dimanche 10 janvier 2016

Curiosité : Ex-voto et gladiature.


                                        J'ai déjà parlé plusieurs fois de gladiature : récemment en vous présentant quelques-uns des combattants les plus célèbres de l'Antiquité romaine, et auparavant dans un article plus général sur les types de gladiateurs, le déroulement d'un combat, etc. Mais il y a une curiosité dont je n'ai pas parlé, un témoignage archéologique intéressant et, à ma connaissance, unique dans le monde romain.

Hadrien. (©Lena via wikipedia.)
 
On le trouve dans l'amphithéâtre d'Italica (dans l'actuelle province de Séville), construit au IIème siècle (entre 117 et 138 environ) par l'Empereur Hadrien, natif de la ville. Ce bâtiment était l'un des plus impressionnants du monde romain : il pouvait accueillir 25 000 spectateurs, sur trois rangées de gradins. Il était également doté d'une fossa bestiaria, sorte de souterrain où l'on parquait les animaux sauvages qui accédaient ensuite à l'arène par deux galeries. Réputé pour ses venationes et ses combats d'animaux, l’amphithéâtre d'Italica présentait aussi, bien évidemment, des combats de gladiateurs.




Amphithéâtre d'Italica. (©Spanisharts.com)


                                        Étant l'une des plus grandes constructions de l'Antiquité, le monument suscite déjà l'intérêt de quiconque s'intéresse un temps soit peu au sujet. Mais des arènes, on en trouve ailleurs... Sa grande particularité, ce sont les ex-voto que l'on y a découverts, traces étranges mais finalement riches d'enseignement pour les chercheurs.


Plaque votive dédiée à Némésis. (©Musée Archéologique de Séville.)

                                        Il s'agit d'empreintes de pieds, appariées sur une plaque de marbre et dédiées à Némésis, Déesse de la vengeance et de la justice - soit la divinité favorite des gladiateurs. Sur ces plaques, on peut lire le nom du combattant qui a accompli cette étrange offrande, ainsi que le nom de la Déesse. Au total, ce sont une douzaine de plaques, placées au sol dans la partie nord de l'amphithéâtre, entre la porte triomphale et l'endroit où s'élevait un autel trapézoïdal dédié à Némésis Caelestis - ce dernier nom  étant celui que les romains donnaient à la Tanit punique, Déesse de la fertilité, de la naissance et de la croissance, qui a aussi été associée à Junon. (Iuno Caelestis).

Plaque votive avec l'inscription : "Avrelivs Loitticvs Nemesi Praesenti."

                                        Ces témoignages archéologiques illustrent parfaitement l'importation des divinités orientales et la manière dont elles ont été assimilées au panthéon romain, puisque les cultes des deux Déesses ont ici fusionné. Mais ce processus particulier de syncrétisme est cependant spécifique à l'Hispanie à compter du IIème siècle. Ce double culte restera vivace et profondément ancré dans les mœurs, avant de tomber en désuétude dans le courant du Vème siècle - soit au moment où l'amphithéâtre lui-même fut délaissé.


Statuette de Némésis. (Villa Getty - ©Bibi Saint Pol via wikipedia.)

                                        Une manifestation de la piété des gladiateurs et du culte qu'ils vouaient à Némésis - mais une manifestation pour le moins étonnante, et qui n'est pas sans rappeler le Walk Of Fame... Némésis en moins et les médias en plus, mais Hollywood n'a finalement rien inventé ! A ce détail près que, désormais, ce sont justement les empreintes et ceux et celles qui les ont laissé qui font l'objet du culte des fans.


Marilyn Monroe et Jane Russell, gladiatrices hollywoodiennes... (©LA Times.)

4 commentaires:

Unknown a dit…

Des traces qui resteront dans l'histoire tant que des fanatiques n'y toucheront pas

FL a dit…

Ce qui, par les temps qui courent, n'est pas forcément évident... Merci pour ce commentaire, parce qu'il attire justement l'attention sur un sujet important et malheureusement beaucoup, mais alors beaucoup trop actuel.

Unknown a dit…

Merci pour vos articles, toujours passionnants et très utiles pour le professeur de lettres classiques que je suis. Celui sur les gauchers m'a particulièrement servi car les élèves posent souvent des questions à ce sujet, que ce soit quand on traite les jeux de l'amphithéâtre ou l'armée romaine.

FL a dit…

Ah, c'est gentil ! Ça me fait toujours plaisir de voir que mon blog sert à quelque chose, a fortiori s'il peut aider des élèves et répondre à des questions aussi secondaires (mais néanmoins intéressantes) que la place des gauchers dans la Rome antique ! J'avoue que la question m'a surprise, mais j'adore me pencher sur des sujets un peu atypiques et j'étais donc ravie :-)