lundi 23 juin 2014

"Le Mythe Cléopâtre" à la Pinacothèque de Paris.


                                        Tandis que le Grand Palais célèbre l'Empereur Auguste, la Pinacothèque de Paris a choisi de consacrer une exposition à son ennemie Cléopâtre, maîtresse de Jules César et Marc Antoine, et surtout dernière reine d’Égypte. S'il est un personnage dont la légende a phagocyté l'histoire, c'est bien Cléopâtre. Femme de pouvoir à la destinée exceptionnelle, sa vie romanesque, ses amours sulfureuses, son destin tragique et les multiples mystères qui l'entourent font d'elle le réceptacle de tous les fantasmes, depuis l'Antiquité jusqu'à nos jours. Mais qui était-elle vraiment, et comment le mythe a-t-il été repris par les artistes ? Tel est le double fil conducteur de l'exposition de la Pinacothèque, présentée en deux parties : l'archéologie vient répondre à la première question, tandis que la seconde est illustrée par différents tableaux, extraits d'opéra et costumes de films.

                                        Approcher au plus près de la "vraie" Cléopâtre, en replaçant son règne dans son contexte historique : voilà l'ambition de la première partie de l'exposition. A travers des œuvres archéologiques prêtées par les plus grands musées, le visiteur découvre à la fois le personnage historique (ou du moins, le peu qu'on en connaît...) et la situation de l’Égypte sous son règne, avant qu'elle ne devienne une province romaine. Héritière de la sanglante dynastie grecque des Lagides qui s'entretuent et règnent sur l’Égypte depuis la mort d’Alexandre le Grand, Cléopâtre VII Philopator devient reine à l'âge de 18 ans. En guerre contre son frère-époux Ptolémée XIII, elle parvient à conserver son trône en s'alliant à Jules César dont elle devient la maîtresse, lui donnant même un fils appelé Césarion. Épouse de Marc Antoine après la mort de César, Cléopâtre est de fait au centre de la guerre qui oppose son amant à Octave pour la domination de Rome. Le couple, vaincu en 31 avant J.C. à Actium, se suicide un an plus tard. Octave annexe l’Égypte, fait assassiner Césarion, instaure le Principat à Rome et devient Auguste : la suite est à voir au Grand Palais...

Portrait de Cléopâtre VII, Milieu du Ier siècle av. J.-C. (Musée des antiquités, Turin - ©DR)


Cléopâtre : de l'Histoire...


                                        Les témoignages archéologiques sur Cléopâtre sont rares, au point qu'il n'existe qu'un seul portrait complet et non détérioré. Outre cette "Tête de Turin", l'exposition présente également un buste réalisé lors du séjour de Cléopâtre à Rome, avant l'assassinat de César. Si on peut aussi voir un buste du Dictateur, un de Pompée ou un d'Auguste, ce premier volet s'attache surtout à décrire l’Égypte ptolémaïque de la fin du Ier siècle avant J.C., principalement à travers les arts et les pratiques funéraires. Très développée, cette section de l'exposition renseigne sur les rituels funéraires égyptiens, en présentant le déroulement et les aspects généraux. Les papyrii du Livre des Morts de Pa-iry côtoient ainsi les statues-sarcophages humaines ou animales et les masques funéraires. Ceux-ci illustrent aussi l'assimilation des pratiques romaines, ceux réalisés en perles de faïence polychromes et les masques cartonnés étant remplacés après la conquête par des masques de stuc, appliqués sur le visage des momies et recréant les traits des défunts (comme l'illustrent les célèbres portraits de Fayoum.)

Masque funéraire époque Ptolémaique (Musée égyptien, Florence - via http://graffitistudioloparisblog.wordpress.com).


                                        Intéressante aussi, la partie consacrée à la religion évoque l'empreinte de l'origine grecque des Ptolémées sur les cultes égyptiens et le syncrétisme des divinités locales : aux côtés des dieux et déesses traditionnels locaux, Ptolémée Ier avait introduit la figure de Sérapis, unissant les peuples grec et égyptien dans le culte de ce Dieu ressemblant à Zeus mais assimilé à Osiris et Apis.

Paysage nilotique avec pygmées - chasseurs. (Maison du médecin, Pompéi.)


                                        Enfin, la première partie de l'exposition montre comment les Romains du Ier siècle avant J.C., fascinés par Cléopâtre lors de son séjour à Rome, succombèrent à l'égyptomanie. Un vent oriental souffle sur la domus, et bijoux, argenterie, mobilier, fresques, mosaïques, etc. s'ornent des symboles représentatifs de l’Égypte comme les serpents, les crocodiles, les sphinx ou les pygmées. Sur le plan religieux, le culte de plusieurs divinités égyptiennes s'étend au monde romain, qui adopte Sérapis, Isis ou Harpocrate. Seul petit bémol, on ne fait qu'effleurer l'hostilité que Cléopâtre suscita en parallèle, notamment auprès des élites - "Je hais la Reine", écrit par exemple Cicéron, qui la traite également de prostituée...

 

... A la légende.


                                        Dans un second temps, la Pinacothèque choisit de se pencher sur la manière dont s'est substituée à la Cléopâtre historique une figure mythique qui a largement inspiré la peinture, le théâtre, les arts décoratifs, l'opéra, le cinéma... Une belle galerie de tableaux ouvre cette section. Pour la plupart œuvres de peintres italiens, ils illustrent le plus souvent le fameux suicide de la Reine, piquée par un aspic comme le veut la légende.

"Le Suicide de Cléopâtre" de Giovan Francesco Guerrieri (XVIe siècle - © Fondation Casa di Risparmio, Fano.)



Des Cléopâtre "à l'antique", des femmes presque contemporaines des artistes du XVIIIème siècle, des reines lascives alanguies dans un décor oriental, des héroïnes tragiques au regard désespéré... ces peintures montrent comment le personnage historique se départit de sa dimension réaliste pour laisser la place à un personnage de légende, chargé de symbolique. Cette image a d'ailleurs constamment évolué, de la prostituée tentatrice dominant et envoûtant les hommes à l'amoureuse victime d'une fatalité qui la dépasse, en passant par l'héroïne qui choisit la mort plutôt qu'humiliation de la soumission à son vainqueur.

 "La mort de Cléopâtre" de Achille Glisenti. (1878 - Museo della Città - Santa Giulia - ©DR.)


                                        Après une vitrine exposant une collection d’éventails du XVIIIème siècle ornés de représentations de la Reine, place à la scène ! Extraits d'opéra (Haendel, Massenet, Berlioz se sont emparés du mythe), portraits des plus fameuses interprètes (dont l'inénarrable Sarah Bernhard et la sublime Montserrat Caballé), et enfin costumes de théâtre et de cinéma viennent conclure la visite. Ah, la robe noire rebrodée de perles portée par Monica Bellucci dans "Astérix : Mission Cléopâtre", ou les tenues de Liz Taylor ! Un rêve absolu pour fashionista passionnée d'antiquité ! Ne manque finalement qu'un aspect pour que le thème soit traité de façon exhaustive : la récupération de Cléopâtre par le marketing, par exemple par une célèbre marque de savon ou par la colle de notre enfance.

Robe du film "Mission Cléopâtre" - Créée par Philippe Guillotel. (Ciné Costum' - Romain Leray - Didier Jovenet - ©DR.)


                                        Que reste-t-il aujourd'hui de la véritable Cléopâtre ? Si peu de choses en vérité : quelques portraits et pièces de monnaie, et une image floue qui échappe constamment à qui veut s'en saisir. Depuis plus de 20 siècles, la figure de Cléopâtre ne cesse d'être réinventée et réinterprétée, toujours avec passion et démesure. Elle est la garce manipulatrice, l'amoureuse enfiévrée, la Reine stratège toujours maîtresse d'elle-même... Mais comment expliquer que cette femme, dont on sait si peu de choses, ait exercé de tout temps - y compris de son vivant - une fascination si profonde ? L'exposition de la Pinacothèque ne répond pas à cette question, pourtant fichtrement intéressante. Elle permet malgré tout de (re)découvrir Cléopâtre - réelle ou fantasmée - à travers les témoignages archéologiques de son temps et le reflet qu'en renvoient les artistes de différentes époques. Une jolie exposition, qui parvient à rester simple tout en apportant beaucoup d'informations, en s'appuyant sur des pièces superbes et souvent très originales. A découvrir jusqu'au 7 Septembre.

                                        Et peut-être même gratuitement car je vous propose de gagner votre place pour l'exposition "Le Mythe Cléopâtre" à la Pinacothèque de Paris. Pour cela, répondez à cette question en m'envoyant un courriel (en indiquant "Concours Cléopâtre" en objet) : quelle actrice choisiriez-vous pour incarner Cléopâtre, si vous réalisiez un film sur sa vie ? Il n'y a évidemment aucune bonne ou mauvaise réponse, et le gagnant sera désigné par tirage au sort. Clôture des inscriptions le 4 Juillet, résultat publié sur cette même page le 6. Bonne chance à tous !


© Photo: Ernani Orcorte - Turin © Conception et création graphique: Gilles Guinamard



Renseignements pratiques :

 

"Le Mythe Cléopâtre" - Jusqu'au 7 Septembre 2014.

Pinacothèque de Paris.
8, rue Vignon 75009 (Partie 1) et 28, place de la Madeleine 75008 (Partie 2).
www.pinacotheque.com

Ouvert tous les jours de 10H30 à 18H30.
Nocturne les Mercredis et Vendredis jusqu'à 21H.
Entrée 12€50 - tarif réduit 10€50 - gratuit le 1er Mercredi du mois en nocturne à partir de 18H30.


Résultat du tirage au sort : J'avoue que j'ai été (agréablement) surprise, et légèrement dépassée par le nombre de réponses reçues ! En même temps, je ne vais pas m'en plaindre... Comme promis, le tirage au sort a été effectué : bravo à Sisterhavana, qui recevra sa place d'ici peu. Et merci à tous ceux qui ont joué le jeu !




 

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