes, le Cirque et le Forum, de nombreux exemples tirés de textes d'époque à l'appui.

Ce livre est un ouvrage dense, foisonnant, qui passe au crible la plupart des aspects de la vie à Rome à l'apogée de l'Empire. On sent que l'auteur est un spécialiste du sujet, qu'il présente avec de longues descriptions, une grande précision et des études approfondies des thèmes abordés. La construction de l'ouvrage est très académique, et la lecture est parfois un peu lassante, pas très vivante en tous cas. Malgré cela, on comprend que ce livre fasse référence : chacun des thèmes est extrêmement fouillé et la réflexion et l'étude sont riches. Si le public visé semble être celui des étudiants en Histoire, il reste facile à lire, dans un langage clair, et bien que parfois un peu ennuyeux pour les profanes, il a le mérite de développer tous les aspects des questions abordées : certains passages éclairent vraiment sur la Société et la Civilisation, apportant une nouvelle perspective sur l'Histoire de Rome.

Ce livre m'a beaucoup intéressée : j'y ai trouvé une mine de renseignements et je comprends mieux le monde romain. Certains passages sont plus prenants que d'autres, mais l'auteur emploie toujours un langage clair ou définit les termes plus complexes. Le seul reproche que j'aurais à faire à cet ouvrage est qu'il m'a semblé qu'il évaluait la Société romaine selon des critères assez discutables, portant un regard parfois un peu trop moralisateur, en tous cas assez subjectif. Mais une fois que j'en ai fait abstraction, la vue d'ensemble m'est apparue très enrichissante.

http://www.bibliopoche.com/livre/La-vie-quotidienne-a-Rome-a-l-apogee-de-l-empire/138244.html