dimanche 7 juin 2015

Bonne lecture : "Giampetro Campana, la malédiction de l'anticomane."

                                        Pour les besoins de cet article, j'ose supposer - et je ne prends pas un bien grand risque - que nombre d'entre vous ont déjà visité le musée du Louvre. Sans doute avez-vous arpenté les galeries consacrées à l'Antiquité et, en admirant les différentes pièces, peut-être avez-vous remarqué que beaucoup appartenaient à la "collection Campana". Mais vous êtes-vous interrogé sur ce nom, vous êtes-vous demandé qui était ce Campana ? Mouais, moi non plus. Voilà pourquoi  le courriel que m'a récemment envoyé Jean-Luc Dousset a particulièrement retenu mon attention. Auteur d'un livre intitulé "Giampetro Campana, la malédiction de l'anticomane" (Éditions Jeanne d'Arc), il m'a sollicitée afin de faire connaître son ouvrage. Et a éveillé ma curiosité, me poussant à chercher des renseignements sur cet homme, dont le nom est associé à une quantité incroyable d'antiques - mais pas que... - à travers les musées d'Europe.

                                        Giampetro Campana est né en 1808 à Rome. Il est issu d'une famille de la haute bourgeoisie, riche et cultivée. La passion de l'Antiquité est en quelque sorte un atavisme familial, son grand-père et de son père étant déjà des collectionneurs d'antiques. Le premier avait mené des fouilles et rassemblé divers objets, notamment à Rome et Ostie, tandis que le second avait constitué une importante collection de pièces et médailles. Atteint de la même fièvre, Campana entreprend à son tour des fouilles archéologiques, d'abord à Rome en 1831, puis à Ostie et Cerveteri, contribuant à mettre au jour la civilisation étrusque. Membre de plusieurs sociétés et commissions scientifiques, il gagne rapidement en notoriété et en réputation.


Giampetro Campana.





                                        Achetant par ailleurs de nombreuses pièces archéologiques, Campana est bientôt à la tête d'un véritable musée privé. Il ne se limite cependant pas à l'Antiquité et fait l'acquisition de sculptures et de tableaux, principalement de la Renaissance. Il rachète par exemple une partie de la collection du Cardinal Fesch, mise en vente en 1845, et dépêche des envoyés dans toute l'Italie, les chargeant de traiter avec les marchands d'art les plus célèbres. Ceci explique la grande variété des artistes représentés dans ses collections, et Campana accumule les œuvres afin de constituer un panorama le plus exhaustif possible. Sa collection comporte par exemple près de 400 tableaux de peintres primitifs ! 

                                        Directeur du Mont-de-piété depuis 1833, Campana entreprend de réformer l'institution. Il obtient du gouvernement pontifical l'autorisation d'augmenter la somme maximale des prêts consentis, qui devient illimitée, et la caisse des dépôts est désormais annexée au Mont-de-piété, qui s'enrichit considérablement. A sa demande, l'administration autorise dès 1839 la mise en gage des objets d'art, pour lesquels on consent un prêt d'un tiers de la valeur estimée. Mais les œuvres ne se revendent pas, et cette mesure est révoquée peu après. Or, Campana n'en tient pas compte et malgré l'interdiction, il continue de prêter de l'argent contre des tableaux, notamment aux marchands avec lesquels il est en affaire. Utilisant l'argent du Mont-de-piété, il fait lui-même l’acquisition de plusieurs œuvres d'art, piochant dans les fonds mis à sa disposition. En dépit de plusieurs mises en garde, Campana persiste, dissimulant son identité sous de faux-noms et vendant et achetant à l'étranger par l'intermédiaire de son épouse. 

                                        Le subterfuge finit par être dévoilé et Campana est arrêté le 28 novembre 1857. L'affaire fait grand bruit en raison de sa notoriété, et au terme d'un long procès, le collectionneur est condamné en Juillet 1858 à 20 ans de galère et 900 000 écus d'amende. Sur l'insistance de ses avocats qui plaident que la valeur des œuvres qu'il possède est bien supérieure à cette somme, il en cède la majeure partie au gouvernement pontifical.

                                        La belle-mère de Campana, l'anglaise Mrs Crawford, était une proche de Napoléon III qu'elle avait soutenu à plusieurs reprises ; à sa requête, celui-ci intervient auprès du Pape et obtient que la peine soit commuée en bannissement à vie. Il accepte aussi de racheter une grande partie de la collection de son gendre, qui est vendue et disséminée à travers l'Europe. En 1861, la France acquiert ainsi 11 835 objets et 641 tableaux contre la somme d'environ 4 800 000 francs (soit 812 000 écus romains).

                                        Campana rentrera plus tard à Rome, après l'unification de l'Italie et le chute des états pontificaux, mais il ne retrouvera jamais son prestige et sa fortune d'antan. Reste que son nom demeure associé aux collections qu'il avait constituées, et qu'on retrouve aujourd'hui dans les plus grands musées : l'Ermitage de Saint-Pétersbourg, le musée de Kensington à Londres, et évidemment le musée du Louvre - dont elles constituent une grande partie des galeries étrusques, grecques et romaines.

                                        Visiteur occasionnel ou inconditionnel des musées, on s'intéresse rarement à l'origine des collections que l'on peut y admirer, et les noms qui y sont accolés suscitent rarement la curiosité. Peut-être devrait-on chercher à en apprendre davantage sur ces hommes, passionnés d'art et d'Histoire jusqu'à l'obsession : à l'instar de celle d'un Guimet, la vie d'un Campana semble tout droit sortie d'un roman. Je ne vous cacherai pas que je n'ai pas lu la biographie que lui consacre Jean-Luc Dousset, dont je n'ai eu connaissance que grâce à son courriel : je ne saurais donc vous la recommander. Toutefois, il me semble qu'elle a bien sa place sur ces pages, et je vous renvoie directement vers le site de l'éditeur pour de plus amples informations. Si vous avez l'occasion de lire cet ouvrage et que vous souhaitez donner votre avis, n'hésitez pas à me contacter.





"Giampetro Campana : la malédiction de l'anticomane" de Jean-Luc Dousset.
Éditions Jeanne d'Arc - lien ici.
15 Euros


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