vendredi 13 avril 2012

La langue dans l'Empire romain

                                        Si vous pouvez lire ce blog, c'est grâce aux Romains. Bien sûr, sans eux, j'aurais eu du mal à rédiger des articles sur l'Antiquité romaine - ça tombe sous le sens ! Mais ce n'est pas exactement ce que je voulais dire... Si vous pouvez DÉCHIFFRER ce blog, c'est grâce aux Romains : l'alphabet que nous utilisons, ces lettres que vous avez appris à reconnaître tout petits, nous viennent directement de la Rome Antique. En effet, ce sont eux qui ont créé notre alphabet, qui était déjà quasiment identique à celui que nous connaissons :

A B C D E F G H I K L M N O P Q R S T V X Z

Comme vous l'avez remarqué, il ne manque que le J, le U, le W et le Y. A noter que, dans les inscriptions latines, le I était également utilisé pour la lettre J, et le V pour la lettre U.

                                         La trace la plus ancienne en langue latine date du VIIème siècle avant J.C. L'alphabet latin a été constitué à partir de signes grecs et étrusques - dont l'alphabet s'inspirait déjà largement de celui des Grecs. Nous avons peu ou prou conservé le même système, plusieurs siècles plus tard.

                                         Rome, au fil des siècles, n'a cessé de se développer et de conquérir de nouveaux territoires, repoussant sans cesse ses frontières, de la Bretagne à l'Afrique et de la péninsule ibérique à, grosso modo, l'Iran actuel et la Germanie. Inévitablement se pose la question de la langue : comment gouverner un empire aussi vaste, où sont parlées des multitudes de langues différentes ? Et bien, les Romains n'ont jamais tenté d'éradiquer les idiomes locaux : ils se sont contentés de les ignorer, et de "s'arranger" pour que le Latin devienne indispensable aux élites autochtones.

Pièces romaines (représentant la tête de Minerve et la louve)
Tout d'abord, ils imposent le Latin comme langue officielle dans l'administration. En pratique, cela revient à dire que le Latin est nécessaire à quiconque souhaite s'associer aux services publics, grimper dans l'échelle sociale et la hiérarchie. Logiquement, le Latin devient également la langue de la finance - la monnaie romaine se diffusant dans toutes les provinces et les compagnies financières liées à l'administration impériale utilisant évidemment le Latin. Un autre vecteur de diffusion de la langue Latine, c'est le fonctionnement de l'armée : en effet, les peuples vaincus étaient obligés de fournir aux Romains d'importants effectifs militaires, incorporés dans des armées commandées en Latin. De plus, les soldats en fin de carrière recevaient en récompense des terres, généralement situées dans les provinces, et ces colonies de peuplement ont permis d'étendre le Latin dans les campagnes - bien que sa diffusion reste un phénomène essentiellement urbain. Du reste, tout l'Empire a connu, à un moment ou à un autre, une période plus ou moins longue de bilinguisme Latin / langue locale.

                                         Pour autant, il ne faut pas imaginer que le Latin parlé au fin fond de la Gaule ou de la Lusitanie était celui d'un Caton ou d'un Cicéron ! Le Latin utilisé par les colons, les soldats, les autochtones, était bien différent du Latin littéraire. En marge de ce Latin classique, un Latin plus populaire s'est développé : essentiellement oral, il est progressivement employé par les scribes ou les clercs lors de rédaction d'actes civils et a gagné en influence - au point, selon certain, d'avoir perverti la langue jusqu'à Rome ! Il sert également de vecteur au Christianisme, qui touche en premier lieu les plus pauvres et les classes modestes, et se sert donc de ce Latin "du peuple" pour transmettre son message. Devenu langue de l’Église, c'est ainsi que ce Latin populaire perdurera, survivant à la chute de Rome - et qu'il donnera naissance aux langues telles que l'Espagnol, le Français, le Roumain, etc.   

                                         Ainsi, une certaine unité linguistique s'installe dans tout l'Empire, le Latin côtoyant les différentes langues vernaculaires. Seul le Grec résiste à cette hégémonie : il demeure utilisé en Orient, tandis que toute la partie occidentale utilise le Latin. Ainsi, les documents étaient systématiquement traduits à l'intention des provinces hellénophones, et les courriers adressés aux cités grecques étaient rédigés dans leur langue.

                                         De fait, le Grec jouissait d'un grand prestige au sein des élites romaines, qui se devaient d'être parfaitement bilingues. Langue de la littérature et de la philosophie, elle était enseignée aux enfants des grandes familles, souvent avant même le Latin, de sorte que les esclaves hellénophones étaient particulièrement recherchés. Par ailleurs, tout cursus scolaire digne de ce nom incluait obligatoirement quelques mois passés en Grèce - tout comme aujourd'hui, nos étudiants les plus privilégiés partent étudier quelques semestres dans des universités anglaises ou américaines... Mais nous aurons l'occasion d'approfondir le sujet un de ces jours !

                                          Bref, pour résumer, si vous aviez vécu dans la Rome antique, vous auriez pu parcourir la totalité de l'Empire et vous débrouiller en ne maîtrisant que deux langues : le Latin et le Grec ! Alors que maintenant, il vous faudrait parler Italien, Français, Allemand, Portugais, Arabe, Turc, Roumain, Grec... Avouez que c'était quand même plus pratique ! Évidemment, cette diffusion du Latin dans les territoires conquis visait surtout à imposer la domination romaine, et pas tellement à faciliter le tourisme... Mais de cela aussi, nous en reparlerons à l'occasion - mais pas en Latin, promis !

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